L’Art du Mariage : Le Mariage, un signe de Dieu

On n’a jamais autant parlé du mariage… et pourtant, beaucoup ne voient plus autour d’eux que des couples épuisés ou brisés. Cette chronique ouvre un chemin : retrouver, à la lumière du Coran et de la Sunna, la possibilité réelle d’un foyer apaisé — un foyer qui devienne un signe vivant de Dieu.

Aborder le mariage aujourd’hui n’a rien d’aisé. Les livres abondent, les conférences se multiplient, les vidéos et les conseils circulent par milliers. Pourtant, malgré cette profusion de discours, une impression persiste : quelque chose manque.

Ce qui manque, ce n’est pas une théorie de plus, ni un nouveau concept à ajouter aux autres… mais des modèles vivants.

Des couples qui incarnent ce que les textes décrivent.

Des réussites discrètes, mais réelles.

Des foyers qui montrent que l’idéal n’est pas un mythe, mais une possibilité.

Entre ce qui se dit et ce qui se voit, un décalage est apparu. Et si la tentation est grande de justifier l’existant pour rester audible, pour ma part, je choisirai un autre chemin.

Ce qui manque, ce n’est pas la connaissance ; c’est la réalisation.

Et c’est précisément à partir de ces réalisations — celles auxquelles j’ai eu la grâce d’assister, celles que j’ai vues naître, grandir ou se réparer — que j’ai voulu écrire. Non pour exhiber des exemples, mais pour dire que ces réussites existent, qu’elles sont à portée de cœur, et qu’elles peuvent devenir des chemins pour d’autres.

Ce que je propose ici n’est donc ni une méthode supérieure, ni une théorie alternative. C’est un regard : celui d’une vie, avec ses limites, ses chutes, ses reprises, et la lumière que j’ai tenté de lire dans le Coran et l’héritage prophétique (Sunna). C’est une tentative humble d’articuler ce que j’ai observé, vécu, reçu — et de l’offrir sous une forme accessible à celui ou celle qui commence son propre voyage.

Quand le couple devient un signe de Dieu

Car Dieu, dans Sa sagesse, n’a pas laissé le couple sans repère.
Il l’a inscrit dans Ses signes, parmi Ses signes…

Ce verset que nous connaissons tous, mais que nous n’avons pas fini de découvrir :

وَمِنْ آيَاتِهِ أَنْ خَلَقَ لَكُم مِّنْ أَنْفُسِكُمْ أَزْوَٰجًا لِّتَسْكُنُوا إِلَيْهَا وَجَعَلَ بَيْنَكُم مَّوَدَّةً وَرَحْمَةًۚ إِنَّ فِي ذَٰلِكَ لَآيَاتٍ لِّقَوْمٍ يَتَفَكَّرُونَ
« Parmi Ses signes, Il a créé, de vous, pour vous, des épouses, afin que vous trouviez auprès d’elles tranquillité, et Il a placé entre vous une affection profonde et une miséricorde. Il y a en cela des signes pour des gens qui réfléchissent. » [1]

Dans le texte arabe, l’origine de ce monde conjugal repose sur une seule lettre — la lettre , celle de « Ses signes » : un souffle pour dire que tout provient de Lui, que chaque souffle d’amour authentique, chaque apaisement, chaque élargissement du cœur est de Lui.

Et si cela vient de Lui, alors ce n’est pas un rêve : c’est une réalité possible. Une réalité accessible. Une réalité à atteindre.

Lorsque ce verset devient réalité dans un foyer, le couple n’est plus seulement inspiré par un signe de Dieu : il devient lui-même ce signe de Dieu.

De la même manière que le Prophète était décrit comme « un Coran qui marche », le couple habité par cette sakîna devient une page vivante du Livre — non pas en récitant les versets, mais en les incarnant.

C’est là que surgit un parallèle saisissant. Le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « Il n’y a pas de groupe qui se réunit dans l’une des maisons de Dieu pour réciter le Livre de Dieu et l’étudier ensemble, sans que la sérénité (sakîna) ne descende sur eux, que la miséricorde (rahma) ne les couvre, que les anges ne les entourent, et que Dieu ne les mentionne auprès de ceux qui sont auprès de Lui. » [2]

Dans une assise de Coran, au sein d’une des maisons de Dieu, la sérénité et la miséricorde descendent.
Dans le couple, elles n’ont pas besoin de descendre : elles ont déjà été suscitées par Dieu Lui-même.

L’assise spirituelle attire la miséricorde par l’étude.

Le couple reçoit cette miséricorde par sa simple existence, parce qu’il réalise un verset.

Cela ne veut pas dire que le couple remplace l’assise spirituelle — nous verrons plus tard l’importance vitale des sources, des frères, des sœurs, des lieux de ressourcement.
Mais cela signifie que dans la forme conjugale du couple, le fond est déjà là.

Ce fond — sakîna (sérénité), mawadda (affection profonde), rahma (miséricorde) — que certains cherchent dans une autre forme…

Ni banalisation, ni “mosquée bis”

Le Prophète, paix et salut sur lui, ne faisait pas cours à ses épouses.
Il riait avec elles, jouait, marchait, partageait des gestes simples — et ce n’était jamais de l’insouciance.

C’était une autre forme d’assise, que Dieu a Lui-même instituée : un lieu où la miséricorde jaillit, où la sérénité circule, où le sourire devient acte d’adoration, où un geste tendre vaut autant qu’une invocation sincère.

Certains banalisent la vie conjugale. D’autres en font une “mosquée bis”, comme si aimer devait toujours prendre la forme d’un cercle d’étude. Mais le Prophète, paix et salut sur lui, nous montre que si le fond est identique, la forme est différente, voulue par Dieu.

L’excellence conjugale : une ascension vers l’Ihsân

Dans ce sens, devenir un signe de Dieu n’est pas une simple métaphore : c’est le premier pas sur le chemin de l’excellence.

Méditer un signe de Dieu, c’est Le contempler à distance ; devenir soi-même un signe, c’est entrer dans la proximité, c’est laisser Dieu modeler en nous ce par quoi Il veut se faire reconnaître.

Le hadith qudsî décrit le sommet de ce chemin : « Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par les œuvres surérogatoires jusqu’à ce que Je l’aime. Et lorsque Je l’aime, Je deviens son ouïe par laquelle il entend, sa vue par laquelle il voit… » [3]

Entre contempler un signe et en devenir un, il y a cette progression intérieure évoquée par le Prophète, paix et salut sur lui : un rapprochement réel, une transformation de la perception, une présence divine qui finit par habiter les gestes et les intentions.

Le couple devient alors l’un des terrains les plus privilégiés pour vivre cette proximité :
un espace où l’amour, la miséricorde et la sérénité sont autant de traces de Lui,
autant de premiers pas vers ce sommet spirituel.

Ce que l’on recherche dans nos cercles, nos retraites, nos assises spirituelles…
Dieu l’a déjà placé dans la maison, si nous savons le reconnaître.

Il faut creuser chez soi pour faire jaillir cette eau, plutôt que la rechercher à tout prix à l’extérieur.

Et le hadith : « Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs envers leur époux (ou leur épouse) … » [4] vient confirmer que c’est bien là — dans le foyer — que tout se joue.

Un pacte sacré : al-mîthâq al-ghalîẓ

Ce texte — et ceux qui suivront — s’adresse donc à ceux qui n’ont pas encore commencé leur vie conjugale, ou qui viennent à peine d’entrer dans ce jardin.

Ce n’est pas un manuel de réparation, ni une boîte à outils psychologiques de plus : d’autres le font très bien, et je n’ajouterai pas d’eau à ce moulin.

C’est une invitation pour celles et ceux qui veulent, dès le départ, emprunter un chemin éclairé : un chemin qui permette de devenir leur propre artisan du bonheur, en retrouvant confiance dans ce que Dieu a déjà déposé en eux.

Ces lignes sont le fruit d’ateliers, de rencontres, d’années d’échanges avec des jeunes et des moins jeunes. Elles ne prétendent pas tout dire. Elles cherchent seulement à ouvrir un horizon : celui d’un mariage compris comme une ascension, un pacte sacré — ce même pacte que Dieu nomme ٱلْمِيثَاقُ ٱلْغَلِيظُ (al-mīthāq al-ghalīẓ), l’“engagement solennel”, terme employé à la fois pour désigner le lien conjugal [5] et le pacte majestueux pris sur les prophètes [6].

Qu’un même mot apparaisse pour ces deux engagements n’est pas anodin : il dit discrètement l’attention que Dieu accorde à chacun d’eux, et indique qu’il existe, dans la vie conjugale comme dans la mission prophétique, une possibilité réelle de Lui plaire d’une manière qui honore l’être humain.

Si les prophètes, paix sur eux, en honorant leur pacte suprême ont atteint les sommets de la proximité divine, la porte demeure ouverte pour les croyants et les croyantes. Le foyer, lorsque les intentions sont droites et les cœurs sincères, devient un terrain privilégié pour avancer vers cette proximité.

C’est pourquoi il ne faut ni banaliser le mariage, ni le réduire à un simple arrangement social : Dieu l’a élevé au rang d’un engagement grave et noble, un pacte lourd de sens (al-mīthāq al-ghalīẓ).

Devenir un signe. Devenir une preuve vivante. Devenir cette sérénité (sakîna) que Dieu promet.

C’est à ce voyage que nous sommes invités dans cette première partie.

Puisse Dieu nous accorder Son soutien. Amine.

A suivre …

[1] Sourate Ar-Rûm, 30 : 21

[2] Rapporté par Muslim

[3] Rapporté par Bukhârî

[4] Rapporté par Tirmidhî

[5] Sourate An-Nisâ’ 4:21

[6] Sourate Al-Ahzâb 33:7

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Bouton retour en haut de la page