Biographie de Abdessalam Yassine

Formation et carrière

Abdessalam Yassine est né en 1928 (4 Rabi’II 1347). Berbère d’origine, il est issu d’une famille modeste, mais honorable. Son père était un simple agriculteur. Il a suivi ses premiers cours primaires à l’école «Al­Moukhtar As­soussi », et a appris le Coran à l’âge de 12 ans avant d’intégrer l’institut « Ibn Youssef» à Marrakech à l’âge de 15 ans. Pendant les quatre années passées dans cet institut, il a étudié les sciences coraniques et la jurisprudence.

 

En 1947 : II poursuivit ses études à l’école des instituteurs, et pendant cette période (à l’âge de19 ans) il commença à apprendre la langue française. Après cette formation, il fut nommé dans une école primaire à El Jadida. Octobre 1949 : II enseigna pendant deux ans à l’école « La Kasbah » à Marrakech.

Octobre 1951: II est nommé dans une école primaire au lycée Mohamed V.

Octobre 1952: II enseigne la langue arabe au même lycée.

Octobre 1955: II est nommé inspecteur de l’enseignement primaire en langue arabe à Casablanca, puis directeur du département des instituteurs à Casablanca en 1957, puis directeur de l’école des instituteurs à Marrakech en mai 1959.

Eté 1959 : II participe à plusieurs stages pédagogiques internationaux à Sèvres en France (45 jours), aux Etats-Unis (pendant 45 jours également), et à Beyrouth au Liban (stage dans le cadre de l’Unesco). Sept mois plus tard il obtint au Maroc le diplôme de la planification pédagogique avec mention. Il fit ainsi partie du premier groupe de quatre marocains ayant obtenu ce diplôme.

Janvier 1961 : II participe pendant 45 jours à un stage à l’institut de l’enfance à Boulogne (banlieue Parisienne).

Janvier 1963 : II est nommé président du bureau pédagogique de la délégation d’enseignement à Casablanca, puis directeur du centre de formation des inspecteurs à Rabat.

En mars 1967 : Il souffred’une maladie qui le pousse à arrêter son travail.

La remise en cause

En 1965, il vécut une profonde remise en cause personnelle. La question de l’angoisse existentielle lui venait toujours à l’esprit. L’Islam n’était pas pour lui une préoccupation majeure ou un objet d’interrogation. On ne pouvait pas prévoir, du fait de sa formation et de sa situation, qu’il lui arriverait un jour de prêcher une meilleure situation de la communauté ou de dénoncer la pratique totalitaire des gouverneurs. Aussi, Abdessalam Yassine ne savait pas ce que c’était que « la crise spirituelle » dont parlait par exemple Abou Hâmid Al Ghazali.

«En ce qui me concerne, explique A. Yassine, je peux dire qu’en 1965, j’ai vécu ce qui peut être appelé une « crise spirituelle », un éveil spontané ou quelque chose de semblable. Dans mon for intérieur, ce n’était qu’une simple quête de Dieu. Je me suis posé quelques questions concernant mon existence, je me suis dit : tu as atteint la quarantaine, qu’est-ce que tu as fais de ta vie ?»

Dans cette recherche spirituelle, Abdessalam Yassine s’est trouvé soudainement en train de délaisser les livres qu’il lisait habituellement de même que les livres des pensées occidentales et il s’est adonné entièrement à la lecture des livres spirituels. Il essayait d’en tirer une réponse, à la question qui l’envahissait.

En conclusion, il constata que les soufis sont tous d’accord que pour cheminer vers Dieu, la compagnie d’un guide connaisseur de Dieu (héritier du prophète) est primordiale.

Dieu, par sa miséricorde, a voulu qu’Abdessalam Yassine intègre la Zaouïa Boutchichia où il puisa, par les soins de son cheikh Hadj El Abbas, dans les sources d’une foi pure. Là, il goûta aux délices des assises de Rappel (dhikr), qui ravivent et illuminent les cœurs, avec quelques adeptes aspirant à la paix de l’âme, fuyant les artifices et les clinquants de la vie matérielle.

 

Cependant, après la mort du Cheikh Hadj El Abbas, Abdessalam Yassine remarqua que des comportements commençaient à se manifester à l’intérieur de la Zaouïa, poussant à des pratiques s’écartant de la sounna (tradition du Prophète, que la paix et la prière soient sur lui) et gardant uniquement les apparences du soufisme au détriment de son âme.

Jusqu’au décès de cet homme, Abdessalam Yassine était son disciple par excellence.

En parlant de cette nouvelle naissance spirituelle dans son livre Al Ihssane, on peut lire entre les lignes l’état dans lequel il était avant cette naissance, et la métamorphose qu’elle provoque dans la vie du cheminant : «je n’imaginais pas, durant la période de ma crispation, de ma “crise”, et de ma recherche, qu’un disciple sincère pourrait sourire un jour, ni se réjouir du manger et du boire, ni se reposer sur un lit et goûter le sommeil ».

Il dit aussi à propos de sa quête spirituelle : «Je suis parti dans cette quête spirituelle et j’ai lu les livres des soufis. J’ai même lu les livres du yoga lointain de l’Islam, et je passais souvent par des témoignages de personnes qui disent qu’ils ont trouvé (ils ont trouvé ce qu’ils étaient en train de chercher)… et je me disais … toi, tu n’as rien trouvé… quelle tristesse. Puis j’ai rencontré une personne qui m’a dit qu’il y a un guide (cheikh) soufi au Maroc (alors qu’il était prêt à aller le chercher aux quatre coins du monde), et que je devais aller le voir si je voulais le prendre comme guide. J’ai rencontré Al Hajj Al Abbas, et je l’ai accompagné pendant six ans. Il n’était pas analphabète, même si sa formation était traditionnelle. Ainsi, après avoir été une personne importante dans le ministère de l’éducation nationale, très fière de moi, je suis devenu un de ses disciples, son modeste disciple. J’ai compris ce qu’est l’Islam, et j’ai connu Dieu. J’atteste avec toute modestie que cet homme m’a beaucoup appris ».

Le conseil et la prédication

Deux ans après la mort de son guide spirituel Al Abbas, une nouvelle pensée a commencé à se construire chez Abdessalam Yassine, une pensée selon laquelle l’Islam n’est pas une plateforme, mais un cheminement ascendant. L’Islam doit conduire à l’Imane (la foi), qui doit à son tour mener à l’Ihsane (le bel agir) dont l’acmé est le combat sur le sentier de Dieu (al jihad). Il avait une ambition et une volonté qui dépassent la mort car il aspirait à l’agrément et à la face de Dieu.

Ses deux livres  « L’Islam entre l’appel et le pouvoir » et « L’Islam de demain » qu’il avait écrits respectivement en 1972 et 1973 contiennent des réponses aux différentes questions qu’il avait posées à l’époque.

Abdessalam Yassine s’est basé sur un hadith authentique rapporté par Mouslim, Abou Daoud et Nassa’i, et qui donne une grande importance au conseil. Selon Tamim Ad Dari, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « La religion, c’est le conseil. Envers qui, demandâmes-nous ? Le Prophète de répondre : Envers Dieu, son Livre, son Envoyé, les Imams (les chefs religieux de la communauté islamique) et l’ensemble de la Communauté musulmane».

Pendant une longue période, son coeur était meurtri par la dégradation de la situation de la communauté d’une part, et le silence bon gré, mal gré des savants d’autre part. Devant la tyrannie croissante des hommes au pouvoir, il décida d’écrire sa lettre historique au roi, intitulée « l’Islam ou le déluge 1974 ». Le Pouvoir devait réagir suite aux échos suscités par la lettre. On décida alors  de mettre A. Yassine dans un asile pour malades mentaux sous prétexte qu’un tel acte ne peut parvenir que d’une personne déséquilibrée. Un “déséquilibré ” qui a été ensuite emprisonné sans jugement dans une cellule individuelle pendant trois ans et demi.

Pour parachever l’accomplissement de son devoir, Abdessalam Yassine a lancé également un appel aux savants (dans la même lettre, qui était aussi destinée, entre autres à des savants) dans lequel il les incite à assumer la lourde responsabilité qui leur incombe, et qui consiste, entre autre, à ordonner le bien et à interdire le blâmable. Il dit : « Si Dieu décide d’honorer, en l’élisant en martyr, un serviteur qui a dit un mot juste à un gouverneur tyran, réunissez vous sous les commandements de Dieu pour réprimer tous les despotes et les injustes»

Patience et endurance

La réponse aberrante du monarque à l’initiative de A. Yassine ne s’est pas faite attendre : trois années et demi d’incarcération abusive et sans jugement. Deux de ses amis proches, Mohammed El Alaoui Slimani et Ahmed Elmallakh, ont passé quinze mois de détention dans une prison secrète dans la région de Casablanca, parce qu’ils avaient participé au tirage et à l’expédition de la lettre.

Ces réclusions totalitaires révèlent le principe qui gère la relation entre le gouverneur et le gouverné au sein de l’Etat monarchique. Tout avis ou position contraires à ceux des institutions officielles subissent l’autoritarisme, l’injustice et la répression musclée.

Malgré les prohibitions et les agressions de l’Etat, A. Yassine a continué son chemin d’appel à Dieu et de rénovation de la condition islamique. Il utilisa des moyens variés dans la mesure du possible. En effet, étant donné que tout au long de l’histoire de l’islam, la mosquée a toujours été le lieu de renaissance de l’appel à Dieu, il y commença au lendemain de sa libération une série de cours et d’exhortations en restant fidèle à ses principes. Face à l’interdiction de ces derniers en mai 1978, il décida d’ouvrir sa propre maison aux fidèles sympathisants, hommes et femmes, qui adhéreraient à sa ligne de pensée. « La rencontre du Mardi » fût instaurée comme un rendez-vous hebdomadaire. Cependant la maison de A. Yassine demeurait ouverte à tout le monde et à tout moment.

En février 1979, A. Yassine essaya de faire passer son message par écrit. Cinq numéros de la revue « Aijamaa » réussirent à voir le jour avant mars 1980, date de son interdiction définitive. En août 1981, A. Yassine publie la première partie de son oeuvre « La méthode prophétique à travers l’éducation, l’organisation et l’action ». Il y dressa l’essentiel de sa pensée sur l’oeuvre islamique au présent et à l’avenir.

Sur le plan relationnel du rapprochement et du dialogue, A.Yassine a tenté patiemment, mais en vain, de trouver un terrain de coopération avec les différentes composantes du mouvement islamique pour constituer une éventuelle union. Il dit à ce sujet : «Les étapes de l’élaboration du projet islamique requièrent l’établissement de groupes islamiques harmonieux dans chaque pays musulman. Si par sagesse, la diversité et la pluralité des groupes sont permises, il n’est ni légalement ni politiquement permis que ces groupes se renferment et se crispent dans de structures rivales. Au contraire, les devoirs légaux de l’alliance entre les musulmans qui incombent à tous, imposent l’entraide mutuelle pour commander le convenable, repousser le blâmable, rapprocher les points de vue, laisser de côté les querelles personnelles, et appuyer l’Etat musulman après son établissement en renforçant ses fondements et en se sacrifiant pour sa cause. Ainsi, la multiplicité et la diversité des avis deviennent le reflet fidèle d’un effort sincère étayé par la piété révérencielle et protégé contre les tensions partisanes sources de divisions. Ne formons nous pas une seule communauté ? »

En septembre 1981, A. Yassine constitua « la famille du groupe » (Ousrat al Jamaa) pour faire émerger son modèle d’organisation et de travail collectif. Dans son travail de construction, il a su tirer des leçons et des enseignements des expériences de ses prédécesseurs sur le champ de l’Appel.

En 1983, l’association Al jamaa Al Khayriya (la communauté de bienfaisance) dont le sigle est Al Adl Wal Ihsane « Justice et Spiritualité » naquit, reconnue à moitié seulement par l’administration marocaine puisque le processus administratif est à nos jours bloqué par le refus de délivrer le récépissé final.

Il retourne en prison durant deux années. Puis il fut mis en résidence surveillée en 1989 jusqu’à 1999. Durant ces dix années, il en profita pour rédiger d’autres ouvrages et le mouvement justice et spiritualité prit de l’ampleur à travers tout le Maroc, dans le but de changer l’individu avant toute chose.

Parmi les ouvrages du Professeur Abdessalam Yassine

En français :

La révolution à l’heure de l’islam (1980)
Pour un Dialogue avec l’élite occidentalisée (1980)
Islamiser la Modernité 1998
Mémorandum à qui de droit 1999

En Arabe :

L’islam entre l’appel et l’état (1971)

L’islam de demain(1972)

L’islam, ou le déluge (lettre ouverte au Roi du Maroc, 1974)

La Méthode prophétique (1982, 4ème édition)

L’islam et le défi du Marxisme léninisme (1987)

Les hommes modelés (n°1 de la série Al ihssane, 1989)

Introductions à la Méthode (1989, 2 éditions)

L’islam et le défi du nationalisme laïque (1989, 2 éditions)

Aperçu historique et doctrinal (1990)

La raison musulmane entre la souveraineté de la révélation et la domination du rationalisme laïque (1994, 2 éditions)

Dialogue avec les honorables démocrates (1994)

Germes Spirituels (1992)

Lettre de rappel (1995)

Lettre aux étudiants et à tous les musulmans (1995)

Poèmes spirituels (1996)

De l’économie (1995)

Le guide des croyantes (1996)

La choura et la démocratie (1996)

Dialogue entre le passé et l’avenir (1997)

Dialogue avec un ami amazighite (1997)

Al ihsane (l’Excellence) TOME I

Al ihsane (l’Excellence) TOME II

Al ‘adl, (La Justice, les islamistes et le pouvoir)

La khilafa et la royauté

Les hommes d’engagement et de réforme

La lettre scientifique

 

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