Quelle réponse face aux caricatures islamophobes ?

L’actualité de ces derniers jours a été mouvementée par deux expressions : l’une cinématographique, l’autre journalistique à caractère islamophobe et les réactions vives qu’elles ont suscitées dans le monde musulman ainsi qu’au sein de la communauté musulmane en France. L’action en ricochet de l’hebdomadaire satirique français (dont le nom historique, rappelons-le, était « Hara-Kiri, journal bête et méchant ») a occasionné de multiples débats sur les ondes de radio autour de la question : « les caricatures sur Mahomet, liberté d’expression ou provocation inutile ? ».

Provocation ou liberté d’expression ?

Il ne s’agira pas ici de répondre à cette question qui, bien qu’elle présente un exercice rhétorique absorbant, fait montre de superficialité dont le contenu stérile sonne creux.

Sans vouloir s’attarder à porter un jugement sur l’action du journal et ses réelles intentions, il semble utile d’examiner les processus manipulatoires observables à l’œil nu :

  • Dans un contexte politique qui vire à gauche comme à droite à l’islamophobie, l’attaque de l’Islam constitue un formidable levier pour redorer le blason de ceux qui en ont besoin. C’est ainsi que le journal en question, entaché par « l’affaire Siné[i] » qui éclate en 2008, fait figure de héros des libertés à travers ses différentes actions islamophobes[ii].
  • L’Islam une fois de plus (ce ne sera hélas pas la dernière) est présenté comme un élément exogène à la société et qui agirait comme un adversaire redoutable aux libertés longuement acquises au fil de l’histoire par la civilisation occidentale. Les musulmans d’aujourd’hui en France, comme d’autres minorités religieuses dans le passé, ne dérogeront pas à la règle de devoir supporter encore un temps une certaine suspicion à leur égard et prouver leur bonne intégration et leur loyauté à la nation.
  • Les musulmans, pris en otages dans ce détournement de la réalité, se laissent alors endosser l’uniforme du coupable et se trouvent ainsi enfermés dans une posture à devoir toujours réagir à un évènement. L’on observe une infime minorité exaspérée réagir violement à la moindre étincelle, d’autres s’évertueront avec courage et persévérance à rappeler à qui veut bien l’entendre que l’Islam est une religion d’ouverture et de paix et, enfin, beaucoup ne sachant comment réagir se font le relai des messages SMS appelant au boycott en tout genre.

Les écrits de Malek Bennabi, (penseur musulman du 20ème siècle) décrivent parfaitement cette situation en dénonçant à l’époque coloniale la méthode des arènes espagnoles encore largement pratiquée de nos jours et qui consiste « à agiter, en diverses occasions, quelque chose pour provoquer le peuple, susciter son ire et l’enfoncer dans une situation proche de celle de l’hypnose, jusqu’au point de perdre conscience. Il deviendra ainsi incapable de comprendre son propre comportement, de l’apprécier et de le juger à sa juste valeur. Ainsi, inconsidérément, il assène vainement ses coups, dépense ses potentialités et gaspille son énergie sans atteindre d’une façon nette l’adversaire, qui agite toujours l’étoffe rouge… »[iii]

La mise en marche de cet appareil est clairement maitrisée par les politiques et une partie des médias de connivence.

 Face à une telle agitation, il semble utile de prendre un temps de recul pour rappeler certaines évidences.

L’Islam est bel et bien là, installé dans la société française et dans le reste de l’Europe pour en constituer une composante de plus en plus visible, qu’on le veuille ou non. Les grands rendez-vous du calendrier musulman tels que le mois du Ramadan ou encore le pèlerinage à la Mecque ne passent plus inaperçus et marquent leur passage qui suscite respect et admiration pour beaucoup. Les mosquées qui s’érigent dans les différentes villes de France viennent enrichir le patrimoine architectural du paysage urbain en même temps qu’elles jouent un rôle social et culturel croissant.

Un tel rayonnement ne s’explique pas uniquement par des considérations démographiques, loin s’en faut ! Il s’explique par la faculté de l’Islam à préserver et promouvoir des valeurs qui apportent une stabilité à la société, parmi lesquelles la famille, la solidarité, l’altruisme, le respect de l’autre, la décence et la modération, la fraternité, la magnanimité et la mansuétude… la liste n’étant pas exhaustive. La Foi se mesure par rapport à ce référentiel de valeurs incarnées par notre bien-aimé Prophète, Paix et bénédiction sur lui. L’avenir confirmera le besoin pour nos sociétés en Europe de revenir à ces valeurs universelles et l’Islam y jouera un rôle essentiel.

L’Islam enseigné par notre bien-aimé Muhammad – Paix et bénédiction sur lui – est bien loin de toute forme de violence. Rappeler une telle évidence peut sembler être caricatural (usons nous aussi de la caricature !), mais il est toujours agréable de mentionner par amour pour notre Prophète, Paix et bénédiction sur lui, une anecdote ou deux comme ce qui suit :

Lorsque l’incisive du prophète, Paix et bénédiction sur lui, fut brisée et que sa tête fut blessée au cours d’une bataille, ses compagnons affligés par la situation lui suggérèrent de maudire ses ennemis. Il leur dit : « Je n’ai pas été envoyé pour maudire. Mais j’ai été envoyé comme un implorant et comme une miséricorde. Mon Dieu ! Guide mon peuple, car ils ne savent pas ».

Ernest Renan (écrivain, philosophe et historien français, 18231892) écrit de lui : En somme, Mahomet nous apparait comme un homme doux, sensible, fidèle, exempt de haine. Ses affections étaient sincères, son caractère, en général, porté à la bienveillance. Lorsqu’on lui serrait la main en l’abordant, il répondait cordialement à cette étreinte, et jamais il ne retirait la main le premier. Il saluait les enfants et montrait une grande tendresse de cœur pour les femmes et les faibles. « Le paradis disait-il est au pied des mères ». Ni les pensés d’ambition, ni l’exaltation religieuse n’avaient desséché en lui le germe des sentiments individuels[iv].

Pour le musulman qui lit régulièrement le Coran, la provocation et l’agression étaient le lot quotidien des prophètes et de leurs compagnons. Dieu les protégeait de telle sorte que ces moqueries ne leur portaient aucune atteinte : « Nous t’avons effectivement défendu vis-à-vis des railleurs » (Sourate 15, V95).

En qualité de musulman, faut-il donc donner une réponse aux provocations et agressions en tout genre ? Et sous quelle forme ?

La passivité n’est pas le propre de l’individu responsable. Le musulman doit donc apporter une réponse à ne pas confondre avec une réaction. Il agit et ne réagit pas. Il est force de proposition et ne gaspille pas toute son énergie dans les réclamations.

Quelle réponse donner ? Quelle action proposer ? La réponse à ces deux interrogations est unique : c’est moi-même. C’est ma capacité à me remettre en question, à vouloir progresser, à me mettre à la tâche pour être digne de porter et de faire vivre les valeurs incarnées par notre bien-aimé Prophète, Paix et bénédiction sur lui. Ces valeurs qui savent marier les couleurs de la combativité et du pardon, de la force et de la douceur, de l’intransigeance et de l’indulgence. Pour s’abreuver de cette source, il faut user des mains de la sagesse (Hikma) et de la miséricorde (Rahma).

Se contenter d’être musulman et tomber dans la satisfaction de soi, au simple titre que nous avons adhéré à la religion la plus parfaite dans son idéal, feront de nous des êtres immobiles, incapables de changer et de proposer des choses. Des êtres susceptibles, s’offusquant de toute forme de critique ou d’impolitesse quand bien même nous en userions à l’égard d’autrui.

Le changement au sein de toute une communauté commence par le travail sur soi-même. Ce travail est en premier lieu spirituel en aspirant à la proximité de Dieu et en ayant la certitude de Sa promesse longuement détaillée dans le Coran.  Si nous avons Dieu, nous avons tout, si nous perdons Dieu nous perdons tout ! 

Ce travail se fait également sur le plan de la pensée qui analyse le monde à la lumière de la révélation.

Le cheminement spirituel et intellectuel inspira alors des actes concrets.

 


[i]Siné (Maurice Sinet), dessinateur et caricaturiste politique qui rejoint l’équipe de Charlie Hebdo en 1981 est évincé du journal en 2008 pour avoir ironisé sur l’ascension de Jean Sarkozy et de sa possible conversion au judaïsme suite à ses fiançailles avec Jessica Sarah Fanny Sebaoun (de confession juive), héritière des fondateurs du groupe Darty.  Accusé d’antisémitisme, Siné est ensuite relaxé par le tribunal de Lyon considérant qu’il avait usé de son droit à la satire et reçoit le droit à une indemnisation de 40 000 euros de dommages et intérêts par le journal pour rupture abusive de contrat.

[ii]Après l’affaire de caricatures publiées par le journal Charlie Hebdo en 2006, le ministère de la Culture de l’époque organisait une soirée en l’honneur du dessin de presse pour saluer les dessinateurs et caricaturistes après l’affaire en question.

[iii]La lutte idéologique – Malek Bennabi

[iv]Etudes d’histoires religieuses – Edition Garnier 1992 p187, 188

Un commentaire

  1. Salam,
    Très bon article, merci pour cet analyse. La corrida doit s’arrêter un jour et les musulmans doivent comprendre que la provocation été présente depuis le début de ce message noble, et que le prophète,Paix et bénédiction sur lui, avait un comportement claire envers la provocation, alors on doit le suivre si on l’aime.

  2. salam j aime l idee de demander aux chaines publique de transmettre le filme rissala le message au meme titre que la passion du christ ou les 10commandements c est un hommage aussi au metteur en scene et a mon avis ca devrait faire un bon audimat et une belle darwa ainsi qu une reponse constructive a toutes ces provoc qu en pensez vous cheres soeurs et freres
    il faudrait lancer une petition sur google ou face b et avec 100000 signatures ca devrait les faires reflechir
    en tout cas ca coute rien d essayer au moins

  3. C’est une très bonne idée. Je ne comprends pas pourquoi des films, comme “le Messager,” “Omar Mokhtar (lion du désert)”, joué par Antony Qneen (grand acteur), ne soient jamais passés sur les grandes chaines publiques. Pourtant ces films sont grandiose set bien réalisés, sont des films historiques, et montrent réellement l’image de l’islam, une religion de paix et d’amour pour l’humanité

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