Lettre de 500 fonctionnaires de l’ONU : « Ne pas dénoncer un génocide en cours sape la crédibilité de l’ONU »
Dans un lettre adressée au Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Turk, des centaines de membres de son bureau le somment de qualifier de génocide la campagne militaire israélienne en cours à Gaza depuis le 7 octobre 2023.
Signée par plus de 500 employé-es du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH), la lettre estime qu’une large partie du personnel considère le seuil juridique du génocide atteint, « sur la base de rapports détaillés des mécanismes des Nations unies » et d’experts indépendants. Ils et elles disent ressentir « une profonde frustration face à l’ampleur, à la portée et à la nature des violations signalées et à leur impact sur les civils, en particulier les femmes et les enfants ».
Éviter un « échec moral »
Les signataires soulignent dans leur lettre que le HCDH devrait « refléter cette évaluation de manière plus explicite dans ses communications publiques », ajoutant que ne pas le faire « risque de nuire à la crédibilité du HCDH en tant qu’autorité de référence en matière de droits humains pour tous, partout dans le monde ».
« Ne pas dénoncer un génocide en cours sape la crédibilité de l’ONU et du système des droits de l’homme lui-même. »
En citant l’exemple du génocide rwandais en 1994, qui a fait plus d’un million de mort-es, les signataires rappellent que le silence de l’ONU pendant cette période est désormais considéré comme l’un de ses « plus grands échecs moraux ». Ils et elles enjoignent Volker Turk à ne pas reproduire cette erreur et à nommer dès aujourd’hui le génocide à Gaza pour ce qu’il est.
En réponse à cette lettre, le Haut-Commissaire a affirmé partager la préoccupation de ses collègues mais n’a pas employé le terme demandé. « Je sais que nous partageons tous un sentiment d’indignation morale face aux horreurs dont nous sommes témoins, ainsi qu’une frustration face à l’incapacité de la communauté internationale à mettre fin à cette situation », a-t-il déclaré, ajoutant un appel au personnel à « rester uni en tant que bureau face à une telle adversité ».
Poser le mot
Le génocide perpétré par Israël à Gaza est en cours depuis 693 jours. Israël a assassiné 62 966 Palestinien-nes et en a blessé 159 266 autres. Plus de 300 personnes, dont 121 enfants, sont mort-es de faim en raison de la famine délibérément imposée par le blocus israélien. Des nombreux-ses expert-es considèrent que ces chiffres pourraient être largement sous-estimés.
Le génocide a été nommé le 13 octobre 2023, moins d’une semaine après le début de l’offensive militaire sur Gaza, alors que les bombardements israéliens d’une violence inouïe sont silenciés et justifiés des déclarations vengeresses : le professeur agrégé d’études sur l’Holocauste et les génocides Raz Segal titrait son analyse de la situation dans le média Jewish Current « Un cas d’école de génocide ».
Alors que Yoav Galland déclarait le blocus total à Gaza avec ces mots : « Pas d’électricité, pas de nourriture, pas de carburant. Nous combattons des animaux humains et nous agissons en conséquence » ; alors que le premier ordre israélien d’évacuation du nord de Gaza contragnait plus d’un million de civils, dont la moitié sont des enfants, à se lancer dans une fuite frénétique au milieu de bombardements ; Raz Segal soulignait dans son article que l’intention génocidaire, ouvertement affichée dans les déclarations israéliennes, n’était pas à prouver.
Bientôt deux ans plus tard, de nombreux-ses observateurs-ices des droits humains, à l’exemple d’Amnesty International, partagent ces conclusions, y compris plus récemment les ONGs israéliennes B’Tselem et Physicians for Human Rights.
Un nombre croissant de dirigeants, dont le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et le président turc Recep Tayyip Erdogan, ont qualifié les actions d’Israël à Gaza de génocide, mais l’ONU continue de botter en touche, affirmant qu’il appartient aux tribunaux internationaux de déterminer s’il s’agissait d’un génocide. La cour de justice internationale a statué d’un « risque de génocide », mais son jugement définitif pourrait prendre des années.