Naviguons sur les affluents de la foi

Texte sélectionné pour le prix du concours de rédaction lancé sur la page Facebook PSM enligne, à l’occasion de la 3ème commémoration de la vie et de l’œuvre d’Abdessalam Yassine.

C’est en hommage à ce grand homme que fut Abdessalam Yassine, rappelé à Dieu voilà trois ans, lui-même rendant hommage à ce Grand homme que fut Le Messager de Dieu, paix et salut sur lui, rappelé à Dieu voilà 1425 ans, que je me suis laissé prendre à monter sur ce bateau, avant que l’ancre et le vent ne se lèvent et que ma plume, à court d’encre ne chagrine les élèves.

Le point de départ, c’est cette énigmatique mais si profonde parole prophétique : « L’iman (la foi), dit le Messager de Dieu, provient de soixante-dix et quelques affluents. L’affluent supérieur découle de l’affirmation qu’il n’y a de dieu que Dieu ; l’inférieur est l’enlèvement de la saleté du chemin public. La pudeur est l’un des affluents de l’iman ».

Alors, de nombreux sages se penchèrent à traduire et transcrire l’itinéraire qui mène depuis les cours d’eau vertueux les plus accessibles aux sommets de neiges éternelles, les plus sélectifs. Je vous invite à voyager ensemble à travers dix étapes dans dix contrées aux histoires remarquables.

Avant de monter sur ce navire, je vous propose de visiter l‘Amourie. Sur notre port d’attache, nous ferons le plein de vivres et de provisions, ou plutôt de savoir-vivre et d’horizon commun. Cette région est renommée pour l’atmosphère de clémence qui la protège. La culture locale est baignée dans l’Amour de Dieu, de Son Prophète, paix et salut sur lui, et des hommes. Le peuple rayonne de valeurs incarnées par l’imitation sympathique du Prophète et de ses compagnons, autant dans la ville qu’en privé. Les familles sont réputées solides et heureuses. Ici, chacun honore son voisin, son ami, et adopte le meilleur des caractères.

Nous quittons la zone côtière et avançons désormais à pied. Rappeland, le pays que nous rejoignons est un désert parsemé d’oasis splendides. Nous voyageons de préférence la nuit, guidés par les étoiles, silencieux, chacun concentré sur le souvenir de Dieu. Nul besoin d’éclairage, Il est notre lumière et l’effet de groupe apporte une phosphorescence aux alentours. Nous nous arrêtons souvent pour prier, et prolongeons nos prosternations. Nous nous relayons pour réciter le Coran et nous plongeons dans sa méditation. A chaque étape dans des oasis, nous reprenons force et vigueur dans les assises de la foi et les invocations usuelles. Ainsi, chacun de nos pas est l’occasion d’un repentir, d’un salut au Prophète, d’une glorification, voire d’une larme par crainte ou espoir vis-à-vis de Dieu. L’occasion enfin, de tisser son linceul et d’envelopper nos pensées par le souvenir de la mort.

Nous sommes spirituellement prêts à pénétrer dans Vera-city. Les gens qui y vivent sont connus pour leur sincérité et leur conviction. Ils sont attachés à la foi en l’Invisible et ne doutent point des évènements du destin. Le paysage est parsemé de geysers et se situe sur une faille sismique. Comme pour rappeler que la vérité est parfois amère, voire destructrice, mais nécessaire pour l’équilibre géologique. La cité est gouvernée avec une transparence exemplaire. Chaque citadin peut accéder au dirigeant, le conseiller, le corriger, faire acte de Nasiha, sans craindre de conséquences. C’est cela le courage. Les Véridiques, c’est ainsi qu’on les appelle, tiennent fermement à la parole donnée, même en leur défaveur. Leur bon cœur et leur humilité font d’eux des élèves humbles, éternels repentis, toujours prompts à faire exode de leurs faiblesses, ou à accueillir tendrement de nouveaux venus. Aussi, conformément à la tradition prophétique, ils aiment échanger le récit de leurs rêves pieux et méditer sur ces messages du Ciel.

Nous voilà parvenus à l’orée du pays des Mains tendues. C’est presque sans surprise que je vois les douaniers me tendre la main pour m’inviter à partager leur repas. Ce peuple est renommé pour cela. Et, sans exagérer, ils semblent n’attacher aucune importance à leurs biens. Ici, la terre est fertile et la zakat remplit les caisses de l’Etat qui redistribue et aplanit les disparités économiques. Mais les gens, pauvres ou riches se réjouissent de donner de leurs biens et de leur personne pour Dieu. Les proches s’offrent de généreux cadeaux, et les enfants sont éduqués très tôt dans cette culture du partage. Les riches se sentent à l’abri de l’envie, et les classes populaires ne craignent aucune disette.

Nous redescendons le fleuve Imane à bord d’une modeste pirogue. Notre empressement est à la mesure de ce qui nous attend. Dans quelques jours, nous arriverons au delta du Qalame. Cette région est très étonnante. Dans la mangrove sont dispersées de nombreuses universités sur pilotis. Chacune dispense un éventail de sciences. Chaque étudiant planifie sa journée de l’aube au crépuscule, sans perdre un instant pour assouvir sa soif de savoir. J’ai rencontré un jeune couple surprenant. Ils ont mémorisé le Coran très jeunes, et connaissent des milliers de hadiths. C’est d’ailleurs à l’aube qu’Ahmed et Halima révisent leur portion coranique du jour. Dès le matin, Halima accueille des écoliers tandis qu’Ahmed révise ses cours d’aéronautique. Ensuite, Il rejoint la maison du maître-agronome, tandis que Halima suit les cours de chirurgie. Ils se retrouvent  pour déjeuner de simples dattes, tout en révisant l’anglais et l’allemand. L’après-midi, ils se retrouvent en sciences politiques, puis en droit social. Ensuite, Halima réalise son projet de codage informatique, tandis qu’Ahmed exécute ses travaux dirigés de Gestion d’entreprise. Le soir, après une pause, ils se retrouvent en Amphithéâtre pour approfondir l’éloquence et les sciences de l’éducation. Voilà une journée comme une autre avec un peuple épris de savoir et de lettres.

Nous retrouvons notre premier navire pour rejoindre la péninsule de l’Engagement. Ici, tout est mouvement. La ville est très animée et le travail est élevé au rang de vertu. Le règles de vie sont très exigeantes mais imposent à chacun de gagner sa vie de façon licite. De plus, la vigilance et la droiture empêchent toute tentative de corruption ou d’injustice. C’est le plein-emploi, mais au-delà de leur profession, chaque adulte, homme ou femme s’engage pour améliorer la société. J’ai ainsi rencontré des mamans sensibilisant les jeunes aux vertus de l’écologie. Des étudiants informaient sur les injustices subies par d’autres populations. Et des artistes se produisaient en pleine rue pour une meilleure protection des salariés. Dans tous leurs combats, ces activistes s’engagent et persévèrent sans se laisser parasiter par la rivalité ou la cupidité. Ils mettent en œuvre tous les moyens tout en faisant appel à la Puissance de Dieu, et pourquoi pas, au miracle divin.

Nous poursuivons notre excursion en direction des îles Chahada. Dès notre arrivée sur le port, nous prenons soin de nous purifier, autant par les ablutions rituelles que par l’élimination de pensées malsaines. En effet, cet archipel est réputé pour la propreté de ses habitants, mais aussi des lieux publics. Vêtus humblement, mais harmonieusement, ils aiment témoigner de leur joie de croire en Dieu, dans la pudeur et la retenue. Les mosquées sont nombreuses et rayonnent de la bonté de ceux qui les fréquentent. Chaque vendredi et lors des fêtes, tout le monde s’y retrouve et une suite de programmes fidèles à la tradition prophétique y est proposée. Très sociables, les Chahadois inspirent aux voyageurs de passage comme à l’ami intime, la confiance et la force de la bonne compagnie. Nous aurions aimé y séjourner davantage, mais nous devons poursuivre ce merveilleux voyage.

Au cœur de Ribat, l’île principale de l’archipel Chahada, sur les hauts plateaux difficilement accessibles, nous allons visiter des maîtres spirituels. Très maigres et au teint gris, leur présence est captivante et chaleureuse. Ces ascètes vivent de la cueillette, tissent leurs vêtements et jeûnent très souvent. Ils passent leur journée en méditation et se tiennent loin des actes ou pensées qui éloignent de Dieu. Leurs mots sont rares mais éloquents, et leurs sagesses sont souvent inaccessibles à des citadins comme nous. Ainsi, ils se disent attendre la mort comme une délivrance, et aspirent au voisinage de Dieu plutôt qu’au Paradis. Leur retrait de la vie publique nourrit un détachement complet de tout ce qui n’a pas de rapport avec leur spiritualité. Quel bonheur de s’asseoir près d’eux et de se nourrir de la lumière de leur foi.

Pour la suite de notre heureux périple, nous redescendons les plateaux pour atteindre la ville Wassat, le juste milieu. Cette ville accueille le plus grand centre commercial de la région, mais son économie est gouvernée de façon infaillible. Ici, les vendeurs sont vertueux et vous conseillent même au détriment de leurs intérêts. Les wassatiens ont élaboré une technique de comptabilité applicable en toute situation. Celle-ci permet de donner à chacun, à chaque poste de dépense, son droit, sa juste mesure, tout en menant une vie sobre et détachée. A Wassat, pas de bling bling ou de luxe, le prestige local est dans l’attitude et la rectitude. Et c’est pour rester sur les rails que nous choisissons de prendre le train en direction de l’Est.

Nous voilà au bout de notre very good trip. Jihad city est une ville éloquente. Les nombreux stades et gymnases rappellent la passion des citoyens pour la pratique des sports. Ils sont d’ailleurs renommés pour leur bravoure et leur maîtrise de combat sous toutes ses formes. Emplis d’abnégation, ils savent que leur passage sur terre n’a qu’une visée : concourir à répandre la paix et la justice sur terre, quitte à se sacrifier. Disciplinés et organisés, ils sont les fers de lance de toute organisation qu’ils intègrent. De plus, ce sont d’éloquents prêcheurs et ils se dévouent à tirer leurs semblables vers le haut, vers Dieu. Enfin, Jihad city est le point de rassemblement de tous les pèlerins en route vers la Mecque.

C’est emplis de souvenirs que nous reprenons l’avion pour revenir sur nos terres, pour revenir à nos conditions d’origines. En réalité, ce voyage irréel a lieu chaque jour, de façon personnelle. Les affluents de la foi irriguent nos cœurs et lui donnent l’énergie pour grimper au sommet, à l’Excellence. Essayons, et nous y parviendrons avec l’aide de Dieu, d’appliquer chacune de ces vertus au quotidien. Quittons notre posture contemplative pour rejoindre le cercle des exigeants ambitieux, des Mohssinins (les bienfaisants). Faisons de notre vie l’anti-égo-trip qui se conclura tout près du Messager, paix et salut sur lui, tout près de Dieu. Amine.

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