Les lumières de sourate al Asr : Une méthodologie divine pour le salut dans le groupe (1/7)

Pourquoi étudier cette sourate ?
Dans le Saint Coran, il existe des sourates longues, riches de récits et de lois, qui s’étendent sur des pages et tissent des tableaux grandioses. Et puis, il y a la sourate Al-‘Asr. Trois versets. Moins de vingt mots. Et pourtant, un monde entier y tient, comme dans une graine que le ciel aurait plantée dans le cœur humain.
Depuis des siècles, les maîtres spirituels, les jurisconsultes, les réformateurs et les poètes ont médité cette sourate comme une synthèse du Coran. L’imam Ash-Shâfi‘î disait : « Si les gens méditaient cette sourate, elle leur suffirait. »
Mais aujourd’hui, plus que jamais, ce trésor du Coran devient urgent à redécouvrir. Parce que le Temps nous échappe, que la perdition prend des formes plus séduisantes, que la foi se vit en solo, que l’action s’épuise sans sens, que le conseil se confond avec la critique, et que la patience devient rare comme l’eau pure.
C’est donc un cri du cœur. Un retour à l’essentiel. Un appel à relire notre époque à la lumière de cette sourate. Mais pas seul. Ensemble.
Cette chronique, autour des « lumières de la sourate Al-Asr », n’est ni une étude académique, ni un tafsîr au sens classique. C’est une lecture vivante, enracinée dans les grands commentaires traditionnels, mais adressée à l’âme contemporaine. Il ne s’agit pas seulement de comprendre les mots. Il s’agit de se laisser transformer par eux, individuellement et collectivement.
Car cette sourate est une méthode. Un itinéraire. Un pacte. Une pédagogie divine en quatre temps :
1. Croire en Dieu – ensemble.
2. Œuvrer pour Lui – ensemble.
3. Se rappeler la vérité – ensemble.
4. Persévérer jusqu’au bout – ensemble.
À celui qui lit ces lignes : tu n’es pas seul. Ce livre est une main tendue vers toi, pour te rappeler que le salut n’est pas une ascension solitaire, mais une fraternité orientée, une marche commune vers Dieu. Puisse cette méditation t’éveiller, t’éclairer, te relier.
Le serment, la perdition universelle et les forces de l’égarement
« Par le temps ! » ﴿ وَالْعَصْرِ ﴾ – Wa-l-ʿaṣr
Dieu jure. Lui, le Tout-Puissant, qui n’a besoin de rien ni de personne pour affirmer, jure ici par le Temps, afin de frapper les cœurs et de réveiller les consciences. Et Il ne jure que par ce qui est immense. Le Temps, ici, n’est pas seulement une donnée linéaire ou philosophique. C’est le théâtre vivant de l’humanité, le lieu du dévoilement : les erreurs des peuples, les effondrements, les conquêtes, les réveils, les égarements…
C’est aussi le terrain de l’épreuve, le lieu où l’homme vit son drame ou sa délivrance. Le Temps est la scène où s’écrit l’histoire de chacun.
L’imam Fakhr ad-Dîn Ar-Râzî commente : “Dieu a juré par le Temps car il contient les merveilles des créatures, les bouleversements du destin, les alternances de malheurs et de bonheurs, de santé et de maladie… C’est le lieu où se manifeste le pouvoir divin.” [1}
Et aussitôt après ce serment vient un verdict sans appel : « Certes, l’Homme est en perdition ». ﴿إِنَّ الْإِنسَانَ لَفِي خُسْرٍ﴾ – Inna al-insāna la-fī khusr
Le mot al-insân ici, désigne chaque être humain, mais aussi l’humanité entière à travers l’individu. Chaque personne est comme une condensation de l’histoire humaine. L’article défini (al-) englobe toute personne, sans exception. L’homme, pris isolément, sans appui, sans guidance, est englouti dans la perte.
Et cette perte n’est pas une simple possibilité : elle est affirmée avec trois marques d’insistance :
• Inna (إن) : particule de certitude (tawkid),
• La du serment (لَ),
• Fi khusr (في خسر) : non pas seulement “il est perdant”, mais “il est immergé dans la perdition”.
Ibn Kathîr l’exprime clairement : « Il est plongé dans la perte car il a gaspillé sa vie, son énergie, son souffle, dans ce qui ne le rapproche pas de Dieu. » [2]
Mais que faut-il comprendre de cette perte ?
Elle est automatique, structurelle. Elle est l’état par défaut de l’homme, lorsqu’il se laisse aller, lorsqu’il ne lutte pas. Dans un monde où rien ne nous pousse naturellement vers Dieu, le silence est déjà un choix, l’inaction est déjà une chute.
Celui qui ne choisit pas un cap devient le pion d’un autre. Et aujourd’hui, dans notre époque de confusion, d’images, de distractions, de réseaux, de surconsommation, la pression pour nous éloigner de Dieu est constante.
Trois forces se conjuguent pour précipiter l’homme dans cette perte :
1. Le diable (shaytân) : qui a juré de se placer sur le chemin de chacun, devant, derrière, à droite et à gauche. “Je me tiendrai en embuscade contre eux sur Ton droit chemin.” [3]
2. L’ego (nafs) : qui invite constamment au mal, s’il n’est pas discipliné. “L’ego incite sans cesse au mal…” [4]
3. Les passions (hawâ) : qui séduisent et détournent de la vérité. “As-tu vu celui qui prend pour dieu ses passions ?” [5]
Cette perdition se goûte ici-bas et dans la vie dernière.
• Dans ce bas monde, par l’agitation intérieure, le mal-être, la course vaine derrière les illusions du confort ou de la réussite matérielle. L’homme moderne croit que richesse, plaisir et liberté absolue le rendent heureux. Mais l’homme n’a pas été créé pour cela. Sa réalité profonde est spirituelle : il est fait pour Dieu.
• Dans la vie dernière, cette perdition devient visible : le vide de l’âme, l’absence de provisions, les regrets, les pleurs sur une vie gaspillée.
Mais Dieu, dans Sa Miséricorde, a ouvert une exception… Une lumière pour ceux qui veulent sortir de cette condition. Une porte. Une méthode. Un cap.
C’est ce que nous verrons dans la suite de cette sourate.
A Suivre …
[1] Tafsîr Al-Kabîr, sourate Al-‘Asr [2] Tafsîr Ibn Kathîr, sourate Al-‘Asr [3] Sourate Al-A‘râf, 7:16 [4] Sourate Youssouf, 12:53 [5] Sourate Al-Jâthiya, 45:23