Silence, on tue à Gaza : le permis de tuer donné à Israël dénoncé par Pascal Boniface

Dans « Permis de tuer. Gaza : génocide, négationnisme et hasbara », Pascal Boniface expose les motifs et les conséquences du négationnisme en France des crimes de guerre et crimes contre l’humanité que l’armée israélienne multiplie à l’encontre des Palestiniens depuis octobre 2023.

Jusqu’à quand va-t-on laisser Israël mépriser à ce point la vie et la dignité humaine à Gaza ? Des voix plus nombreuses, ici de journalistes, là d’artistes ou encore là de personnalités juives, s’élèvent (enfin) ces dernières semaines pour dénoncer l’impunité dont jouit le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Et pourtant, en France, le traitement médiatique et politique des atrocités menées depuis octobre 2023 par l’armée israélienne dans l’enclave palestinienne demeure, pour le moins qu’on puisse, très loin d’être à la hauteur du cataclysme humanitaire sans précédent qui se déroule sous nos yeux. Une faillite morale que dénonce sans détour Pascal Boniface dans son dernier livre Permis de tuer. Gaza : génocide, négationnisme et hasbara.

Le géopolitologue, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), y souligne l’hypocrisie occidentale, jamais aussi bien illustrée que par le deux poids, deux mesures flagrant dont les Européens en particulier font preuve dans leur gestion des conflits russo-ukrainien et israélo-palestinien. Avec un laisser-faire offert à Israël qui rend l’Union européenne – et tant d’autres nations ailleurs – complice d’une situation « a minima de risque génocidaire ».

Son ouvrage est un manifeste pour le respect du droit international qu’Israël bafoue allègrement avec le soutien appuyé de l’administration Trump. Si, « trop souvent, on ne peut que constater son échec (celui du droit international, ndlr), on ne peut lui ôter toute légitimité », écrit-il.

Le mutisme de grands médias français épinglé, la hasbara à plein regime

La situation n’a jamais été aussi grave dans la région que depuis octobre 2023, avec une punition collective engagée contre les populations palestiniennes de Gaza mais aussi de Cisjordanie, où la répression de l’occupation s’est accentuée. Mais alors même qu’elle est documentée au quotidien sur les réseaux sociaux, par de nombreuses organisations internationales et ONG, et même par d’ignobles déclarations du gouvernement israélien lui-même, Pascal Boniface soulève la pauvreté globale du traitement médiatique du sujet en France.

L’auteur souligne à cet effet le tropisme pro-israélien dans les médias mainstream français qu’il explique par « un mélange de culpabilité par rapport à la Shoah et aux monstruosités antisémites des périodes passées, une assimilation de l’islam, de l’islamisme et du terrorisme, très nettement renforcée après les attentats de 2016 en France, une guerre d’Algérie encore mal digérer par certains en France, un racisme anti-arabe assez pregnant et une proximité culturelle avec Israël, champion du monde occidental, face à la barbarie ». Sans lien avec le supposé contrôle des médias « par les juifs », tient-il à préciser, « mais tout à voir avec l’occidentalisme de la majorité des journalistes », ce qui a le don d’accélérer la défiance des citoyens envers les médias.

Le livre consacre le rôle de la hasbara, cette stratégie de communication et d’influence menée par Israël pour promouvoir une image positive du pays et défendre ses politiques sur la scène internationale. Des acteurs politiques et médiatiques – des « intellectuels faussaires » pour certains selon l’expression de l’auteur – sont cités parmi les relais de cette propagande au cœur de laquelle se place le lobby pro-israélien Elnet, organisateur du meeting controversé « contre l’islamisme » fin mars à Paris.

« La plus grande victoire idéologique de Benjamin Netanyahou », visé par un mandat d’arrêt de la Cour pénale nternationale (CPI) depuis novembre 2024, est d’avoir su imposer dans le débat français l’assimilation entre antisionisme et antisémitisme qui, malgré des arguments fallacieux que l’auteur démonte un à un, sert « d’arme de dissuasion massive de toute critique de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens et des territoires occupés ». Pascal Boniface en fait lui-même les frais. Critique de longue date de la politique israélienne (sans pour autant être antisioniste, dit-il), il est régulièrement accusé d’antisémitisme et fait partie de ces chercheurs qui n’est que rarement invité à s’exprimer par les grands médias sur ces sujets.

Pas étonnant donc que les recensions de Permis de tuer se comptent sur les doigts d’une main, malgré l’urgence de la situation. Malgré l’inimitié qu’il provoque et ce que cela lui coûte en termes matériel et d’image, il ne s’arrête pas pour autant de critiquer Israël, lui qui voit, aujourd’hui plus que jamais, « combien la peur est le fil conducteur de l’expression publique sur ces sujets ». A son niveau, « on risque juste un peu de son confort matériel. (…) C’est le prix à payer, et il n’est pas si lourd ».

A Pascal Boniface, ces derniers mots : « L’histoire sera sévère pour ceux qui sont restés muets face à I’indicible et pour ceux qui, pour conforter leur négationnisme, ont remis en cause le droit international et les progrès qu’il apportait au sort de l’humanité. »

Présentation de l’éditeur

Le silence sur la situation génocidaire à Gaza interpelle. Comment expliquer le deux poids deux mesures lorsque l’on compare les indignations – légitimes – provoquées par les bombardements russes sur l’Ukraine et l’omerta sur ceux qui visent la population palestinienne civile soumise à un blocus ?

Le drame se noue autour d’un cocktail de sentiments de culpabilité, de solidarité culturelle, de peur de l’islam voire d’hostilité contre cette religion, présentée comme un danger sociétal et sécuritaire, de mémoires coloniales mal digérées et d’adhésion au concept de « choc des civilisations ». Dans les médias et la classe politique, un tel mélange suscite un soutien quasi généralisé à l’action du gouvernement israélien.

Permis de tuer analyse les motifs et les conséquences de la négation du risque génocidaire. Ceux qui le dénoncent sont qualifiés d’antisémites ou de complices du terrorisme. Pourtant, la réalité est que nous sommes face à une faillite morale ; et nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas…

L’auteur

Pascal Boniface, géopolitologue, est le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) qu’il a fondé. Il a écrit ou dirigé plus de quatre-vingt livres sur les questions stratégiques, dont la plupart font l’objet de rééditions régulières et de traductions multiples. Il décrypte l’actualité internationale sur sa chaîne YouTube qui compte plus de 400 000 abonnés.

Via
saphirnews.com

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