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« Bien des lecteurs estimeront, sans doute, qu’il est profondément démobilisateur de terminer une critique du libéralisme sur de pareilles leçons de ténèbres. On commencera par leur répondre, avec Jean Pierre Dupuy, que « lorsqu’on annonce, afin de l’éviter, qu’une catastrophe est sur le chemin, cette annonce n’a pas le statut d’une pré-vision, au sens strict du terme : elle ne prétend pas dire ce que sera l’avenir, mais simplement ce qu’il aurait été si l’on y avait pas pris garde ». Mais s’il advenait, malgré tout, que l’humanité perde son dernier combat et soit ainsi contrainte de céder la place aux machines post-humaines, dans le monde dévasté du libéralisme victorieux, il resterait encore une vérité ineffaçable. La richesse suprême, pour un être humain – et la clé de son bonheur – a toujours été l’accord avec soi-même. C’est un luxe que tous ceux qui consacrent leur bref passage sur terre à dominer et exploiter leurs semblables, ne connaîtront jamais. Quand bien même l’avenir leur appartiendrait. » (1)

C’est avec cette note réaliste que j’ai souhaité commencer mon propos et c’est précisément de l’accord avec soi-même qu’il sera question.

Ce type d’annonces est devenu inévitable dans la littérature, et les appels à un réveil de la conscience de l’humanité sont devenus assourdissants, à condition qu’on ait réussi à troquer la joystick contre un livre.

Quelle est la situation du monde scientifique, aujourd’hui, qui ait ainsi affolé les boussoles de plus en plus de philosophes, de sociologues ou d’épistémologues ?

On pourrait répondre très simplement que nous sommes entrés dans un paradigme qui a paralysé notre vision du monde depuis plusieurs décennies. Avec notamment la philosophie des « lumières », l’homme occidental a, peu à peu, entrepris un chemin dans lequel il a confié toutes ses questions existentielles à une raison qui a décidé de ne s’appuyer que sur la représentation du monde émanant de ses organes sensoriels. Fort de ce nouveau paradigme, il a, à la fois, évacué la question de Dieu, progressé dans une certaine direction dans la maîtrise de son monde et résolu la question lancinante de la vie après la mort, puisque nous ne sommes que le fruit d’un hasard et que cette erreur sera rapidement effacée avec la fin de notre existence.

« En Allemagne, le rationalisme apparaissait comme allié de la religion, mais l’on se rendit bientôt compte que le côté dogmatique de la religion ne pouvait être démontré. Il ne restait donc qu’à éliminer le dogme. Cette élimination du dogme entraîna une conception utilitaire de la morale, et le rationalisme vint ainsi couronner le règne du scepticisme. Tel était l’état de la pensée théologique en Allemagne lorsqu’apparut Kant. Sa Critique de la raison pure révélait les limites de la raison humaine et réduisait en cendres toute l’œuvre des rationalistes. Et c’est à juste titre qu’on a dit de lui qu’il était le plus grand don que Dieu ait fait à son pays » (2).

« Le plus grand don que Dieu ait fait à son pays… » Car Dieu ne Se désintéresse pas de Sa création, qui plus est de l’humanité qu’Il a placée au centre de Son Attention Suprême, puisse-t-Il nous accorder Sa guidée et Sa miséricorde. En effet, plus l’héritage scientifique de l’humanité a gagné en maturité et plus un cercle croissant d’intellectuels s’est rendu compte de l’impasse dans laquelle nous sommes engagés. Certains déplorant, d’ores et déjà, le divorce des sciences technologiques d’avec la philosophie, un divorce nécessaire pour prolonger au maximum l’agonie de notre représentation du monde actuel. Ce don de Dieu consistait en la prise de conscience que la raison ne pouvait pas atteindre la pleine réalité du monde et ne pouvait donc plus s’asseoir confortablement sur son paradigme et qui sera inévitablement évacué parmi les déchets de notre Histoire. Einstein n’a pas arrangé les choses avec sa relativité qui a ébranlé toutes les bases de la physique traditionnelle.

L’ère des sciences omnipotentes et omniscientes est terminée. L’ère du rationalisme est ébranlée. « Je ne crois que ce que je vois » disait Saint Thomas, mais qu’en est-il aujourd’hui alors que la possibilité de la perception de la réalité du monde par les organes sensoriels est complètement remise en question. La connaissance de la connaissance est-elle possible ? Je ne développerai pas ce que Edgar Morin a magnifiquement mis en exergue dans son œuvre majeure « La Méthode » et où il explicite toutes les difficultés se présentant à l’homme pour atteindre une connaissance, qu’elles soient endogènes ou exogènes.

« Mais, dans le doute ils s’amusent ! » (3). D’où viens-je ? Où vais-je ? Quel est le sens de mon existence ? Qu’est-ce qui m’attend après la mort ?

L’humanité entière est envahie par les nouvelles technologies qui proposent pléthore de divertissements et ont anesthésié le Moi Profond d’où émanent les questions essentielles.

Mon frère, ma sœur en humanité, la science a échoué à répondre à ces questions ! Si tu attends après elle pour décider de ton devenir tu prends un risque incommensurable ! Alors comment et où trouver les réponses à ces questions ?

« Le scepticisme philosophique de Ghazâli, qui allait, cependant, un peu trop loin, eut pratiquement le même effet dans le monde de l’Islam : il brisa les reins de cet orgueilleux, mais vain, rationalisme qui avait la même orientation que le rationalisme pré-kantien en Allemagne. Il existe néanmoins une différence importante entre Ghazâli et Kant. Kant, d’accord avec ses principes, ne pouvait affirmer la possibilité de la connaissance de Dieu. Ghazâli, désespérant de la pensée analytique, s’adressa à l’expérience mystique et y trouva au point de vue religieux un contenu se suffisant à lui-même. » (4).

L’Islam, dernière religion révélée à l’humanité, est venu réitérer l’Appel divin à Ses créatures à travers Sa Parole révélée sur le noble Messager Mohammed, que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui. « Ô Homme (en arabe, indépendamment du sexe) ! Qu’est-ce qui t’a trompé au sujet de ton Seigneur, Le Noble, qui t’a créé, puis modelé et constitué harmonieusement ? Il t’a façonné dans la forme qu’Il a voulue. » (5)

Non seulement Dieu S’est manifesté à nous mais Il nous a accordé la possibilité de cheminer vers Lui et d’entrer en lien avec Lui à travers une expérience spirituelle personnelle. L’imam Ghazâli, que Dieu lui accorde Sa miséricorde, après avoir épuisé toutes les possibilités intellectuelles pour atteindre la connaissance de Dieu, a confié sa soif et sa faim à la compagnie d’un homme pieux et illettré mais dont le cœur était suffisamment limpide pour saisir la réalité de son Moi Profond et d’y établir le lien permanent avec Le Créateur.

Une fois ce lien établi, la preuve de l’existence de Dieu est précieusement enfouie dans ton cœur.

« Le troisième point à noter est que, pour le mystique, l’état mystique constitue un instant d’association intime avec un autre Soi, Unique, Transcendant, Dominant et supprimant momentanément la personnalité privée du sujet de l’expérience. Quant à son contenu, l’état mystique est hautement objectif et ne peut être considéré comme une retraite dans les brumes de la subjectivité pure. […] Nous connaissons nos compagnons comme réels parce qu’ils répondent à nos signes et qu’ils apportent ainsi constamment le complément nécessaire à ce que je ne peux exprimer que d’une façon fragmentaire. C’est la réponse qui, sans aucun doute, constitue le « test » de la présence d’un être conscient, et le Coran exprime lui aussi la même opinion : « Et votre Seigneur dit, appelez-Moi et Je réponds à votre appel. » (S40, V60). « Et lorsque Mes serviteurs t’interrogent à Mon sujet, alors Je suis près d’eux et je réponds au cri de celui qui M’appelle. » (S2, V186) » (6).

(1) Jean Claude Michéa : L’empire du moindre mal, p209, 210

(2) Mohamed Iqbal : Reconstruire la pensée religieuse de l’Islam

(3) Coran : S. La fumée, V9

(4) Mohamed Iqbal : Reconstruire la pensée religieuse de l’Islam

(5) Coran : S. La rupture, V. 6, 7 et 8

(6) Mohamed Iqbal : Reconstruire la pensée religieuse de l’Islam, p19 et 20

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