Le savoir : d’un besoin naturel vers un devoir assumé

Lors de ma dernière visite chez ma sœur, j’ai passé quelques heures à jouer avec Adam, son fils de deux ans. Adam sait maintenant marcher et il en profite, il ouvre les tiroirs et approche tout objet de sa bouche. Chaque chose pour Adam est une inconnue et un mystère. La nature d’Adam, sa curiosité enfantine le tirent vers l’exploration et même le font pleurer si un obstacle l’empêche de chasser cette méconnaissance.

Les êtres humains naissent tous avec les ingrédients du succès : La liberté, l’initiative et cette curiosité enfantine ; ce sont des outils indispensables dans la progression de chaque individu. Cependant, ce besoin naturel de savoir se transforme chez l’adolescent ou l’adulte, il est parfois caché, non assumé et surtout brouillé par notre environnement et ses facteurs de dispersion. D’Aristote, qui considère que « Le simple fait de tourner les yeux pour savoir ce qui se passe autour de nous est la base de la curiosité naturelle, elle-même base des apprentissages. » à Saint Augustin ou Sigmund Freud qui parlent « du désir de savoir » ; toutes les pensées contemporaines ou anciennes convergent vers le constat que l’envie de savoir est naturelle.

Dieu nous rappelle aussi cette ignorance naturelle, en même temps, Il nous interpelle sur les moyens mis à notre disposition pour chasser cette ignorance et cette méconnaissance  « Et Dieu vous a fait sortir des entrailles de vos mères ignorants de tout et vous a accordé l’ouïe, la vue et le cœur afin que vous soyez reconnaissants. » (1). Cette soif de savoir, cette envie d’apprendre et de comprendre sont à la fois un besoin et un devoir.

Apprendre et s’instruire sont un devoir pour toute personne douée d’intelligence. Dans la tradition musulmane, ce devoir est permanent durant la vie du croyant et aussi dans son cheminement spirituel. Dans une tradition prophétique, le prophète, paix et bénédiction sur lui, nous rappelle que « La sagesse est la propriété perdue du croyant, il la récupère là où il la retrouve. » (2) Cette quête de sagesse permanente et dynamique est de plus en plus nécessaire dans une époque de grandes mutations, dans un monde d’images et de superficialité où chaque personne est obligée de développer un processus d’apprentissage personnel.

Le grand savant Ach-Chafi’i nous résume ce processus qui n’est ni simple ni facile, mais complexe et exigeant : « Mon frère tu n’auras la science qu’à six conditions, Je te donnerai leurs détails avec clarté : l’intelligence, la persévérance et la patience. La maîtrise de la langue, le compagnonnage d’un professeur et la longue durée. »

Dans l’époque de la transformation digitale, avec l’accélération, la spontanéité de l’information et la robotisation des services et des processus, nous sommes obligés de développer une sagesse collective pour éviter les répétitions et la redondance des expériences. La première étape de ce processus consiste à maîtriser ce qui est déjà en place et connu. Dans cette phase, nous lisons, cherchons, parlons à des experts du domaine, puis nous consolidons et appliquons ce qui est connu. Ensuite, nous devons apprendre des premiers retours de notre expérience, des succès et des échecs des autres.

Ce processus d’apprentissage ne peut se développer et tendre vers la perfection s’il n’est pas complété par le partage. Ce partage ou ce transfert d’expériences et de connaissances n’est pas seulement un devoir comme nous le rappelle l’ordonnance prophétique « Transmettez de moi ne serait-ce qu’un verset » (3), mais vraiment une élévation dans l’échelle de notre quête du savoir. Encore, le meilleur des enseignants, paix et bénédiction sur lui, nous l’explique concernant la parole de Dieu, où nous pouvons transposer cette distinction et ce mérite à toute science  « Le meilleur d’entre vous est celui qui apprend le Coran et qui l’enseigne (ensuite) »(4)

Enfin, cette quête de savoir doit avoir comme moteur et objectif un changement de l’individu et de la société. Cependant, le changement n’a pas lieu grâce aux connaissances, mais seulement lorsque celles-ci servent un sens. Ce sens ne peut être trouvé sans un travail du cœur qui accompagne notre quête. « Dieu ne change pas l’état d’un peuple jusqu’à ce que ses membres changent ce qui est en eux-mêmes ». (5)

(1) Coran, 16 : 78

(2) Hadith rapporté par Thirmidhi

(3) Hadith rapporté par Boukhari

(4) Hadith rapporté par Boukhari

(5) Coran, 8 : 53

Un commentaire

  1. Cher paix, merci pour ce message plein de sagesse. Il est évident que le changement interne est le préalable à toute chose. Et le conseil avisé à travers le commentaire ci dessus d’assurer la pérennité d’un changement à travers l’adhésion du plus grand nombre a une réforme interne serait presque irréprochable si l’environnement intellectuel dans lequel nous nous trouvons était neutre et sans danger. Malheureusement la réalité est toute autre et le changement qui viendra avec ou sans nous ne se fera pas sans cause. C’est toute la subtilité dans la parole de sidi Abdelkader El jilani : tu n’es rien mais tu dois être, le sentiment humble que ce n’est pas nous qui apportons le changement mais être le serviteur de la cause divine pour porter un message aux hommes qui leur permettent de savoir qui ils sont et ce qu’il adviendra après la mort. Pour en arriver à cet objectif sublime encore faut-il lui apprendre dans quelle mesure on se joue de lui avec des postulats philosophiques qui ont altérer son humanité et sa représentation de lui-même. Une fois cette injustice réparée, le dialogue peut avoir lieu sereinement. Quelle ironie de chercher à trouver un espace serein sans à priori dans le pays des “lumières”. Dieu sait que ce n’est pas simple mais l’effort de toutes les bonnes âmes saura surmonter ces difficultés 🙂

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