Vivre les dix jours de Dhul-Hijjah comme une opportunité de renaissance

Il est des jours qu’on n’oublie pas. Un anniversaire, une date de mariage, une réussite partagée… Autant de jalons inscrits dans nos calendriers, autant de moments que nous nous efforçons d’honorer avec ceux que nous aimons. Et si Dieu, Lui aussi, avait inscrit Ses propres jours dans le grand calendrier de la miséricorde ? Des jours particuliers, choisis, honorés par Sa présence, Ses dons, Sa proximité.

Les dix premiers jours de Dhul-Hijjah en font partie. Ils sont un rendez-vous divin. Une porte ouverte au cœur même du printemps, pour qui sait y entrer avec l’intention d’aimer, de se transformer, de Le rejoindre.

Quand Dieu appelle : les dix jours les plus aimés

Le Prophète (paix et bénédictions sur lui) nous enseigne : « Il n’est pas de jours où les bonnes actions soient plus aimées de Dieu que durant ces dix jours. » [1]

À ce moment précis de l’année, les œuvres les plus simples — un mot doux, une aumône cachée, une prière à l’heure — prennent un poids considérable dans la balance divine. Le Créateur donne une valeur sacrée au temps, et le croyant attentif entre dans une logique nouvelle : il ne s’agit plus seulement de faire des œuvres, mais de les faire quand Dieu les aime le plus.

Vivre selon l’horloge divine

Il est rapporté dans le testament qu’Abû Bakr aṣ-Ṣiddîq, que Dieu l’agrée, adressa à ʿUmar ibn al-Khaṭṭâb, que Dieu l’agrée, lorsqu’il le désigna comme successeur : « Sache qu’il est des œuvres propres au jour que Dieu n’accepte pas la nuit, et des œuvres propres à la nuit que Dieu n’accepte pas le jour. »

Ce témoignage simple ouvre une vérité profonde : le croyant entre, dans son cheminement, dans une autre temporalité. Il ne vit plus seulement selon les aiguilles de l’horloge humaine, mais selon les souffles invisibles de la grâce divine, qui parcourent les heures et les jours.

Prenons un exemple : le dernier tiers de la nuit. Le moment où tout le monde dort, où les corps s’alourdissent. C’est là, précisément là, que Dieu descend au ciel le plus proche, comme l’indique un hadith rapporté dans les deux Sahihs. C’est là qu’Il tend la main à ceux qui veulent se relever. Ce moment n’est pas une simple heure de la nuit : il est le cœur battant de la journée du croyant, sa racine invisible.

De même, les cinq prières obligatoires ne sont pas réparties au hasard dans la journée. Elles rythment la vie du croyant, la recentrent. Mais si les heures sont élargies pour faciliter, les meilleurs moments sont les premiers. Le croyant attentif ne cherche pas seulement à prier, il cherche le meilleur moment pour prier.

Ainsi va la vie de celui qui chemine : il entre dans le temps de Dieu, il cherche les instants bénis, les saisons de lumière.

Dhul-Hijjah : un sommet spirituel à gravir

Parmi tous les jours de l’année, les dix premiers de Dhul-Hijjah sont un sommet. Et les sommets ne se gravissent pas au hasard. Ils demandent un engagement, une préparation intérieure, un souffle long.

Dieu y a placé le pèlerinage (Hajj). Ce n’est pas un détail. Le Hajj n’est pas un acte répété tous les ans comme la prière ou le jeûne. Il est le rendez-vous d’une vie, un sommet unique, au sens littéral et spirituel.

Et pour ceux qui ne sont pas en route vers la Maison sacrée ? Pour ceux qui ne ressentent ni la fatigue du voyage, ni la nudité symbolique de l’ihram, ni l’inquiétude mêlée d’amour sur le mont Arafah ?

Ils ne sont pas exclus du rendez-vous. Bien au contraire. Ils sont invités à vivre ces jours avec le cœur du pèlerin, à vibrer avec leurs frères et sœurs qui marchent pour Dieu. À s’arracher, eux aussi, à leurs habitudes.

Les dons de l’amour

Imaginons : tu oublies l’anniversaire de ton épouse. Tu oublies la date de naissance de ton enfant. Elle s’en attriste. Il se sent oublié. Le lien s’effrite un instant.

Alors que dire si l’on oublie les jours que Dieu a Lui-même honorés ? Si l’on traverse ces dix jours comme les autres, sans les élever, sans en faire un terrain fertile ?

Ces dix jours-là ne peuvent passer inaperçus.

Le cœur aimant ne le supporterait pas.

Parce qu’aimer Dieu, c’est vivre à Son rythme.

Et parce qu’un amour vrai, offre des preuves. Et quelles preuves Lui plaît-il de recevoir ?

  • Le jeûne, en particulier le jour de ‘Arafah : « Il expie les péchés de l’année précédente et de l’année suivante. » [2]
  • Le dhikr (évocation), notamment le takbir (répéter Allaho akbar), tahmid (répéter  alhamdou lillah) et tahlil (répéter la ilaha illa Allah) à voix haute.
  • Le Coran : apprendre, réciter, méditer.
  • Les liens familiaux : appeler, réparer, réconcilier.
  • La générosité : donner, offrir, tendre la main.
  • Et surtout : vivre dans la conscience d’être regardé par Lui.

Le secret de ceux qui cheminent

Mais ces actes ne fleurissent vraiment que dans un terreau particulier. Celui d’un groupe qui chemine ensemble vers Dieu, une communauté de croyants animés par le désir de plaire à leur Seigneur.

« Et soyez avec les véridiques. » [2]

Ce n’est pas un conseil. C’est un ordre divin. Dieu sait que la solitude épuise, que l’égo s’installe en terrain conquis, et que seule la compagnie des véridiques, ceux qui veulent sincèrement avancer, nous pousse à nous dépasser.

Un frère qui jeûne alors que je ne jeûne pas : c’est un miroir.

Un groupe qui s’organise pour vivre pleinement ces dix jours : c’est un ascenseur.

Et si ce groupe ne me pousse pas à m’élever, alors il est temps de me demander : est-ce la bonne compagnie ?

Être vrai avec Dieu

Ce cheminement repose sur une qualité capitale : le sidq, la véracité.

Pas une sincérité vague, mais un engagement de chaque instant à être vrai avec Dieu.

Être vrai, c’est ne pas se satisfaire de mots. C’est vivre chaque jour en se demandant : Est-ce que je Lui ai vraiment offert quelque chose aujourd’hui ?

Et cette véracité, cette fibre profonde de l’âme, elle se nourrit du dhikr, de l’évocation constante, qui entretient le lien, ranime la flamme, évite l’oubli.

Répondre à l’appel

Les dix premiers jours de Dhul-Hijjah sont l’un des plus beaux appels de Dieu dans l’année. Un appel silencieux mais puissant, adressé aux cœurs encore vivants.

Y répondre, c’est s’engager.

S’engager à vivre mieux, à vivre pour Lui.

À ne pas laisser ce sommet passer inaperçu.

À s’inscrire dans Son calendrier, comme un bien-aimé qui n’oublie jamais les rendez-vous d’amour.

Lire aussi :

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Pèlerinage : Symboles et Secrets

[1] Rapporté par Al-Bukhari.

[2] Rapporté par muslim

[3] Sourate At-Tawbah, v. 119

    3 commentaires

    1. Toujours cette façon de « voir les choses » de manière aussi profonde, vibrante et avec un cœur que l’on sent débordant d’amour divin, d’amour tout court.
      Puisse ton bien-aimé t’élever à Sa proximité et Son amour.

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