Le mois de Mouharram et le sens de l’Hégire

Un mois à l’introspection

Nous voici entrés dans le mois de Mouharram, qui succède au mois de Dhul-Hijja. Alors que les pèlerins ont vécu des instants spirituels intenses sur les terres où naquit la plus noble des créatures, où la communauté musulmane naissante s’est fortifiée et enracinée, un souffle divin vient aujourd’hui effleurer la vie de celui qui chemine vers Dieu.

Le mois de Mouharram ouvre l’année du calendrier hégirien. Il est l’un des quatre mois sacrés cités dans le Coran, durant lesquels les actes d’adoration et les bonnes œuvres sont valorisés auprès de Dieu.

Son arrivée marque un renouveau, une nouvelle année, mais surtout un rappel puissant de l’événement fondateur qu’est l’Hégire : le départ du Prophète, paix et salut sur lui, et de ses compagnons de La Mecque vers Médine. Ce départ n’était pas une fuite, mais un acte de foi, un engagement collectif vers un avenir de justice, de liberté spirituelle et de vérité.

Chaque année qui passe est un cycle de plus dans le grand mouvement de la vie. Le cheminant vers Dieu accueille chaque nouvelle année non pour festoyer, mais pour se rappeler que chaque jour écoulé, chaque instant vécu, le rapproche inéluctablement de sa demeure originelle, celle d’où il vient et où l’attend la vraie vie.

Cette nouvelle année est une invitation à la réflexion, au bilan, à l’espérance et à l’action pour devenir meilleurs.

Il est essentiel de s’attacher à ses frères et sœurs en Dieu, de rejoindre une fraternité spirituelle, d’être entouré de ceux qui nous rappellent la vie dernière. Car même l’Hégire ne s’est pas faite en solitaire : les croyants ont quitté La Mecque ensemble, unis par un même élan. Le Prophète Mohammed, paix et salut de Dieu sur lui, n’a pas voyagé seul, mais accompagné de son plus fidèle ami.

Ainsi en est-il du chemin vers Dieu : il ne se parcourt pas en solitaire. Le plus grand des Hégires, celui qui mène de la vie d’ici-bas à la vie éternelle, demande présence, entraide et fraternité.

Qu’est-ce que le grand Hégire ?

Le grand Hégire est sans doute le voyage le plus profond qu’un être humain puisse entreprendre : celui de toute une vie. Plus qu’un déplacement, c’est une transformation intérieure. C’est choisir de tourner le dos aux habitudes néfastes, aux désirs les plus bas, au confort qui endort l’âme, pour se diriger résolument vers ce qui plaît à Dieu, exalté soit-Il.
C’est quitter l’insouciance pour vivre dans la présence divine, délaisser les idoles modernes pour s’attacher au Dieu unique, abandonner la routine vide pour l’adoration vivante.
Cet Hégire intérieur ne s’arrête pas à soi : elle inspire un engagement collectif, un appel à libérer les cœurs de l’injustice pour les guider vers plus de paix, de lumière et de justice.

C’est un voyage de l’ombre vers la lumière, des ténèbres vers la clarté.
Un exode que chacun est invité à entreprendre au plus profond de lui-même, pour ensuite tendre la main aux autres et les inviter à marcher ensemble, dans cette caravane du cœur tournée vers la vie dernière.

L’Hégire du Prophète, paix et salut sur lui

Peut-on évoquer l’Hégire sans rappeler ce moment si touchant entre le meilleur des hommes et son ami fidèle ?

Lorsque le Prophète, paix et salut de Dieu sur lui, entreprit l’Hégire, il n’était pas seul. À ses côtés se trouvait Abû Bakr, que Dieu l’agrée, compagnon de toujours et soutien indéfectible.
En apprenant leur départ, les polythéistes offrirent une récompense de deux cents chameaux à quiconque ramènerait le Prophète, et cent pour celui qui capturerait Abû Bakr.
Les recherches s’intensifièrent : montagnes, vallées, grottes… jusqu’à ce que certains arrivent à l’entrée de la grotte de Thawr, où les deux compagnons étaient cachés.
Pris d’inquiétude, Abû Bakr dit : « Ô Messager de Dieu ! S’ils regardent sous leurs pieds, ils nous verront. »Et le Prophète répondit, avec une foi inébranlable : « Que penses-tu de deux personnes dont Dieu est le troisième ? » [1]

Cette parole résonne au cœur de toutes nos épreuves. Lorsque l’angoisse nous serre, que l’adversité nous encercle, que la solitude devient pesante, souvenons-nous : Dieu, exalté soit Son Nom, est là. Lorsque la tempête se lève, que les repères vacillent, que les craintes s’abattent sur nous, rappelons-nous : Dieu est présent. Et cela suffit. Sa présence transforme l’épreuve en force, la peur en confiance, et rend supportable ce qui semblait insurmontable.

Jour de ‘Achoura

C’est aussi en ce mois de Mouharram que se trouve le jour de ‘Achoura

Arrivé à Médine, le Prophète vit les Juifs jeûner ce jour. Interrogé, on lui expliqua que c’était un jour de gratitude envers Dieu, qui avait sauvé Moïse et les enfants d’Israël de Pharaon. Le Prophète dit alors : « Nous sommes plus proches de Moïse qu’eux », et il jeûna ce jour. [2]

Le jeûne de ‘Achoura est surérogatoire mais très méritoire. Le Prophète a dit : « Le jeûne du jour de ‘Achoura expie les péchés de l’année précédente. » [3] Et aussi : « Le meilleur jeûne après celui de Ramadan est celui du mois sacre de Mouharram. » [4] Il conseilla même de jeûner les 9ème et 10ème jours afin de se distinguer des pratiques juives. Il projeta de le faire l’année suivante, mais quitta ce monde avant.

Des effluves divines

Pour finir, rappelons-nous cette parole du Prophète, paix et salut sur lui : « Il y a dans les jours de votre vie des souffles de la part de votre Seigneur. Soyez attentifs et exposez-vous à eux. »

Exposons-nous aux souffles de Mouharram. Accueillons cette nouvelle année comme un souffle de miséricorde. Qu’elle soit l’occasion de nous repentir, de revenir vers Dieu, et d’appeler les gens au repentir.

Nous demandons à Dieu de bénir cette nouvelle année, d’en faire une source de lumière, d’y faire jaillir les plus beaux fruits, pour chacun d’entre nous, pour nos familles, pour la communauté musulmane, et pour l’humanité tout entière.

Que Sa paix enveloppe ceux qui vivent sous les feux de la guerre, et que cette année apporte apaisement, espérance et guérison à tous les cœurs meurtris et endeuillés.

Amîn.

[1] Rapporté par Boukhari

[2] Rapporté par Boukhari et Mouslim

[3] Rapporté par Mouslim

[4] Rapporté par Mouslim

Lire aussi :

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