Entrée de l’aide humanitaire à Gaza : soulagement, insuffisance et instrumentalisation

Une accélération de l’entrée de l’aide humanitaire est observée ces derniers jours, bien en deçà du nécessaire pourtant garanti par l’accord de cessez-le-feu.

« Il est un peu plus de 8 heures du matin à Gaza et aucun camion n’a encore franchi le poste-frontière de Kissufim, l’une des routes qui devaient ouvrir aujourd’hui », rapporte la journaliste palestinienne Hind Khoudary ce matin sur Al Jazeera. « Des dizaines de camions attendent depuis au moins deux heures le feu vert des forces israéliennes pour passer, décharger les vivres et repartir. »

Si l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur vendredi prévoit l’entrée de 400 puis 600 camions humanitaires par jour à Gaza, minimum estimé par l’ONU pour répondre aux besoins de la population affamée de Gaza, le compte est loin d’être rempli à ce jour. Des retards importants dus à des contrôles israéliens interminables et des clauses mystérieuses bloquent les livraisons pendant parfois des jours.

Hier, l’ONU a déclaré disposer de 170 000 tonnes d’aide stockées dans des entrepôts à l’extérieur de Gaza, prêtes à être distribuées en masse dans l’enclave. Son responsable humanitaire, Tom Fletcher, a dénoncé de graves retards tout en se déclarant déterminé à « ne pas échouer ».

Le siège illégal imposé par Israël construit depuis deux ans une famine volontaire, que beaucoup d’analystes associent à la volonté génocidaire d’Israël d’imposer l’effacement des Palestinien-nes.

Après avoir systématiquement détruit les terres agricoles et d’élevage, Israël a rendu Gaza entièrement dépendante de l’aide humanitaire, faisant de celle-ci un instrument de négociation, au grand mépris du droit international et de l’indignation mondiale.

De plus, Israël arme et soutient des groupes palestiniens de pilleur-euses, qui ont systématiquement intercepté les convois depuis des mois, et soumis des habitant-es au chantage pour recevoir leur protection.

Qui pour distribuer l’aide ?

Si la distribution d’aide à grande échelle sera dirigée par les Nations unies, le rôle de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans cette opération reste flou.

L’UNRWA a déclaré que la moitié des fournitures stockées dans des entrepôts à l’extérieur de Gaza lui appartenaient, insistant sur le fait que son champ d’action et son expertise étaient « absolument essentiels pour contrôler la propagation de la famine ».

Israël tente depuis des années délégitimer les actions de l’UNRWA, et a voté au cours des deux dernières années plusieurs lois qui entravent ses interventions. Le réseau palestinien de l’UNRWA est pourtant le mieux ancré et le plus à même de répondre à l’urgence.

En mars dernier, le ministère israélien des Affaires de la diaspora et de la lutte contre l’antisémitisme a lancé un processus de réaccréditation pour toutes les organisations humanitaires opérant dans les territoires palestiniens occupés, les obligeant à se soumettre à des contrôles intrusifs sous la menace de ne pas voir leurs mandats renouvelés.

Des témoins palestiniens ont rapporté que trois des sites gérés par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), situés à Rafah dans le sud de Gaza, et dans le corridor de Netzarim dans le centre de Gaza, avaient été abandonnés, et des responsables égyptiens et régionaux ont déclaré à l’Associated Press que ces centres de distribution alimentaire, gérés par les États-Unis et un entrepreneur israélien, étaient en train d’être fermés conformément aux termes de l’accord.

Depuis que la GHF, soutenue par les États-Unis et Israël, a commencé à opérer en mai, dans le but de monopoliser l’acheminement de l’aide et de mettre l’ONU sur la touche, les soldat-es israélien-nes ont tué plus de 2 500 Palestinien-nes venu-es chercher de l’aide sur ces sites de distribution ou alors qu’ils et elles se rassemblaient pour attendre l’arrivée des camions d’aide, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Al Jazeera a rapporté que des restes de munitions israéliennes utilisées pour attaquer les Palestinien-nes avaient été trouvés sur les sites abandonnés.

Un porte-parole de la GHF a cependant déclaré que la fermeture des sites n’était que « temporaire » et qu’il y aurait des « changements tactiques » dans ses opérations. « Il n’y a aucun changement dans notre plan à long terme », affirme-t-il. Les responsables ont laissé entendre que la GHF pourrait jouer un rôle dans le soutien aux agences des Nations unies pour la distribution de l’aide.

Un soulagement, même insuffisant

On estime que 460 Palestinien-nes sont mort-es de faim depuis le début du génocide perpétré par Israël à Gaza en octobre 2023. 1 enfant sur 4 souffre de malnutrition sévère, alors que l’IPC y a déclaré la famine il y a plusieurs mois, pour la première fois dans la région.

L’agence des Nations unies pour l’enfance, l’Unicef, a averti qu’il existait un risque de « hausse massive de la mortalité infantile, non seulement chez les nouveau-nés, mais aussi chez les nourrissons, dont le système immunitaire est plus fragilisé que jamais ».

« Il y a énormément de malnutris, énormément de blessés, et ce n’est pas du jour au lendemain qu’on va pouvoir remettre sur pied un système de santé qui a été complètement détruit », alerte le président de Médecins du Monde Jean-François Corty, qui rappelle que « près de 20 000 blessés nécessitent d’être pris en charge en urgence » et « vont mourir dans les semaines qui viennent » si les pays occidentaux ne se mobilisent pas.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA) a annoncé la semaine passé un plan sur 60 jours pour enrayer la crise et a indiqué dimanche que du carburant destiné à la cuisine a été acheminé dans la bande de Gaza pour la première fois depuis plus de six mois.

« Davantage de tentes pour les familles déplacées, de la viande congelée, des fruits frais, de la farine et des médicaments ont également été acheminés aujourd’hui dans la bande de Gaza », a déclaré l’OCHA dans son dernier communiqué.

Les journalistes locaux témoignent que certains aliments qui avaient complètement disparu commencent à circuler, et que les prix du marché ont baissé. Les habitant-es de Gaza, qui ont tout perdu dans les bombardements israéliens, restent cependant grandement dépendant-es de l’aide, et donc du respect par Israël de ses engagements.

Via
agencemediapalestine.fr

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