Les Touaregs, ou les oubliés de la guerre de la France au Mali

Depuis la fin du XIXème siècle, l’attention française n’a cessé d’être attirée vers la zone du Grand Sahara, profondeur stratégique et vitale des pays du Maghreb et de leur extension naturelle. Les Touaregs, comme d’autres tribus habitant cette région, sont un mélange de Berbères et d’Arabes, fusionnés par l’Islam en une seule communauté depuis des siècles.

 

Cette région, comme les pays du Maghreb, est dominée par le rite sunnite malékite, la doctrine Ascharite et la profusion des ordres soufis. Elle a accueilli un grand nombre de gens de filiation prophétique fuyant les persécutions omeyyade puis abbasside en Orient. Elle est connue aussi pour sa tolérance et son Islam du juste milieu.

Les tribus  Touaregs ainsi que les autres habitants du Grand Sahara, ne sont pas liés sur le plan culturel ou civilisationnel avec les pays subsahariens. L’annexion de leurs territoires au Mali et au Niger, par la colonisation française était une injustice historique et un crime odieux, ajouté aux crimes de la France coloniale dans les pays du Maghreb.

La plupart des études et recherches menées par des historiens, soulignent que l’annexion des régions d’Azawad et d’Iyer au Mali et au Niger était un châtiment à l’encontre des leaders Touaregs et avait pour but, bien sûr, la protection des intérêts de la France dans la région. En effet, ces leaders, et à leur tête l’Emir Mohamed Ali EL Ansari, ont refusé la formation d’un Etat, dépourvu de toute souveraineté, sur le territoire du Grand Sahara. Un Etat, où la France aurait le dernier mot sur les leaders et les richesses naturelles comme le pétrole et l’uranium. Ils ont lutté contre la colonisation française et lui ont interdit l’accès au Sahara par l’Algérie, avant que la France n’assure sa conquête par le littoral africain en s’aidant des troupes sénégalaises et maliennes.

La France a préféré annexer des territoires comme Azawad, rebaptisé abusivement « Nord du Mali », à Bamako et Niami où sa politique coloniale avait trouvé écho chez les dirigeants politiques. Elle leur a sous-traité donc la mission de traquer et pourchasser ses opposants et de mater leurs révoltes. Depuis, les Touaregs, victimes de discriminations raciales, ont vécu un long périple de souffrance qui n’a pas encore pris fin.

En propageant l’idée que les Arabes et les Touaregs ont kidnappé, asservi et vendu les ascendants des peuples maliens et nigériens, les dirigeants de ces deux pays ont privé les Touaregs et les Arabes de tout développement. Leur région restait dépourvue des aménagements de base. Ni écoles, ni hôpitaux, ni routes, malgré les richesses des territoires des Touaregs à Azawad et Iyer dont le Mali et le Niger profitent largement.

Lors de leur révolte exigeant leur droit au développement, les Touaregs ont été exposés à un génocide et à des crimes odieux : tuerie, terre brûlée et déplacement coercitif. Même les puits  irriguant leurs chameaux et leurs bétails ont été empoisonnés. La France, en guise de solidarité avec ses alliés à Bamako et Niami, a cherché à dissimuler, par tous les moyens, ces crimes commis dès les années soixante. Elle continue toujours cette politique de black-out avec les opérations de représailles menées par l’armée malienne.

Peut-être que la grosse erreur du Mouvement de la Libération de l’Azawad (MNLA) et des nationalistes Touaregs a été de tomber dans le piège tendu par la France et quelques pays du voisinage, par leur collaboration avec des groupes jihadistes qui s’affilient à la pensée d’Al qaida. Al Qaida au pays du Maghreb (AQMI) est, selon les propos de plusieurs experts, un produit des services secrets français et d’autres pays du Maghreb. Elle offre le prétexte à Paris et ses alliés de retourner à nouveau sur cette région et d’avorter au passage le rêve historique des Touaregs, qui est de construire leur propre Etat sur le territoire d’Azawad, ayant pour capitale la ville historique, perle du Sahara : Tombouctou.

Les mass-media, oublient –ou ignorent peut-être–  la question principale, celle du peuple Touareg. On ne parle que de « guerre contre le terrorisme » et de l’effort français pour purifier le Grand Sahara des terroristes qu’elle aurait, pourtant, elle-même acceptés dans le but de dominer les richesses de la région. Une domination menacée également par une éventuelle création d’un Etat Touareg sur le territoire d’Azawad.

A cette situation s’ajoute la collaboration de pays maghrébins qui ont ouvert leur espace aérien pour les forces françaises. D’autres restent muets sur les droits des Touaregs au moment où plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne se lancent à la rescousse du Mali.

Ce mépris maghrébin et arabe ne date pas d’aujourd’hui. Ses racines remontent aux années soixante lorsque les pays du Maghreb ont accepté la nouvelle carte de la région, dessinée par le colonisateur, malgré l’injustice historique qu’elle consacrait vis-à-vis des Touaregs. Parmi ces pays, il y a ceux qui ont annexé des territoires Touaregs et ne voyaient pas d’intérêt à ce que ce peuple magrébin soit autonome.

Quant à la Ligue Arabe, sa charte ne concerne que les pays membres. Cette restriction a affecté d’autres peuples comme les Ahwaz qui ont beaucoup souffert du régime iranien, à la fois sous le régime du Shah et après l’avènement de « la révolution islamique ». La seule partie, peut-être, qui a adopté la question touareg est le « Congrès Mondial Amazigh ». Il a considéré le sort des Touaregs comme une question principale qui n’a cessé d’être évoquée dans son ordre du jour. L’union Africaine et L’organisation de la Conférence Islamique n’ont jamais évoqué cette question oubliée. Probablement la considèrent-elles comme une affaire interne malienne et nigérienne vu que ces deux Etats en sont membres.

Traduit par Hatim Achikhan : http://www.elaph.com/Web/opinion/2013/2/790353.html

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page