Le peuple palestinien est victime d’un déni d’humanité

La décision d’Israël d’interdire à deux représentants démocrates des États-Unis, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, d’entrer en Israël et de se rendre en Palestine a également révélé la nature belliqueuse et raciste du gouvernement israélien.

Mais notre compréhension de la décision israélienne et de la controverse et des discussions qu’elle a déclenchées ne doit pas s’arrêter là. Les Palestiniens, qui sont aux prises avec les lois israéliennes racistes, continueront de subir la séparation, l’isolement et les restrictions de mouvement longtemps après que l’on ait cessé de parler de ce qui s’est produit pour ces deux jeunes élues au Congrès des États-Unis.

Des enfants malades qui meurent dans la solitude

Un reportage publié par le journal britannique The Guardian en juin dernier a rapporté l’histoire d’enfants palestiniens de Gaza morts dans la solitude à l’hôpital Makassed de Jérusalem.

Depuis qu’Israël a imposé l’isolement quasi complet de la bande’établissement de Gaza en 2007, des milliers de patients palestiniens nécessitant des soins médicaux urgents disponibles à Jérusalem-Est ou ailleurs en Cisjordanie ont été mis devant plusieurs choix, tous pénibles. En conséquence, beaucoup ont fini par décéder chez eux, tandis que d’autres ont attendu des mois, voire des années, pour obtenir l’autorisation de quitter la bande de Gaza sous blocus.

The Guardian a raconté l’histoire de 56 bébés de Gaza qui ont été amenés à l’hôpital Makassed, mais hélas sans aucune famille pour les accompagner. Six de ces bébés sont morts seuls…

Le groupe israélien de défense des droits de l’homme, Gisha, donne les chiffres de cette triste réalité. Lorsque le passage de Beit Hanoun (Erez) entre Gaza et Israël n’est pas complètement fermé, seuls 100 habitants de Gaza sont autorisés – par jour – à entrer en Israël (la plupart du temps en direction de la Cisjordanie). Avant le déclenchement de la Deuxième Intifada palestinienne, le soulèvement de 2000, « le nombre moyen et mensuel d’entrées de Gaza par les Palestiniens en Israël s’élevait à plus d’un demi-million ».

On ne peut qu’imaginer l’impact d’une réduction aussi massive des mouvements sur la communauté palestinienne dans la bande de Gaza en termes de travail, de santé, d’éducation et de vie sociale.

Séparation, siège et fortes restrictions dans les déplacements

Cela va bien au-delà de Gaza. En effet, s’il existe une politique cohérente qui régit les relations entre Israël et les Palestiniens depuis la création d’Israël en 1948 sur les ruines de villes et de villages palestiniens, c’est celle de la séparation, du siège et des restrictions physiques.

L’établissement d’Israël a entraîné un afflux massif de réfugiés palestiniens qui se comptent aujourd’hui par millions et qui n’ont toujours pas le droit de rentrer dans leur propre pays, tandis que ceux qui ont pu rester en Palestine ont été confinés dans de petits espaces coupés les uns des autres, régis par tout un système de contrôle inhumain qui ne fait que se perfectionner avec le temps.

Immédiatement après la création d’Israël, les communautés chrétiennes et musulmanes palestiniennes qui avaient échappé à l’opération de purification ethnique lancée par les milices sionistes pendant la guerre, ont enduré des années d’isolement en vertu du soi-disant Règlement de défense (d’urgence). Les mouvements de Palestiniens dans ces zones étaient régis par la loi militaire et le système de permis.

Après l’occupation des 22% restants de la Palestine historique par l’occupation de 1967, la Loi d’urgence a également été appliquée à Jérusalem-Est, en Cisjordanie et à Gaza. En fait, entre 1967 et 1972, tous les territoires occupés ont été déclarés « zone militaire fermée » par l’armée israélienne.

Entre 1972 et 1991, les travailleurs palestiniens n’ont été autorisés à entrer en Israël que pour servir de main-d’œuvre bon marché. Des centaines de milliers de Palestiniens appauvris, désespérés, mais souvent avec un haut niveau d’éducation, ont été confrontés au choix inévitable d’endurer des conditions de travail humiliantes en Israël afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Mais même cette voie a été fermée à la suite de la Première intifada de 1987, en particulier après la guerre en Irak en 1991. Un bouclage total avait à nouveau été imposé à tous les Palestiniens du pays.

Les accords d’Oslo, entrés en vigueur en 1994, ont officialisé le système de permis militaires. Oslo a également divisé la Cisjordanie en trois zones, A, B, C, les deux dernières (représentant près de 83% de la superficie totale de la Cisjordanie) relevant en grande partie du contrôle israélien. Cela a inauguré une autre réalité horrible en isolant les Palestiniens de Cisjordanie des uns des autres.

Jérusalem-Est occupée est également tombée sous le même système de contrôle israélien. Après 1967, les Palestiniens de Jérusalem ont été classés comme ceux vivant dans la zone J1 – à savoir les Palestiniens dotés de cartes bleues et vivant dans des zones annexées par Israël après la guerre et incorporées dans les limites de la municipalité israélienne de Jérusalem – et dans la zone J2 – les Palestiniens résidant en dehors de la zone de la municipalité. Quoi qu’il en soit, les deux communautés se sont vu refuser « des droits de résidence fondamentaux à un logement convenable et à la liberté de circulation, ainsi que leurs droits à la santé, au travail et à l’éducation », ont écrit Fadwa Allabadi et Tareq Hardan à l’Institute for Palestinian Studies.

Le Mur d’apartheid

Le ainsi-nommé « mur de séparation« , construit par Israël en juin 2002, n’a pas pour but de séparer les Palestiniens d’Israël, ce qui a déjà été réalisé au moyen de nombreuses lois et restrictions aussi anciennes que l’État israélien lui-même. Au lieu de cela, le mur a imposé encore plus de restrictions pour les Palestiniens qui sont maintenant laissés isolés dans des « Bantoustans » rappelant l’apartheid sud-africain. Avec des centaines de points de contrôle militaires permanents et « volants » à travers la Cisjordanie, la stratégie de séparation d’Israël a été transformée, consistant à isoler tous les Palestiniens en leur imposant un confinement individualisé visant à détruire tout sentiment de cohésion et de continuité socio-économique palestinienne.

En outre, l’armée israélienne « a installé des portes de fer aux entrées de la grande majorité des villages de Cisjordanie, ce qui lui a permis de les isoler en quelques minutes et avec un personnel minimal », selon le groupe israélien de défense des droits de l’homme, B’Tselem.

Cela ne finit pas ici, bien sûr. En mars 2017, le parlement israélien (la Knesset) a approuvé un amendement à la loi qui interdirait l’entrée aux ressortissants étrangers qui « ont sciemment lancé un appel public au boycott de l’État d’Israël ». La « loi sur le boycott » est maintenant enracinée dans une loi datant de 2011 et par une décision de la Cour suprême israélienne (confirmant l’argument juridique du projet de loi) en 2015.

Selon le site Internet israélien Globes, en 2018, près de 19 000 visiteurs en Israël ont été refoulés aux différents points d’entrée du pays, contre 1 870 en 2011. Ilhan Omar et Rashida Tlaib s’ajouteront à cette statistique lamentable.

Chaque Palestinien, où qu’il soit, est soumis à ces restrictions. Alors que certains se voient refuser le droit de rendre visite à leurs familles, d’autres meurent isolés dans des zones assiégées, dans des « zones militaires fermées », alors qu’ils sont séparés les uns des autres par des murs infranchissables et de nombreux points de contrôle militaires.

C’est l’histoire de l’isolement des Palestinien d’Israël par Israël que nous ne devons pas laisser s’effacer des mémoires, au-delà de ce qui s’est passé pour les deux jeunes femmes élues du Congrès, Omar et Tlaib, et des habituelles violations israéliennes du droit.

Via
http://www.chroniquepalestine.com/

Un commentaire

  1. Paix, Peace, Salam, Shalom.
    Pour compléter cet article dont je ne remets nullement en cause le contenu ici, je voudrais y ajouter une expérience toute personnelle vécue.
    En effet, avant de me rendre dans ce pays, Israël, j’avais toutes sortes d’apprehensions, de préjugés. J’avais entendu tellement de choses à son sujet que j’avais très peur de ce qui pourrait m’y arriver( attentats, risques de violence de part et d’autres etc…).
    En arrivant à Tel Aviv, la première chose qui m’a interpellé était la similitude que j’observais avec l’expérience nord américaine que j’avais vécu.
    Les clivages sociaux que je voyais se manifester subtilement sous mes yeux semblaient beaucoup moins relever du caractère religieux que du trait culturel et du pays d’origine d’où provenait celui ci. A cet égard, la gare routière de Tel Aviv en est un exemple flagrant.
    En me promenant dans les restaurants, j’ai pu assister à un vrai “melting pot” culturel où se trouvent d’un côté les russophones, d’un autre les anglophones et encore et surtout d’un autre, les Sefarades d’Afrique du Nord ayant certainement vécu en Europe aussi (qu’ils sont nombreux ceux-là et ils parlent tous le français entre eux !!!)
    Quand, je suis arrivé là-bas, c’était “Pessa’h”, autrement dit la “Paques Juive”.
    Les gens se restreignaient d’activité la journée pour sortir plus tard entre amis et profiter ensemble de la soirée. A l’écoute de ce récit, comment n’ai-je pas pu y voir un parallèle avec ce que l’on me décrivait de l’observance du jeune pendant le mois de Ramadan en pays à majorité musulmane? Ce parallèle m’a troublé.
    J’ai continué mon voyage jusqu’à Jérusalem et ai décidé de dormir à Bethleem parce que vraiment, que ce soit à Tel Aviv ou à Jérusalem, les nuitées en hôtel coûtent très cher.
    En dormant là-bas, j’ai pu observer le contraste urbain saisissant entre d’un côté Jérusalem, très moderne, très propre etc et de l’autre Bethleem ou s’entassent des populations dans des infrastructures urbaines desordonnees et vieillissantes.
    Avant, d’arriver à Bethleem par bus, un premier panneau routier m’a interpellé précisant en hébreu et en anglais qu’il était interdit aux détenteurs de passeport israélien de passer la “frontière”.
    Arrivé à celle-ci, le bus s’est arrêté et un soldat est monté dedans pour vérifier les passeports des passagers. La procédure n’a duré que quelques minutes.
    Le lendemain, re belote dans l’autre sens. Le bus s’est arrêté, les ressortissants palestiniens sont descendus pour montrer leur passeports aux soldats israéliens et pour y remonter quelques minutes plus tard.
    Je reviens sur ces soldats que j’ai croisé tout au long de mon séjour. Pour la plupart, je n’ai croisé que des jeunes hommes ou des jeunes femmes de toutes origines geographiques.
    La plupart du temps, ils arboraient un sourire et plaisantaient entre eux lorsque certains ne s’aventuraient pas à draguer certaines plus ou moins ouvertement.
    Ils reprenaient évidemment leur sérieux dans certaines circonstances mais semblaient plus animés par un souci de securite que par des considérations racistes que certains clichés, dont j’avais hérité dans mon esprit, ne leur prêtaient jusqu’alors.
    Après avoir effectué l’ensemble de mes visites, je suis retourné à Tel Aviv et y ai visité Jaffa.
    Pour le lecteur non initié, Jaffa est la vieille ville historique de Tel Aviv qui a été, d’après mon guide touristique, le théâtre, tout au long des siècles, d’un incessant conflit où les uns chassaient les autres à tour de rôle dès qu’ils en prenaient le contrôle (clivage confessionnel musulmans/ juifs ou juifs/ musulmans prenez l’ordre qui vous plaira).
    En visitant ce petit quartier, quelle n’a pas été ma surprise en y entendant raisonner l’appel à la prière !
    Quoi l’appel à la prière ici ? Impossible d’après mes préjugés et pourtant…
    Je finirais ce court récit évidemment trop restrictif et limité par ma promenade dans un souk de Tel Aviv où je n’ai pu m’empêcher d’y retrouver l’ambiance que j’avais pu vivre en pays maghrébins.
    Pourquoi cette intervention ? Je n’*espère pas à travers celle-ci relativiser la douleur que peuvent subir certaines populations, surtout pas.
    Que Dieu me Préserve d’un tel aveuglement et d’une telle injustice !
    Cependant, j’espère plutôt, par cette tentative, que celui-ci contribuera, à son échelle, à faire tomber certains préjugés et certains amalgames dont j’ai pu moi-même être la victime et qui ont troublé, pendant trop longtemps à mon goût, ma vision et mon appréhension d’un conflit qui ne se joue pas forcément là où on le perçoit.
    De ce que j’en ai vu, il y a par exemple, d’après moi, beaucoup plus de distance “culturelle” entre un Européen et un habitant du Maghreb, qu’entre un habitant du Maghreb et un Séfarade y ayant vécu.
    Ce phénomène s’observe tant au niveau linguistique, que culinaire ou que même en terme de mentalité.
    Je l’ai constaté là bas, en Israël, pays présupposé se situer à l’opposé de cette possible observation.
    Ce fût surprenant, très révélateur et finalement transformateur en soi!
    De ce que je sais, les Israéliens, je ne parle même pas ici des Arabes Israéliens qui représentent une composante à part entière de la société israélienne, ne sont pas tous arabophobes ou islamophobes.
    Il y a aussi une gauche israélienne beaucoup plus modérée, humaniste politiquement parlant, et avant elle, une bonne partie du peuple Israélien, qui ne désirent que vivre en paix et être acceptés comme il sont eux-aussi.
    Le sujet est sensible, j’en suis conscient et je n’ambitionne pas ici de nourrir une quelconque polémique mais j’ambitionne plutôt de contribuer à mon échelle à réduire ce fameux “polemos”.
    Ce que je ressorts de cette expérience vécue là bas est avant tout le constat d’une peur, partagée par tous, qui peut faire perdre à chacun ses moyens.
    Cette “peur” qui a mon sens représente le vrai défi d’aujourd’hui là bas mais aussi ailleurs.
    Cette “peur” génératrice de haine puis de violence comme le décrivait déjà si bien en son temps Averoes (Ibnou Sina) que Dieu Lui Accorde Sa Plus Belle Miséricorde.
    C’est triste parce que cette “peur” réduit les uns et les autres à se retrancher derrière des murs et les conduit ensuite à se livrer à la violence, à l’exclusion, à la déshumanisation de l’autre etc… et à toujours plus de nouvelles rancoeurs destructrices et génératrices. ..
    Quand va donc cesser enfin ce cycle infernal où personne ne gagne et où tout le monde perd ?
    Que Dieu nous Vienne en Aide !
    Il faut désormais gagner la paix !!!
    Vive la paix, vive l’apaisement des êtres !!!
    Mon récit ne revendique ici aucune exhaustivité.
    Au contraire, il ouvre peut-être une réflexion sur le sujet et ses possibles perspectives. Les politiques se montrent incapables d’inventer des solutions pertinentes et acceptables par tous?
    Emparrons nous de celui-ci et proposons !
    Je suis convaincu que si une paix est possible, elle ne se construira qu’à partir de ce qui nous rassemble les uns et les autres et non à partir de ce qui nous divise et de ce qui nous a divisé pendant trop longtemps.
    Réunissons nous.
    Bravons la méfiance et la suspicion réciproque.
    Qui peut se satisfaire de tout ce qui a été soulevé dans le précédent article de presse et continuer à fustiger et à condamner sterilemment éternellement ?
    Quand sortirons nous enfin de l’impasse, du rapport de force incessant et contreproductif?
    Rehumanisons nous de part et d’autre et recollons à nous-mêmes. Il n’y a qu’à partir de cette position que l’on peut espérer entrevoir des solutions.
    Les belligérants en ont grandement besoin, pour ici et pour après peut être aussi.
    Dieu Sait Mieux.

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