Ramadan à Gaza

11 août 2011 – Le mois saint de Ramadan a commencé il y a six jours ici à Gaza, et cette année, il est torride (il est basé sur le cycle lunaire, il varie donc tous les ans). Je me suis déjà essayée au Ramadan par le passé, mais je n’avais jamais eu le privilège de partager plus d’un repas d’iftar (la rupture du jeûne) dans une famille.

Vivre avec une famille qui jeûne est une expérience pénétrante à beaucoup d’égards. Je vois la volonté considérable qu’ils déploient pour s’assurer que rien ne passe leurs lèvres. Pour beaucoup, ne pas boire est le plus dur. Pour les fumeurs, le manque de nicotine leur met les nerfs à vif. Et au fur à mesure que le compte à rebours de l’appel à la prière se déroule, les chauffeurs deviennent plus irritables et distraits. J’avais cru auparavant que les nombreux visages aux traits tirés et les gestes ralentis que je voyais du milieu de l’après-midi jusqu’au coucher du soleil étaient dus à la maladie.

Malgré le sérieux défi que représente le fait de s’abstenir de toute consommation pendant environ 14 heures en Palestine (la durée diffère selon les localisations géographiques), tout le monde me dit que Ramadan est le mois le plus beau. Et alors que j’étais d’abord sceptique, je vois leur bonheur au moment d’iftar et tout au long de la nuit, tandis que les gens rencontrent leurs amis ou passent le temps en famille.

Parmi les plaisirs culinaires de Ramadan, on trouve la soupe de langues d’oiseaux (appelée ainsi pour la forme des pâtes de riz cuites dans la soupe), les dattes, les jus et les qatayef, une crêpe farcie au fromage doux ou avec un mélange noix-raison et qu’on façonne en croissant de lune avant de la frire.

Les rues et les marchés sont décorés de grandes lanternes décoratives et les enfants passent le temps d’après iftar à faire des cercles avec des boites de conserve pleines de charbon incandescent qui me rappellent les cierges avec lesquels je jouais quand j’étais enfant.

On me dit que la signification de Ramadan n’est pas simplement la mise à l’épreuve de la puissance de la volonté et la célébration nocturne losque iftarse déroule. Il s’agit plutôt de s’abstenir pour compatir avec la faim et la soif des pauvres tout en accomplissant un acte de dévotion à Dieu. Et à part ressentir la douleur des pauvres, pendant Ramadan, les gens doivent donner davantage à ceux qui sont dans le besoin.

Pour un observateur, Ramadan est assurément une leçon d’humilité où l’on réalise combien nous considérons les choses comme acquises et combien la plupart d’entre nous sont privilégiés.

Et je suis très impressionnée. La climatisation est chose rare à Gaza. La canicule, les longues journées et les coupures de courant régulières rendent l’abstinence de liquide et de nourriture une épreuve difficile. Un jour normal, on ressent le besoin urgent de boire un litre d’eau après 10 minutes dehors ; imaginez après 14 heures.

Gaza vit d’autres circonstances particulières, comme le taux élevé de non emploi (plus de 45%) et l’impossibilité pour la plupart des familles d’acheter les jus de fruits spéciaux, les yaourts, les fruits et autres denrées dont les Musulmans jouissent dans le monde entier. Les coupures de courant ne sont jamais précises : la nuit dernière, l’électricité n’est revenue qu’après 1h du matin. Les enfants de la famille chez qui je vis avaient trop peur de dormir dans le noir (les niveaux de traumatisme et de stress post-traumatiques sont d’un niveau extrêmement élevé parmi les enfants de Gaza), ils ont donc attendu que la lumière revienne avant d’aller dormir seulement deux heures avant de se réveiller pour suhoor, le repas du matin. La chaleur insupportable rend le sommeil presque impossible de toutes façons.

Et ceci quand c’est une bonne nuit. Il y a deux nuits, notre sommeil a été interrompu par des bombardements israéliens à l’est et à l’ouest de notre maison, au centre de Gaza, qui ont violemment secoué la maison.

Environ un tiers des familles de Gaza n’ont pas l’eau courante, et la plupart de celles qui l’ont ne l’ont que quelques heures par jour. Les ablutions pour les prières et les bains qui soulagent de la chaleur sont refusés ou extrêmement difficiles pour beaucoup de familles ici.

Une grande majorité des plus de 6.400 maisons détruites pendant l’attaque israélienne de 2008-2009 sont toujours en ruine, les familles déplacées louent un appartement ou s’entassent dans les maisons de leurs proches. A des moments particuliers comme Ramadan, la douleur d’avoir perdu sa maison et des membres de la famille tombés en martyr est plus prononcée.

Il y a quelques jours, j’ai rendu visite à des amis fermiers au sud-est deGaza. Leur ferme, à la fois la terre et le bâtiment, ont été détruits par l’armée israélienne. Ils louent maintenant une maison dans le secteur. Mais cela fait des mois qu’ils ne peuvent payer leur loyer et sont menacés d’expulsion. Ils étaient tout sourire et générosité, mais ce sera pourtant un de leurs Ramadan les plus durs.

Le coucher du soleil approche. Le moment de s’asseoir pour un autre iftar et s’émerveiller devant la force des Palestiniens de Gaza, célébrant dans des conditions très pénibles mais toujours dans le rire et le partage.

Source:  http://www.ism-france.org/temoignages/Ramadan-a-Gaza-dur-marquant-article-15927

 

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