76 ans de conflit et de souffrance : Le spectre de la Nakba plane toujours sur la Palestine

Il y a 76 ans, en 1948, des centaines de milliers de Palestiniens ont été expulsés de leurs terres à la suite des massacres perpétrés par des milices paramilitaires sionistes, puis par l’armée israélienne. Aujourd’hui, leurs descendants, au nombre de 5,9 millions de réfugiés, se voient toujours refuser leur droit au retour par Israël, un droit pourtant garanti par la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Cet exil forcé est désigné sous le nom de « Nakba », ou la Catastrophe. Le 15 mai de chaque année, ces événements sont commémorés pour rappeler à Israël et au monde entier leur détermination inébranlable à réclamer leur droit légitime au retour.

Depuis le 7 octobre, 2 millions de Gazaouis ont été déplacés et chassés de leur domicile, soit le plus grand nombre de déplacements forcés de Palestiniens depuis 1948. Le génocide des Palestiniens en cours apparaît donc comme le prolongement du nettoyage ethnique de la Nakba et de 76 ans d’occupation, de colonisation, et d’apartheid. C’est la volonté d’effacer l’identité, voire l’existence même, des Palestiniens qui est à l’œuvre. Car comme l’a tristement résumé Elias Khoury en 2011 : « La Nakba n’est pas un événement mais un processus. Les confiscations de terres n’ont jamais cessé. Nous vivons toujours dans l’ère de la Nakba ».

Le sens véritable de la Nakba n’est plus celui d’un simple « déplacement massif de Palestiniens », un déplacement qu’Israël a longtemps tenté de présenter comme volontaire, encouragé par les armées et les radios arabes. Il est celui d’une politique de transfert qui ne recule devant rien, une épuration ethnique délibérée, réfléchie, méthodique, qui se poursuit aujourd’hui à Gaza et parallèlement en Cisjordanie.

Cette stratégie d’épuration ethnique est conçue pour soutenir le mythe d’ « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Elle a pour corollaire une colonisation de peuplement menée sans la moindre interruption en Cisjordanie, y compris pendant les accords d’Oslo, protégée par l’armée comme par l’exécutif, validée par toutes les institutions de l’État, jusqu’à la Cour suprême. Elle s’accompagne d’une négation des droits du peuple palestinien à l’autodétermination. La loi fondamentale israélienne de 2018 sur l’État-nation n’a fait qu’entériner un déni de facto qui était en place dès la conception du projet sioniste. En effet, le peuple palestinien n’est pas mentionné dans les écrits de Theodor Herzl, pas plus que dans la déclaration Balfour, qui évoque « les collectivités non juives existant en Palestine ». Cette loi entraîne une indispensable déshumanisation des Palestiniens, ravalés au rang d’animaux, une métaphore filée à travers les déclarations des leaders sionistes historiques. La population civile de Gaza est aujourd’hui considérée, au pire, comme étant « terroriste » (selon le président israélien, « il n’y a pas de civils à Gaza »), ou au mieux comme « boucliers humains » ou « dommages collatéraux », des chiffres sans nom, sans visage, sans histoire, sans projets.

L’épuration en marche voudrait aujourd’hui pousser les Gazaouis vers le désert égyptien du Sinaï, en rendant définitivement inhabitable leur territoire, portant à son comble un blocus installé depuis 2007, bannissant les moyens de subsistance les plus élémentaires d’une population désormais sans abri : nourriture, eau, fuel, électricité, internet, démolissant systématiquement habitations, hôpitaux, écoles, sanctuaires religieux, et terrains agricoles. Elle s’en prend également aux forces de l’esprit, en ciblant les journalistes et les intellectuels, comme le poète Refaat Alareer (1979-2023), qui a choisi de rester à Gaza pour témoigner des souffrances des Palestiniens. Sa mort symbolise tragiquement les profondes injustices subies par son peuple.

La dernière innovation d’Israël est le recours glaçant à l’intelligence artificielle pour générer des centaines de cibles de bombardements, principalement civiles, prenant pour prétexte le moindre lien, le plus ténu, le plus lointain, avec un membre du Hamas.

De nombreux historiens palestiniens, comme Walid Al-Khalidi et Nour Massalha, ont approfondi la question de l’épuration ethnique. Rachid Al-Khalidi, dans son ouvrage récent The Hundred Years War on Palestine (Metropolitan Books, 2020), affirme que cette épuration est intrinsèquement liée au projet sioniste.

C’est tout cela que signifie désormais le mot Nakba aux yeux de l’opinion publique mondiale, avec le recours croissant au terme « génocide ». Si la Nakba est actuellement occultée par l’opinion publique israélienne, prisonnière de son propre traumatisme après l’attaque du 7 octobre, elle est revendiquée sans la moindre retenue par certains officiels israéliens qui se réjouissent de « dérouler une nouvelle Nakba » contre les Palestiniens.

La Nakba de 1948 ne se résume pas uniquement à l’exil, mais aussi aux destructions et aux massacres. Comme l’affirme l’historien palestinien Ibrahim Matar : « Ce qu’ils font à Gaza, c’est détruire des maisons ; la majorité des victimes à Gaza sont des femmes et des enfants. Ça constitue un immense crime. Ils répètent les crimes qu’ils ont commis en 1948. »

Source : OrientXXI

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