Le vilain petit souk !

« C’est le souk ! » Une expression familière pour signifier le désordre et le bruit qui peuvent régner dans un espace. Une expression qui, d’ailleurs, colle parfaitement aux places boursières avec leurs traders stressés et bruyants. Le « marché » par contre se veut être un souk présentable où l’importance des transactions cohabite avec l’ordre et la dignité apparente des vendeurs et des acheteurs.

« Souk » apporte donc l’idée d’une situation géo-localisée où la quête du profit fait fi de beaucoup de règles de bienséance. N’est-ce pas synonyme du monde aujourd’hui ?

Celui qui se souvient de Dieu dans le souk et L’invoque aura pour chacun de ses cheveux une lumière le Jour dernier[1]. Mais souvent, à une grande récompense correspond une grande épreuve. En effet, à l’époque du Prophète, paix et salut sur lui, les maîtres marchands qoraïchites qui hébergeaient le culte des idoles pour fructifier leurs profits n’étaient pas un passé lointain. De même, le marché instigateur de valeurs et de mœurs sociaux à son gré était une réalité fraichement et localement surmontée : l’esclavage, la prostitution, … Comme les premiers musulmans prenaient leur morale de Dieu, se souvenir de Lui les assuraient de ne pas se laisser déstabiliser par l’ordre dominant du profit, ne pas oublier leurs fondamentaux, leurs principes, leur raison d’être.

Du coup, je relis d’un nouvel œil ces hadiths de mise en garde à l’encontre du souk ! « Les lieux les plus aimés de Dieu sont les mosquées et les plus hais sont les marchés. »[2] « Ne sois pas le premier qui y entre ni le dernier qui en sort, car il (le marché) est la mêlée de Satan et il y plante son étendard. »[3] « Celui qui entre dans un marché et dit : ‘Il n’y a de dieu que Dieu, nul ne Lui est associé, à Lui la royauté et la louange, Il donne la vie et la mort, Il est vivant et ne meurt jamais, le bien est dans Sa Main, et Il est capable de toute chose.’ Dieu lui compte mille milles bonnes œuvres, lui efface mille milles péchés, et l’élève de mille milles degrés. »[4] La nouvelle société musulmane venait alors de sortir d’une logique de marché oppressante, et avait réduit son marché à ses dimensions utiles. L’ogre fou venait de s’endormir et il fallait le garder bien verrouillé.

Que dire alors d’un monde sous forme d’un souk géant ? Et que dire de celui qui se souvient de Dieu dans un tel monde ?

Certes, le vilain petit souk, encerclé géographiquement et moralement dans un périmètre fermé, a fait du chemin depuis les premières ères de l’Islam. Il a su exporter son esprit et repousser son périmètre. Sur ses étalages, on expose aujourd’hui des consciences humaines, des valeurs humaines, des vérités à la carte, des hommes et des femmes jeunes et moins jeunes, l’environnement. Ses espaces sont désormais bien gardés, ceux qui lui résistent encore sont aujourd’hui encerclés, ghettoïsés.

Mais un autre monde où le souk reprendrait la place qui lui revient reste possible, c’est-à-dire une zone bien spécifique qui ne déborderait pas sur le reste de la société.


[1]              Hadith prophétique rapporté par al-Bayhaqy dans Shou’ab al-Imâne.

                عَنْ عَبْدِ اللَّهِ بْنِ عُمَرَ ، قَالَ : قَالَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ : ” ذَاكِرُ اللَّهِ فِي الْغَافِلِينَ كَالْمُقَاتِلِ عَنِ الْفَارِّينَ ، وَذَاكِرُ اللَّهِ فِي الْغَافِلِينَ كَالْمِصْبَاحِ فِي الْبَيْتِ الْمُظْلِمِ ، وَذَاكِرُ اللَّهِ فِي الْغَافِلِينَ يُعَرِّفُهُ اللَّهُ مَقْعَدَهُ وَلا يُعَذَّبُ بَعْدَهُ ، وَذَاكِرُ اللَّهِ فِي الْغَافِلِينَ لَهُ مِنَ الأَجْرِ بِعَدَدِ كُلِّ فَصِيحٍ فِي السُّوقِ وَأَعْجَمِيٍّ ، وَذَاكِرُ اللَّهِ فِي الْغَافِلِينَ يَنْظُرُ اللَّهُ نَظْرَةً لا يُعَذِّبُهُ اللَّهُ بَعْدَهَا أَبَدًا ، وَذَاكِرُ اللَّهِ فِي السُّوقِ لَهُ بِكُلِّ شَعْرَةٍ نُورٌ يَوْمَ الْقِيَامَةِ يَلْقَى اللَّهَ ” ، قَالَ الْبَيْهَقِيُّ رَحِمَهُ اللَّهُ : هَكَذَا وَجَدْتُهُ مَكْتُوبًا لَيْسَ بَيْنَ سَلَمَةَ ، وَبَيْنَ ابْنِ عُمَرَ أَحَدٌ وَهُوَ مُنْقَطِعٌ ، وَإِسْنَادُهُ غَيْرُ قَوِيٍّ .

[2]              Hadith du prophète rapporté par l’imam Muslim selon Abu Houraïra.

                عن أبي هريرة رضي الله عنه عن النبي صلى الله عليه وسلم قال :(أَحَبُّ الْبِلَادِ إِلَى اللَّهِ مَسَاجِدُهَا ، وَأَبْغَضُ الْبِلَادِ إِلَى اللَّهِ أَسْوَاقُهَا) رواه مسلم

[3]              Hadith du compagnon Salmane al-Farissi rapporté par l’imam Muslim.

                وقال سلمان الفارسي رضي الله عنه : (لَا تَكُونَنَّ إِنْ اسْتَطَعْتَ أَوَّلَ مَنْ يَدْخُلُ السُّوقَ ، وَلَا آخِرَ مَنْ يَخْرُجُ مِنْهَا ، فَإِنَّهَا مَعْرَكَةُ الشَّيْطَانِ ، وَبِهَا يَنْصِبُ رَايَتَهُ) رواه مسلم

[4]              Hadith prophétique rapporté par Tirmidhi dans Sounan selon Omar Ibn al-Khattab.

                مَن دخَل السُّوقَ فقال لا إلهَ إلا اللهُ وحدَه لا شَريكَ لهُ لهُ المُلكُ وله الحمدُ يُحيِي ويُميتُ وهو حيٌّ لا يَموتُ بيدِه الخيرُ وهو على كلِّ شيءٍ قديرٌ كتَب اللهُ له ألفَ ألفِ حسنةٍ ومحا عنه ألفَ ألفِ سيئةٍ ورفَع له ألفَ ألفِ درجةٍ

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