La jeunesse : itinéraire d’un volcan

Dans la communauté, le regard envers la jeunesse est sévère, le constat cinglant : cette génération est mauvaise, immature, destructrice, matérialiste, … De surcroit, les mosquées, outragées par la désertion des jeunes dans leur rang et de leur attitude assurée, s’en plaignent. Les écoles se résignent à assurer un rôle passif, mais face à cela, peu de solutions, si ce n’est des concepts enfantins ou réservés aux adultes qui furent miniaturisés. Or, il convient de partir depuis ces jeunes, leurs situations, leurs souffrances, leurs rêves, leurs sentiments, sur une terre de braises. Il est clair que les ados sont difficiles à gérer, mais d’une puissance d’attachement sans égal. Ces volcans actifs deviennent finalement fertiles pour la culture de la vertu et la pollinisation élargie de leur monde.

Dans la société, peu de places, peu d’instances sont prévues pour l’échange intergénérationnel, le respect des expériences, mais aussi des pages blanches à égalité. Parfois dans le cadre d’une commémoration ou la contrainte du programme scolaire, les rencontres très formelles ont lieu. Après cette parenthèse, chacun, chaque tranche d’âge retourne à ses préoccupations. La tranquillité pour certains, l’ébullition pour les autres. Ces fractures générationnelles pèsent sur le tissu social, et laissent place aux germes cancéreux qui viennent s’y installer. Pourtant, il convient d’œuvrer et de produire la conciliation des générations, l’amour des ainés, des jeunes et des médians, car aucune société viable ne peut composer sans toutes ces tranches d’âge.

Éruption et plantation

Lorsque le jeune lion rugit avide de liberté et d’espace, lorsque la jeune lionne fait de même, consciente de son immense pouvoir, ce sont des signes, des évidences que la mission parentale est accomplie… Combien de mères s’affolent de cet adolescent incandescent et crient leur impuissance ? Combien de pères se sentent dépassés par ces moments, par cette fille rebelle ? Et pourtant, l’ado éclot et le fait savoir, il est désormais prêt à recueillir la pluie, la sagesse qui feront de lui une terre fertile. La moisson suit l’éruption…

La vulcanologie doit être enseignée aux jeunes. Comment cela ? Nous devons apprendre aux ados à maitriser leur colère, à la transformer en amour. A se mettre en colère, mais à en faire des résolutions, à sourire face aux tempêtes, à réduire en oasis des montagnes de défis, à semer des îles de sérénité après une grosse furie.

De la même façon, la botanique doit être au programme. Il s’agit de sélectionner les germes de la foi, de la force, de l’amour, d’en planter de façon raisonnée, de les entretenir et les protéger des mauvaises herbes du vice. Et enfin, de redistribuer les fruits pour le bonheur des gens, pour la rencontre de Dieu. Comme l’illustre cette parole de Dieu : « La bonne action n’est nullement comparable à la mauvaise, fais le meilleur choix en conséquence (au lieu de la vengeance) et tu verras ton adversaire devenir ton ami intime »[1]

Végétation luxuriante

« J’ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l’indifférence », nous cite Anatole France

Encore combien de crises, combien de cris devrions-nous subir ? répètent ses parents lassés de l’attitude de leurs ados… Mais comprenez-le, des rêves d’adultes dans une tête de gosse, des pulsions infantiles dans un corps d’adulte. Le jeune est si pressé de sortir de sa chrysalide, au risque de blesser ses ailes. Il convient, non pas de le maintenir dans cet état de dépendance, cette transition de la nymphe au papillon, mais de l’accompagner pas à pas, jour après jour, vers la vie adulte.

Sous les fines pluies de Rappel délicatement dispensées par des adultes attentionnés, le terrain inhospitalier laissera place à un écosystème somptueux. C’est son monde, sa vie, qui prennent racines sur les cendres encore fumantes d’une adolescence incandescente. « Ne vois-tu pas que Dieu fait descendre du ciel une eau qu’Il distribue çà et là sous forme de sources jaillissantes ? Grâce à cela, une végétation variée apparaît, puis se dessèche, puis se désagrège. Il y a en cela matière à réflexion pour ceux qui sont pourvus de raison. »[2]

On qualifie facilement les jeunes d’inexpérimentés, commettant des erreurs, inattentifs ou encore récidivistes… Mais les adultes sont bien loin de leur servir de modèles et de les comprendre. Et les jeunes conservent malgré tout, l’excuse de leur bouillonnement. Le repentir, le retour à Dieu, le regard sur soi, à travers la bonne compagnie, est une étape nécessaire pour chacun, quel que soit l’âge. Par le repentir, on se rajeunit ! Selon le ressenti, la colère, les larmes, c’est une nouvelle éruption ou une averse gratifiante et bienfaisante. On se réprimande, on s’en veut, mais d’une façon ou d’une autre, on prépare la vallée à une nouvelle vie. On s’agenouille, on se prosterne, pour se relever plus grand, plus résolu.

Que ton repentir soit quotidien mon fils, mon frère.

Le volcan devenu mont

A l’issue d’une jeunesse vivante, énergique, le canevas est tracé, la lave est désormais sèche et dure comme le roc. L’élève a bien appris, ses leçons dessineront son sentier. Il continuera à s’élever, à vivre sobrement, tout en versant dans la générosité, de cœur, de biens, de savoir, de soi. Tout comme le volcan qu’il aimait observer, les flancs de son égo sont dégarnis  à force de redistribuer la pluie bénie qui s’y déverse. Comme les vallées qui l’entourent, son entourage verdit de bonheur. Désormais assagi, le jeune ne se laissera plus aller à des effusions, des éruptions, des excès de passions, mais réagira positivement, constructivement en laissant s’écouler l’eau des glaciers plutôt que le flot de lave. Il continuera de s’élever, mais tout en profondeur, et finira par devenir un pilier dans sa société. « Et la terre, comme Nous l’avons étendue, comme Nous y avons implanté des montagnes et comment Nous y avons fait croître toutes sortes de magnifiques couples de plantes. »[3]

Que serait la couche terrestre, les masses populaires, sans ces reliefs, ces valeureux qui veillent à la stabilité, et à l’élévation de leurs prochains ? Les chaines montagneuses se forment, les crêtes et les sommets se reconnaissant dans leur mission… La réussite de ces jeunes n’aura de goût, de pérennité que par une fusion au sommet, entre les valeureux et avec les moins bien lotis. Ainsi unis, les téméraires seront encouragés, propulsés vers leurs idéaux, vers l’heureuse issue finale.

Tel sera l’aboutissement d’une vie savoureuse, unis dans le progrès

Après toute une vie à pratiquer et à promouvoir le bel agir, les montagnes peuvent vieillir en paix, le sentiment des luttes achevées.

« À ceux-là sont réservés les jardins d’Éden, où coulent des ruisseaux et où ils seront parés de bracelets d’or, vêtus d’habits verts de soie et de brocard, et accoudés sur des divans. Quelle belle récompense et quel magnifique séjour ! »[4]

 


[1] Coran : sourate 41, verset 34

[2] Coran : sourate 39, verset 21

[3] Coran : sourate 50, verset 7

[4] Coran : sourate 18, versets 31

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