Le frérisme et ses réseaux, « un essai saturé de jugements de valeur »

Quelle est la valeur scientifique de l’ouvrage de la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler*, « Le frérisme et se réseaux, l’enquête» (Odile Jacob) ? Pour le savoir, nous avons posé plusieurs questions à Haoues Seniguer, maître de conférences des universités en science politique à Sciences Po, chercheur au CNRS et l’un des spécialistes français de l’islamisme. Un entretien écrit à lire exclusivement sur Mizane.info.

Mizane.info : Le livre de Florence Bergeaud-Blacker « Le frérisme et ses réseaux, l’enquête » préfacé par Gilles Kepel a, depuis sa sortie, fait l’objet d’une intense polémique sur les réseaux sociaux et le champ médiatique en général. Ses détracteurs dénoncent une charge idéologique contre l’islam mené sous couvert de la science et ses défenseurs dont l’auteure elle-même dénoncent à leur tour une diffamation, une mise sous silence de ses travaux ou un manque de courage à dénoncer l’islamisme, ou en l’occurrence le frérisme, de ses opposants.

Haoues Seniguer : A l’instar de certains de mes collègues enseignants-chercheurs, j’ai assisté, stupéfait, aux polémiques qui n’ont cessé de croître sur les réseaux sociaux depuis la parution de l’ouvrage en janvier dernier, lequel relève davantage de l’essai, de l’opinion et du libelle, que de la science et de l’analyse à proprement parler (j’y reviendrai par la suite, plus en détail). Je regrette et déplore au demeurant tout emballement de cet acabit, sur un sujet aussi incandescent, à la fois comme citoyen et universitaire.

Notre collègue dit faire l’objet de menaces de mort, c’est évidemment inacceptable et condamnable. Car on peut trouver un ouvrage caricatural, de mauvaise facture, et condamner en même temps toute forme d’intimidation contre son auteure, surtout après le terrible assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020. Hélas, comme elle, moi-même et bien d’autres universitaires faisons ou avons fait l’objet d’insultes, de menaces d’agression ou de mort, pour des travaux en lien avec le fait islamique.

Or, ces menaces et insultes ne proviennent pas toujours du même camp idéologique, c’est-à-dire des activistes musulmans plus ou moins acquis à des idées radicales ou à la cause djihadiste. Certains de ces collègues n’en font d’ailleurs pas forcément état, et encore moins une ressource médiatique, et ce, par décence, pour les victimes du terrorisme islamiste.

Je dois néanmoins à la vérité de dire qu’une partie des polémiques numériques actuelles sont alimentées par Florence Bergeaud-Blacker (FBB, par la suite) elle-même et Fadila Maaroufi qui animent toutes deux l’Observatoire des fondamentalismes basé à Bruxelles. Lequel sur Twitter peut user de propos véhéments et vulgaires contre des adversaires, ou identifiés comme tels, en tous genres.

La seule critique qu’elles semblent tolérer lorsqu’il est question de l’ouvrage, c’est l’éloge !

Elles dénoncent en permanence, avec quelquefois des mots peu amènes, soit les contradicteurs, dont je suis, de « fréristes » ou de complices du « frérisme », soit d’incultes ou d’ignorants, qui n’auraient pas lu, lu de travers ou tout bonnement pas compris la quintessence de l’ouvrage. Voire les trois à la fois, ce qui fait beaucoup.

C’est, pour le moins, une étrange façon d’envisager et de concevoir la controverse scientifique et publique, à laquelle je souhaite prendre ma part, que la chercheuse appelle de ses vœux, cependant qu’elle l’empêche en pratique par ses emportements et ses reproches à l’égard de nombreux académiques cités dans le livre et dont les travaux sont généralement caricaturés et dénigrés, à l’instar de ceux de Franck Frégosi (avec lequel elle a pourtant un temps animé un séminaire à Sciences Po Aix auquel j’ai été convié en 2015), Vincent Geisser (qui l’a accueillie à l’Institut d’études et de recherches sur les mondes arabes et musulmans), Brigitte Maréchal, Olivier Roy, Patrick Haenni, Valérie Amiraux, Saïd Boumama, Moussa Bourekba, Fatiha Ajbli, Nacira Guénif-Souilamas, Patrick Simon, Julien Talpin, Mohamed Amer Meziane, etc. Ce dernier, agrégé de philosophie et philosophe, et non pas sociologue comme l’écrit fautivement FBB (p. 259), est quant à lui carrément dépeint en adepte et théoricien de « l’éco-islamisme ».

Par conséquent, on ne peut, décemment, d’un côté crier à la déformation présumée de son travail, et de l’autre, invectiver et déformer sans vergogne celui des pairs. Y compris en invoquant de prétendus « conflits d’intérêt » avec la mouvance « frériste1 », ce dont elle m’accuse éhontément dans un récent papier en réaction à un article pourtant mesuré de Libération 2. Serait-ce en raison de mon islamité ou de mon patronyme que je serais en l’espèce suspect de frérisme ?

Je fais justement ce que notre collègue, visiblement, ne fait pas ou plus : rencontrer les acteurs sociaux sur le terrain, et pratiquer l’observation participante, parmi d’autres méthodes sociologiques requises pour recueillir la parole des enquêtés, la restituer en la contextualisant, en l’interprétant qui plus est à l’aune de leurs itinéraires individuel et collectif, et de leur capital social. Peut-on travailler sérieusement sur un objet qu’on ne fréquente pas ou plus ? Ce me paraît fort improbable.

Par ailleurs, ce livre, contrairement à ce qu’affirme FBB, je l’ai lu en détail, en prenant soin de relire des passages entiers.

A ce propos, pouvez-vous nous présenter brièvement son livre et la thèse ou les thèses qu’il contient ?

La thèse est en quelque sorte assertive ; elle se présente ainsi, et donc moins sous la forme d’hypothèses discutables, qu’en une réalité incontestable. L’autrice, ce faisant, ferme d’elle-même la porte à la possibilité de débat contradictoire. Dès les premières lignes de l’introduction, elle affirme ce qui est précisément le cœur de la thèse, laquelle, dois-je le concéder, me laisse il est vrai circonspect : « Je définis le frérisme comme un projet intellectuel, politico-religieux, visant l’instauration d’une société islamique mondiale. Le halal way of life – formule popularisée par le marché halal international – pourrait être son slogan » (p. 27).

A la lecture, on hésite effectivement entre perplexité et consternation, a fortiori quand on connaît le pouvoir d’influence limité, qui n’est de toutes les façons en aucun cas un pouvoir d’injonction3, des Frères musulmans européens en général et français en particulier.

Pourquoi ? Elle écrit d’abord que le frérisme est une sorte de déclinaison européenne de l’islamisme, pour ensuite soutenir, en somme, que ce que les islamistes en contexte majoritairement musulman, arabe singulièrement, ont été incapables de réaliser, à savoir le califat, les fréristes, eux, seraient, en Europe, désireux et en mesure de l’accomplir, sous la forme d’une société islamique mondiale. Et des preuves factuelles, concrètes de ce projet, il y en a peu, voire pas du tout.

Pour essayer cependant d’en prouver la réalité, elle convoque à dessein des passages du fondateur des Frères musulmans, Hassan al-Banna (1906-1949) ou bien encore de Yûsuf al-Qaradhâwî (1926-2022), lequel est présenté en une espèce de Deus ex machina, omniscient et omnipotent ; en ce sens que ce dernier, en mentor patenté du frérisme, aurait absolument tout planifié, et même prévu la conquête islamiste annoncée…

Toutefois, à part des textes, qu’elle ne consulte a priori pas en arabe, et pour certains d’entre eux amplement connus au moins en traduction des journalistes et encore plus des spécialistes, aucun extrait d’entretien avec des « fréristes » notoires, de France et de Navarre, ne vient étayer un tant soit peu ce préjugé. A-t-elle seulement essayé de les approcher ?

Partant, l’écriture procède selon moi davantage du regard que porte la chercheuse sur ces acteurs, auxquels elle impute sans de plus amples vérifications ses prénotions et des conceptions univoques, que sur ce qu’ils pensent vraiment.

Pourquoi, en effet, ne pas avoir vérifié ses vues, en interrogeant les premiers concernés sur leurs rapports à l’héritage de Hassan al-Banna et Yûsuf al-Qaradhâwî ?

En outre, l’auteure a tendance, en rupture là aussi avec un regard plus sociologique, à être sourde aux processus d’évolution des acteurs, d’acculturation et de transformation de leurs organisations dans des circonstances déterminées, car, tout simplement, ils ne situent pas en dehors de l’espace et du temps.

FBB aurait sans doute gagné à vérifier un certain nombre d’allégations qui, cumulées, finissent par mettre en évidence des failles et des incohérences saillantes sur le plan du raisonnement : prétendre que le frérisme se distinguerait de l’islamisme par la volonté d’instaurer « une société islamique mondiale » est une erreur, car c’était déjà l’une des bases du projet du fondateur des Frères musulmans et de ses zélateurs dans nombre de pays à majorité musulmane, au travers, précisément, de la revendication de reconstruction du califat aboli en 1924.

Or l’utopie califale, même chez des islamistes légalistes évoluant en contexte majoritairement musulman conservateur à l’instar d’Abdelillah Benkirane au Maroc, a été largement abandonnée 4.

Aussi, les « fréristes » seraient-ils censément capables de faire, dans le contexte européen où ils ne disposent d’aucun pouvoir ou même de relais institutionnel significatif, ce que leurs homologues, avec des partis de masse, ont été incapables de réaliser au pays du Commandeur des croyants ou bien encore au sein de régimes où l’islam est religion d’Etat ? Ici, on se situe clairement au moins dans une panique morale caractérisée, au plus dans la pure fantasmagorie qui confine à l’aveuglement spécieux.

Que les choses soient claires : FBB peut penser le plus grand mal de l’islamisme et du frérisme, militer comme elle le fait, mais en aucun cas l’opinion, pour quelqu’un qui signe comme chercheure au CNRS, ne doit se substituer à l’analyse froide et distanciée d’un phénomène, quel qu’il soit.

Enfin, s’entendre donner des leçons alors que des collègues et moi-même avons écrit de nombreux papiers critiques, grand public et scientifiques, sur l’islamisme, a quelque chose d’aussi invraisemblable que pathétique. Comprenne qui pourra ou voudra. Je renvoie les lecteurs à des émissions auxquelles j’ai participé récemment, dont le contenu pourrait être précisément désagréable à l’oreille des Frères 5

Je n’ai jamais été complaisant à leur sujet. Je suis un être libre. Bien au contraire ai-je été parfois taxé par certains d’anti-frérisme parce que je refusais justement de me transformer en porte-voix de leur idéologie ou en simple scribe.

Cette notion de « frérisme » est attribuée à toutes sortes d’acteurs, d’intellectuels et d’organisation n’ayant parfois que peu de choses à voir ensemble…

La définition du frérisme proposée dans ce livre est, en effet, tellement extensive qu’elle en devient inopérante, ou, à tout le moins, stigmatisante. Autrement dit, tout acteur musulman, réel ou présumé, qui s’exprimerait de façon critique sur des politiques publiques en direction de l’islam et des musulmans, ou contre l’islamophobie, est susceptible d’être accusé de frérisme ; ses soutiens supposés, à gauche, eux, seront volontiers qualifiés d’« islamo-gauchistes » ; expression au demeurant reprise à son compte par FBB.

En fin de compte, de deux choses l’une : participer à la vie sociale et politique en musulman ou en tant que musulman, c’est courir le risque d’être accusé d’entrisme, en recourant à cet égard à « la ruse », etc. Rester à l’écart de la vie publique, en conservant toutefois un attachement visible à l’islam, c’est se voir traité de « séparatiste ».

Florence Bergeaud-Blackler présente son livre sur le frérisme comme une enquête, comprenez une enquête scientifique. Ce livre remplit-il les critères et les conditions de ce qu’on appelle une enquête scientifique ?

A mon sens, ce livre ne remplit absolument pas les critères requis de l’enquête empirique, et des réquisits des sciences sociales de façon plus générale. L’absence de protocole de recherche clair, c’est-à-dire défini, spatialement et temporellement délimité, de cadre théorique rigoureux, de documents inédits auxquels renverrait l’introduction, m’incline fort à le penser.

Il est bien question d’un focus group réalisé auprès de musulmanes voilées (mais s’inscrivent-elles vraiment dans le frérisme ?) ou non en toute fin d’ouvrage, mais, tout à fait paradoxalement et éloquemment, ce que l’on y apprend contredit plutôt les présupposés négatifs de l’autrice sur ce qu’elle appelle « une séance d’endoctrinement » (p. 292). En d’autres termes, les propos des enquêtées qui tranchent avec les préjugés de l’auteure sont d’une manière ou d’une autre réinterprétés pour servir la thèse de l’endoctrinement. L’enquête est entièrement à charge.

Je me répète : ce livre est avant tout un essai, une « compilation orientée » de ce qui existe déjà sur le sujet de l’islamisme. D’ailleurs, les ouvrages de référence de Bruno Etienne (1937-2009), de Mohamed-Chérif Ferjani, de Mohamed al-Ahnaf, de Bernard Botiveau, et d’autres, sont soit ignorés, soit écartés.

Cet essai, en revanche, est saturé, et c’est sans conteste sa singularité dans la production académique française actuelle, de jugements de valeur à sens unique, autrement dit ouvertement dépréciatifs.

Je vais choisir quelques exemples concrets afin que le lecteur, de bonne foi, puisse vérifier par lui-même ce que j’avance. Avec le constat objectif, a contrario de ce que FBB ne cesse de répéter à qui veut l’entendre, une confusion systématique, préjudiciable, entre islam, islamisme et djihadisme.

Elle écrit par exemple, sans sourciller et dans des accents ouvertement normatifs, p. 336-337, ce qui suit, de sorte qu’elle brouille complètement les frontières symboliques cruciales entre les ethos musulman, frériste et djihadiste. Derrière le frériste se trouve in fine le musulman observant, attaché à un titre ou à un autre à la norme islamique, et derrière ce dernier, un frériste qui sommeille, voire un djihadiste en puissance :

« Le frérisme rêve de la théocratie. L’islam n’est pas pour lui une culture ni une tradition mais un système qui répond à tous les besoins individuels et collectifs. Les musulmans doivent être dignes de l’islam, et non l’islam digne des musulmans. Plutôt que d’adapter l’islam au contexte, il veut adapter le contexte à l’islam. Pour lutter contre la peur de l’islam, il veut changer le regard sur l’islam. Pour que les musulmans s’intègrent, ce n’est pas à l’islam de s’assimiler dans l’Europe, mais à l’Europe d’assimiler l’islam. Il cherche à rendre le monde charia-compatible, à parvenir au point où ce monde en aura si bien intégré les valeurs, si bien accepté les normes et les activités, y compris missionnaires, que les principes de séparation du politique et du religieux seront relativisés ou abolis, qu’il ne sera plus question d’islam, devenu évidence – qu’il n’est plus besoin de nommer. On ne nomme pas l’évidence […] Solidaire de la communauté, il [l’individu] justifie le jihadiste même s’il ne le soutient pas, il justifie l’antisémitisme (ce n’est que de l’antisionisme) même s’il n’est pas antisémite, et quand c’est une femme, elle justifie le voilement des femmes même si elle ne porte pas le hijab réglementaire. Un frériste ne contredit pas un musulman en public, il cherche plutôt à le raisonner en privé. Si à la lecture de ces lignes votre réflexe immédiat est de chercher d’autres exemples comparables en dehors de l’islam (chez les juifs, les chrétiens, du Moyen Âge ou de Syrie, etc.) pour vous rassurer que ces caractéristiques existent ailleurs et que ce n’est pas si grave, il se peut que vous partagiez vous aussi un peu de cet espace mental frériste… »

Tout est là : des propos proprement culturalistes, essentialistes et anti-sociologiques, dans la mesure où même le travail comparatiste est a priori délégitimé, et même suspect.

En outre, plutôt que d’analyser l’islamisme et le frérisme in situ, à partir de données de terrain contemporaines accumulées, renouvelées et actualisées, FBB l’étudie au prisme principal de textes fort anciens, généralement non datés, de théoriciens étrangers au champ islamique européen. Lesquels seraient néanmoins censé expliquer ce que feraient présentement les activistes musulmans fréristes européens et français.

Quelles sont les erreurs factuelles et méthodologiques de ce livre ?

Je ne reviens pas sur les failles méthodologiques béantes (que chacun, suffisamment outillé, peut aisément constater), car vous n’y trouverez pas, je le redis, le moindre entretien avec quelque membre que ce soit de Musulmans de France ou d’autres acteurs engagés sous une bannière « frériste », ou encore des observations ethnographiques des milieux dits « fréristes ».. Ni même avec votre site, et ses responsables, qualifié au demeurant, sans autre forme de procès, de « frériste » (p. 159).

Elle ne prend pas soin de vérifier ses informations, ce qui me semble grave d’un point de vue déontologique.

Je peux citer quelques erreurs factuelles majeures. Par souci de synthèse, je me contenterai de trois exemples révélateurs : p. 22-23, FBB réfère à « l’accusation de blasphème de Salman Rushdie, suivie d’une fatwa iranienne appelant à sa mise à mort » en se trompant de date : ce n’est pas en 1992 que l’écrivain fut l’objet de la fatwa, comme elle l’écrit, mais en 1989 ; plus gênant pour quelqu’un prétendant maîtriser le sujet, p. 30-31, elle confond « frérisme » et « salafisme », en lien avec l’Arabie saoudite et le Qatar ; en commettant cet impair, elle montre au moins ses lacunes, au plus sa confusion, en attribuant effectivement aux uns ce que, réellement ou supposément, feraient les autres :

« Certains distinguent le frérisme du salafisme selon leur mode opératoire. Le premier agirait par la violence et serait piloté par l’Arabie saoudite, le second travaillerait le politique, influencé par le Qatar ». L’Arabie saoudite est en guerre contre « le frérisme » au moins depuis 2014 tandis que le Qatar a plutôt tendance à soutenir les Frères, en particulier légalistes.

Enfin, p. 120 à 126, FBB aborde « la doctrine du juste milieu (wasatiyya) », suggérant que cette dernière « doit permettre aux Frères de se poser en arbitres de tous les conflits, d’être les modérés des extrémistes et en même temps d’être les orthodoxes des libéraux. Cette posture procure l’avantage tactique d’apparaître modéré et tolérant. En réalité, ce qui est visé, c’est l’optimisation du système d’action. Il faut amener le mouvement à trouver le juste équilibre entre la vision et le plan, entre un empressement fanatique qui conduirait à l’autodestruction et un littéralisme quiétiste qui ferait perdre de vue le plan ».

Factuellement, les « fréristes » ou ses théoriciens sont plutôt hostiles aux néo-salafistes, de la même façon que ces derniers vouent aux gémonies les premiers. Je ne vois donc pas comment il pourrait y avoir collaboration idéologique et pratique, puisque, sur le terrain idéologique et politique, ils se font plutôt la guerre.

Par ailleurs, et au mépris de la profondeur historique et linguistique (wasat peut aussi renvoyer à l’idée de justice ou à la médiété dans un langage plus aristotélicien) FBB fait de la wasatiyya la marque déposée du frérisme ; ceci contredit les travaux réalisés en arabe par l’intellectuel égyptien, Nasr Hamid Abou Zayd (1943-2010), peu suspect de collusion avec l’islamisme, loin s’en faut. Ce dernier explicite avec force arguments que « l’idéologie du juste milieu » tire son origine la plus probable de l’œuvre du juriste-imam-théologien, al-Shâfi’î (767-820).

Il eut été donc souhaitable de l’indiquer, fût-ce brièvement. Mais peut-être que l’autrice ignore jusqu’à l’existence de l’islamologue égyptien puisqu’il n’est pas même cité en bibliographie, alors que sa contribution est décisive en matière de critique de l’islamisme et du frérisme, pour reprendre une fois encore la terminologie privilégiée par FBB. Et même un progressiste comme Habib Bourguiba (1903-2000) se réclamait du « juste milieu » en matière de réformes islamiques. FBB l’accuserait-elle, sans rire, de « frérisme » ?

Il y aurait tant de choses à ajouter. L’espace nous manque. Je songe aux anachronismes, dans la mesure où elle va jusqu’à comparer et mettre sur le même plan, l’anticolonialisme des Frères musulmans historiques (p. 31), sous domination coloniale européenne, et les militants décoloniaux actuels, en particulier en France.

Le livre de Florence Bergeaud-Blackler est-il complotiste ?

Le livre n’est pas en soi complotiste mais comporte des élans conspirationnistes. Les idées qui y sont développées n’immunisent absolument pas contre le complotisme. Bien au contraire. Etant consciente de cette faiblesse, l’autrice tente de désamorcer et d’anticiper la critique en proposant une définition cependant partielle, parcellaire, du complotisme :

« Rappelons cependant la définition du complotisme : une croyance sans démonstration que l’action concertée et dissimulée d’un groupe détermine le cours des événements. Mon propos est très différent : j’établis sur une base factuelle des liens entre des causes actives et des effets, je décris un mouvement intelligent, discret et secret, dans son contexte historique, j’analyse son programme, sa vision, l’identité qu’il s’attribue, ses alliances et les opportunités qu’il saisit pour exister et se maintenir depuis plus d’un siècle » (p. 24).

Précisons, avant de répondre sur le fond à la question, ce qu’est le complotisme ou conspirationnisme. A cet effet, je rependrai à mon compte les travaux éclairants de mon collègue de Sciences Po Lyon, Emmanuel Taïeb (voir la note finale de bas de page, ndlr), et ceux du philosophe anglais, Quassim Cassam 6.

Le complot, avec un petit c, renvoie aux complots, en général éventés, qui ont réussi ou échoué dans l’histoire. Le Complotisme, avec un grand c, ou les Théories du Complot, postule au contraire l’idée que les intentions gouvernent la réalité et l’action des agents, comme si c’étaient les intentions qui faisaient l’Histoire.

Il y a une dimension éminemment politique et idéologique chez les architectes et adeptes des Théories du Complot, comme le précise le philosophe anglais. On trouve précisément dans l’ouvrage de FBB des préférences politique et idéologique incontestables, qui la situent dans le camp des anti-libéraux ; les libéralismes culturel et politique sont à ses yeux trop mous et faibles face au frérisme (p. 337-338).

Elle n’en reste donc pas, une fois encore contrairement à ce qu’elle dit urbi et orbi sur les réseaux sociaux ou dans les médias, à la « description dense », pour reprendre une expression de l’anthropologue Clifford Geertz (1926-2006), ou à l’analyse « objective » stricto sensu. Dans le passage ci-après le registre employé se fait prescriptif :

« Dans un pays qui combat le frérisme, un Etat sous régime laïque doit assumer une parfaite neutralité à l’égard du culte musulman et se désengager de toute discussion avec des chefs religieux. Un Etat laïque qui ne reconnaît pas les cultes doit mettre des moyens pour les connaître surtout lorsqu’ils lui sont hostiles. Il ne peut se voir imposer des pratiques en opposition avec ses valeurs sous prétexte qu’elles seraient « religieuses ». Il peut interdire certaines pratiques (comme le voile des mineures par exemple) et exiger un contrôle des prêches. Si les chefs religieux ne dénoncent pas le frérisme, qu’ils connaissent bien, et mettent en danger la nation, alors l’Etat doit opter pour un concordat avec l’islam, c’est-à-dire un accord passé avec des chefs religieux désignés et comptables de leurs actions devant la nation, auxquels il sera expressément demandé d’interdire toutes les pratiques incompatibles avec les valeurs et les lois du pays » (p. 339).

Quels sont ces biais conspirationnistes ?

Je vais être très factuel : p. 30-31, elle énonce que « la temporisation est l’art des Frères. La voie est tracée, le moment arrivera où tout le monde viendra à l’islam. Cette jeune fille ne porte pas le hijab ? C’est parce qu’elle n’est pas encore prête » ? Cite-t-elle un théoricien ou un praticien actuel de la mouvance frériste pour en étayer ou en corroborer la réalité ? Nullement. Le frérisme est ainsi complètement dépersonnalisé ; de plus, aucune place n’est accordée à la contingence ou à la pluralité des courants en son sein, voire à ses ambivalences :

« Qu’il faille plus de violence ou moins de violence n’est pour lui qu’une question d’économie des moyens selon le contexte, le lieu et le moment. Le frérisme utilise toutes les énergies – amies, pour sa mission, et ennemies, comme point d’appui – pour réaliser l’utopie califale, son unique destin terrestre. Il avance le long d’un chemin dont l’origine et la destination ont été révélées, et il le fait selon un principe binaire, en pourchassant l’illicite et en imposant le licite ».

A défaut de citer des sources de première main, elle extrapole à l’ensemble des fréristes avérés ou présumés d’aujourd’hui, de nouveau sans la moindre preuve discursive et factuelle, ce qu’a pu dire Hassan al-Banna au cours de la première moitié du XXe siècle.

Pourquoi ne pas convoquer des extraits de discours du temps présent, ne serait-ce que ceux publiés sur les réseaux sociaux et sur son site Internet, par la fédération dite « frériste », Musulmans de France (anciennement Union des organisations islamiques de France) ? Parmi les objectifs affichés par cette dernière, il s’agit entre autres de « défendre les droits de l’Homme, les libertés religieuses et la liberté de conscience 7 ».

On n’est certes pas obligé de croire sur parole les membres de l’organisation en question, mais, dans ce cas, il faudrait être capable d’apporter la preuve du contraire, ce que ne fait justement pas FBB. Ce qui, en revanche, est plus grave du point de vue moral et social, est de dire, sans retenue, que « le frérisme accompagne le jihad guerrier » (p. 32) ; en somme cela signifie, eu égard à l’économie explicative générale, que tout frériste réel ou supposé cautionne et justifie de facto le djihadisme…

Le complotisme, c’est précisément l’évidence martelée, sans pour autant avoir à s’embarrasser de prouver ce que l’on avance, par l’administration de la preuve. Autrement dit, il faut croire l’autrice sur parole, ni plus ni moins.

Elle parle volontiers « d’infiltration », explique que les Frères « se faufilent dans les interstices d’une association caritative, d’un parti politique, d’une grande entreprise, dans l’ouverture d’une salle de sport ou d’un hôpital », ajoutant « qu’ils opèrent de deux façons : soit ils infiltrent en plaçant des membres de la confrérie dans un milieu à transformer (s’ils ont des affinités avec le milieu, ce qui est le cas des convertis et des musulmans nés en Europe), soit ils actionnent leur propagande auprès d’une cible déjà en place, qui n’a pas forcément conscience de ce à quoi elle est utilisée » (p. 68).

Les simili explications sont toujours à sens unique comme déjà dit : les Frères influenceraient irréfragablement leur environnement sans être eux-mêmes éventuellement influencés par celui-ci :

« […] Le mouvement n’a pas vraiment à se demander d’où il vient, où il va, ni comment procéder. Il s’agit de démanteler les structures et les principes qui supportent et protègent les valeurs de la société à islamiser en soutenant les forces externes et internes qui la sapent, les destructeurs et déconstructeurs, les salafistes et les islamo-gauchistes » (p. 121).

Cette vision mécaniste de l’histoire contraint l’autrice à tomber dans ces formes au moins soft de conspirationnisme. Elle confond d’un bout à l’autre de l’ouvrage déclarations d’intention, dûment objectivées, de théoriciens précis de l’islamisme, et leur potentialité d’action réelle ou de nuisance hic et nunc :

« Lorsque « la messe est dite », que la finalité (le califat) et les moyens (l’islam) sont déjà déterminés, alors toute l’énergie que l’on met habituellement à penser, à douter, à s’interroger peut être réaffectée à l’action. Le frérisme n’a qu’à se concentrer uniquement sur le calcul et l’optimisation du plan » (p. 75).

On a le sentiment constant que les acteurs sociaux sont incapables de changement, d’évolution, et qu’ils sont au contraire invariablement dans un calcul, de surcroît perfide. Et, justement, l’une des caractéristiques du complotiste, est sa vision résolument catastrophiste. En d’autres mots, le péril est là, à nos portes, mais seule une poignée d’éveillés le verrait.

Gilles Kepel a préfacé cet ouvrage malgré toutes les erreurs et les fautes académiques qu’il contient. Ce soutien « confrérique » de Gilles Kepel peut-il être porté au crédit ou au discrédit de l’ouvrage ?

Gilles Kepel, à la différence de FBB, a produit une œuvre abondante, quoi qu’on puisse penser de l’un ou l’autre de ses travaux, à un moment ou à un autre de son parcours académique et d’auteur ; il a en outre formé énormément d’étudiants, dont certains sont des spécialistes internationalement reconnus de l’islamisme, du salafisme, du djihadisme et du monde arabe, à l’instar de Stéphane Lacroix, Mohamed-Ali Adraoui, Elyamine Settoul, Nabil Mouline, et bien d’autres.

Je pense, en revanche, qu’il s’est fourvoyé en signant la préface d’un ouvrage qui comporte des erreurs factuelles manifestes, en plus de tout le reste. C’est FBB qui a sans doute cherché à crédibiliser son livre en proposant à Gilles Kepel de le préfacer. Il a accepté, c’est sa liberté. En revanche, je ne suis pas du tout certain que ce dernier soit véritablement ravi que son nom et sa réputation soient mêlés à ces polémiques et passions que l’ouvrage suscite dans les médias, et qu’entretient et alimente, parfois de manière malhabile, la chercheuse.

Vous semblez minimiser l’importance du rôle de Gilles Kepel dans la généalogie de cette « recherche » orientée, qui a su épouser les contours du discours sécuritaire néo-conservateur ou ultra-conservateur né au lendemain du 11 septembre et déjà promu, en leur temps, par Bernard Lewis ou Samuel Huntington. Cette islamologie-là, dont Kepel est l’un des pionniers, n’a-t-elle pas fait sauter les barrières entre islam, islamisme et djihadisme, allant jusqu’à accuser d’autres spécialistes aux analyses divergentes (Olivier Roy, ndlr) d’être des « dénégationniste(s) », tout en postulant elle-même des notions floues et dangereuses telles que le « djihadisme d’atmosphère » ? N’est-elle pas, de ce fait, aussi responsable de cette dérive que certains écrits de Bernard Rougier et le livre de FBB n’auront fait que prolonger ?    

Pour commencer, je répondrai comme mon maître (au sens d’inspirateur) et ami, Mohamed-Chérif Ferjani, en insistant sur le fait qu’il faut rompre avec le préjugé d’une exception islamique qui se solde souvent par un traitement culturaliste des faits islamiques : préjugé nourri et cultivé par les auteurs américains que vous citez et que reproduisent, dans un style différent, peu ou prou Gilles Kepel et FBB. 

Je ne minimise certainement pas le rôle de Gilles Kepel dans la diffusion de l’idée de continuum entre islam très conservateur, quel que soit l’adjectif que l’on choisira pour synonyme (frériste, salafiste, etc.), et djihadisme, c’est-à-dire la violence terroriste et meurtrière commise au nom de l’islam.

Car cela a impacté au moins en partie les politiques publiques mises en place après les attentats du 13 novembre 2015 et l’assassinat de Samuel Paty. Cela débouchera au demeurant sur la loi du 24 août 2021 « confortant les principes de la République ». 

Toutefois, le terrorisme islamiste, dois-je le rappeler, est non seulement un phénomène minoritaire dans les mondes de l’islam pratiqué et professé par les musulmans d’ici et d’ailleurs, à plus forte raison en France, mais aussi quelque chose de contingent, d’ordre conjoncturel.  L’émotion légitime suscitée par les attentats a concerné musulmans comme non-musulmans, comme victimes et/ou concitoyens. Ne l’oublions pas. 

Or, à lire les auteurs que vous citez, nonobstant leurs intentions sans doute louables, on a l’impression que l’islamisme et le djihadisme ont accaparé, vampirisé le sens de l’islam, de sorte que les musulmans en seraient prisonniers, pour le pire, consciemment ou non. Il faut évidemment continuer le débat mais en essayant d’établir des distinctions fondées sur des enquêtes qualitatives plus nombreuses. Le champ islamique hexagonal ne vit pas, et c’est heureux, au rythme mortifère que souhaitent lui imposer ceux qu’on appelle les islamistes et djihadistes suivant une terminologie d’ailleurs pas toujours rigoureuse. 

Dans la réponse précédente, j’attirai surtout l’attention du lecteur sur la différence abyssale entre la connaissance du fait islamique produite par Kepel au fil des années, quoi que nous puissions diversement en penser, et celle que nous propose FBB dans son nouvel opus, lequel ne renouvelle en rien la littérature, profane ou scientifique, sur le sujet. Il a écrit des choses autrement plus intéressantes, et établit des constats utiles, à un titre ou à un autre. 

Pour répondre à présent plus avant au cœur de votre question, je dirai que l’expression « djihadisme d’atmosphère » relève du discours parascientifique par excellence, qui érige en vérité de fait une simple proposition, laquelle, cependant, n’est pas forcément éprouvée du point de vue empirique…

Elle se fonde certainement plus sur un postulat, contestable donc, qui est précisément celui de la continuité, de relations causales entre des phénomènes qui n’ont pourtant pas toujours avoir les uns avec les autres  ; pour tout dire, l’hypothèse de Gilles Kepel, si tel est bien le statut qui lui confère, est infalsifiable, au sens de Karl Popper (1902-1994).

L’expression forgée par le politiste, en dépit de limites scientifiques certaines, a revanche des effets politiques et sociaux très pratiques, et même potentiellement délétères. En effet, cela laisse planer l’idée d’une menace permanente, omniprésente, en lien avec l’islam, le discours et l’activisme musulman, puisque l’atmosphère fait signe vers une impression, même vague, de danger immanent ou rémanent. Or une impression, c’est le moins qu’on puisse dire, ne se prête pas facilement au jeu de la vérification concluante, surtout dans un espace et un temps mondialisés.

En somme, vous pourrez toujours trouver sur les réseaux sociaux des traces et des indices d’individus convoquant une rhétorique « djihadiste ». Pis, tout discours contestataire et critique venant de milieux musulmans comme non-musulmans émis à l’égard de politiques publiques ou d’opinion ayant vocation à traiter, à parler de l’islam et de la présence musulmane, pourrait être interprété, a priori ou a posteriori, comme une justification de la violence physique.

Haoues Seniguer est maître de conférences des universités en science politique à Sciences Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle, UMR/CNRS 5206, Lyon (Seniguer, Haoues – Triangle – UMR 5206 (ens-lyon.fr))Il est spécialiste de l’islamisme marocain, sur lequel il a consacré une thèse de doctorat de science politique soutenue en 2012, et des rapports entre islam et politique en France et des enjeux liés à la présence musulmane dans l’Hexagone. Il est l’auteur d’un ouvrage paru en septembre dernier : La république autoritaire. Islam de France et illusion républicaine (2015-2022), Lormont, Le Bord de l’eau, 2022.

*NB : un entretien écrit, sous forme de droit de réponse, a été proposée par notre rédaction à Florence Bergeaud-Blackler le 16 mai. Mme Bergeaud-Blackler a accusé réception de cette proposition et nous a dit y réfléchir. Pour information. 

Notes :

1 Réponse à l’article « Menaces et tensions autour d’un livre sur le «frérisme» musulman » de Simon Blin et Bernadette Sauvaget (par Florence Bergeaud-Blackler (decolonialisme.fr) Consulté le 10 mai 2023

2 Menaces et tensions autour d’un livre sur le «frérisme» musulman – Libération (liberation.fr) Consulté le 13 mai 2023

3 Les catégories « pouvoir d’influence » et « pouvoir d’injonction » sont utilisées par le politiste Philippe Braud.

4 Cf. Abdelillah Benkirane, Le mouvement islamiste et la problématique de la méthode, en arabe, Casablanca, al-Najâh al-jadîda, 1999.

5 Comprendre l’Islam | RCF Savoie Consulté le 11 mai 2023

6 « Face aux théories du complot : réfuter, réfuter, réfuter » – Conspiracy Watch | L’Observatoire du conspirationnisme Consulté le 11 mai 2023

7 Nos objectifs – Musulmans De France Consulté le 11 mai 2023

*Note finale : Lire à ce propos la définition du complotisme établi par Emmanuel Taïeb dans l’encyclopédie Universalis : « Le conspirationnisme est une vision du monde qui affirme que le cours de l’histoire n’est pas la fruit des jeux politiques nationaux et d’actions humaines incertaines, mais qu’il est en réalité provoqué uniformément par l’action secrète d’un petit groupe d’hommes désireux de réaliser un projet de contrôle et de domination des populations […] La lecture conspirationniste du monde repose sur un imaginaire sombre : les rapports sociaux y sont viciés par la tromperie, les individus et les groupes sont dépossédés de leur capacité d’agir librement. Ce discours est éminemment politique en ce qu’il vise à la fois à désigner des ennemis tapis dans l’ombre et à se mobiliser contre eux pour rendre le pouvoir à ceux qui en ont été privés ».

Source
https://www.mizane.info/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page