Une histoire d’égalité

Tout allait dans la même direction.

Après tout, les hommes et les femmes doivent être égaux.

La priorité était de faire entendre la voix des femmes quelles qu’elles soient. La parole des femmes se libère, enfin ! Le tabou de l’inégalité salariale commence à se dérober. On reconnaît, même si l’action sur le terrain n’est pas encore au point, que les femmes ne doivent plus souffrir du plafond de verre dans les entreprises, qu’il est inadmissible que 80% des mi-temps soient remplis par des femmes, que les hommes doivent pouvoir prendre un congé paternité et se charger des tâches ménagères, etc.  Il en était temps depuis trois décennies de lois inappliquées. Les femmes se libèrent et leur parole prend son envol.  Elles crient et dénoncent, racontent et désignent les coupables. Elles marchent fières, vêtues et «dévêtues», dans les transports, dans la rue, cadres supérieures ou simples ouvrières. Et même si tout n’était pas encore gagné, l’espoir était bien réel. Le combat n’est jamais perdu tant qu’il y aura des gens qui dénoncent, tant que le porte-drapeau n’abandonne pas son poste et tant qu’il y a une voix dénonçant l’injustice.

Comment accepter d’être payée moins qu’un homme à travail égal et à compétences égales ? Comment ne pas nommer son harceleur ? Pourquoi laisser son violeur sans sanction et se taire juste parce qu’on est une femme ? Pourquoi continuer à jouer le jeu de porter tout un foyer et toute une famille à bout de bras sans que le conjoint ne prenne ses responsabilités et ne supporte sa part d’engagement ?

Toutes ces interrogations sont légitimes et sont désormais audibles autour de nous. N’importe quelle femme comprend cela et le revendique à sa façon et selon ses moyens.

Mais, au milieu de cette agitation de bonne volonté qui remonte à Mai 68 dont le combat fut et est encore laborieux sur certains sujets qui touchent les femmes, revendique-t-on l’égalité et la liberté pour toutes les femmes réellement ?  Parle-t-on d’égalité entre des femmes et d’autres ? Pourquoi à valeur égale et à compétences égales, une femme peut avoir un poste et une autre se voit refuser l’entretien d’embauche ? Pourquoi une femme peut s’exprimer et une autre doit se taire et entendre les autres parler pour elle ? Pourquoi une femme peut revendiquer de s’habiller comme elle l’entend et même de ne pas s’habiller du tout et une autre doit se soumettre au diktat de la première ?

Oui, ceci se passe dans le même pays. Celui où le combat des femmes a franchi plusieurs obstacles et a gagné du terrain. Certaines paroles se valent et des voix sont muselées. Les femmes voilées sont avant tout des femmes et revendiquent, sans doute pas assez fort, d’être libres de jouir de leurs droits les plus fondamentaux, tout simplement et comme les autres.

Ras-le-bol de voir s’appliquer le deux poids deux mesures en matière d’égalité. Il n’est pas question de négocier ses droits. Il y en a marre, aujourd’hui, de se voir tout refuser : accompagner les sorties scolaires, travailler dans un poste selon ses diplômes et ses compétences, etc.

L’injustice est là, personne ne la dénonce et tout le monde trouve normal que l’on fasse de ces femmes un enjeu électoral, le bouc émissaire des échecs des politiques. Il ne s’agit pas ici de mettre les femmes voilées dans une posture victimaire mais de participer d’une certaine manière à la dénonciation d’une situation qui devient intenable pour la majorité de ces femmes.

Tout combat commence par un mot, par un geste. Nous connaissons tous comment  Rosa Parks a inversé le cours de l’histoire de son pays, simplement en refusant de céder sa place à un Blanc juste parce qu’elle était Noire.

Il y en a marre qu’une égalité soit clamée jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat et qu’une injustice s’assume jusqu’aux plus hautes sphères de l’Etat.

Le cri est étouffé au milieu de toutes ces langues qui se délient.

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