Égalités

Notre planète n’a jamais cessé sa rotation. Malgré ses tremblements, ses orages, ses tempêtes et ses cyclones, elle continue de tourner sur elle-même parce que c’est vital pour l’ensemble des êtres vivants qu’elle porte. Pourtant, l’humain a toujours pensé qu’il était capable de dominer le monde, mais c’est la Terre qui le protège de tout, de lui-même aussi. Il saccage et détruit avec une telle insouciance et avec l’illusion de l’éternité ; mais cette Terre continue de tourner, emportant dans sa course toutes les blessures qu’on lui inflige. L’humain, dépendant d’un monde auquel il est suspendu en permanence, ne fait qu’y déposer ses pas. La négligence les efface et la quête de sens dans la vérité et la cohérence les offrent comme enseignements aux générations futures. Mais le plus bel enseignement de la rotation ininterrompue de notre planète est que malgré tous les dégâts qu’elle supporte, elle continue de tourner, parce qu’elle ne saurait s’arrêter pour quelques malheurs, alors qu’une partie du monde tente de réparer le navire que d’autres essaient de couler. Tu vois comme moi ce côté du monde noirci par les guerres, la famine et le feu, mais tu vois aussi ce côté où s’élèvent les plus beaux paysages et les étendues de paix. Notre Terre continue sûrement sa rotation pour que les cendres renaissent. C’est un enseignement car tel est l’humain dans ses épreuves : un malheur à un étage de sa vie, un peu d’amour dans un recoin de son âme, un sourire au secret de son coeur et de l’espérance sur le chemin que chacun a choisi d’emprunter. Alors assieds-toi et ressens la Terre qui continue de tourner et à ton tour, n’arrête jamais la rotation de ton existence. Ainsi, le monde continue de tourner, mais il y a quelques mois, nos sociétés ne tournaient pas rond.

Un virus est venu frapper à la porte de l’humanité, opérant un arrêt brutal à toutes nos gesticulations. Chacun y va de ses efforts pour survivre et chacun donne sa propre interprétation de la situation. Malédiction, complot, fin du monde ou transition vers de nouvelles sociétés ? Ce qui est certain, c’est que notre génération ne vivra plus de la même manière et la génération suivante oubliera. En effet, celles et ceux qui ont connu la guerre savaient qu’ils vivraient différemment après avoir survécu. Ils se disaient  « Plus jamais çà ! ». Les ignorants ont la vertu de ne pas s’embarrasser des enseignements du passé tant que l’avenir sert leurs intérêts. Mais leurs bottes garderont toujours les traces de sang des plaines soumises à leur pouvoir. L’enseignement des épreuves est toujours utile aux générations qui les vivent dans leur présent. Les générations futures auront bien le temps de connaître et de vivre les leurs.

Les gens se confinent comme ils peuvent ; certains dans la résistance, la peur ou l’angoisse ; d’autres vivent cela comme un répit pour se questionner et comprendre. Mais chacun se souviendra de ce qu’il faisait : isolé chez soi tentant de redécouvrir une famille, en exil, en prison, en couple ou dans la solitude. Cela restera un souvenir et l’espoir demeure pour beaucoup de ne pas tomber malades. Mais l’enseignement de ce virus est celui de l’égalité. Il ne fait aucune distinction parmi les gens qu’il emporte : bébé, enfant, adulte ou personne âgée ; médecin, homme politique, artiste ou sportif… Tout le monde y passe. Il ne choisit pas. Il contamine et la mort nous enseigne que nous sommes égaux. Nous le savions dans notre insouciance et nous le découvrons dans notre réalité. Il y a aussi les rescapés et ceux qui sont en sursis et qui essaient de renaître. On se souvient de ce jeune italien sur son lit d’hôpital qui a offert des mots très forts : « Je me rends compte que je n’ai rien fait dans ma vie. Rien n’a de sens. » Ces mots recueillis le 19 mars 2020 par le site Brut ont permis de saisir l’essentiel. Que faisons-nous de nos vies ? Dans quelle direction allons-nous ? Que restera-t-il de nous ? Le navire continue de voguer au désespoir des plaisanciers qui le coulent et à la force des marins et des pêcheurs qui le maintiennent.

Le virus cueille les âmes en toute égalité et pendant ce temps l’Homme ne cesse de créer les inégalités et l’injustice.  « Nous sommes en guerre. » : le message s’adressait à tous : au peuple, comme aux autres nations ; et en temps de guerre, tout est permis. On découvre alors la guerre des masques. On avait tort de considérer ceux qui pillaient les caravanes dans le désert comme des barbares. On peut se dire aussi que les pirates des mers font partie d’un autre temps. Mais nous assistons malheureusement à une barbarie dont les brigands n’ont ni turban, ni sabre. Ils sont en costume-cravate et n’ont aucune gêne à confisquer ou à réquisitionner les masques. On se vole entre pays. Les pays volent même leurs propres citoyens… Une barbarie qui ne dit pas son nom, mais une barbarie quand-même. Les cavaliers armés qui protégeaient les caravanes du désert sont devenus aujourd’hui les groupes d’intervention de la gendarmerie.

Et ailleurs dans le monde, les nations qui ne doutent pas de leur puissance en profitent pour asseoir leur pouvoir économique. La Russie et l’Arabie Saoudite se disputent le marché pétrolier. Qui mettra le premier le genou à terre ? Entre celui qui veut continuer de croire qu’il est le maître du monde et celui qui pense qu’il deviendra le roi le plus puissant, il se pourrait que les deux soient perdants et qu’il n’y ait finalement pas de Jour d’après pour le pétrole. La stratégie qui se joue en filigrane est d’affaiblir l’adversaire pour que le gagnant devienne le plus puissant une fois la crise du virus terminée.

Notre Terre continue de tourner et l’humain ne tire que très rarement des enseignements de l’Histoire. Le virus n’est sans doute que le premier chapitre d’un roman tragique dont tous les dirigeants pensent maîtriser les personnages. On prépare déjà une sortie de confinement pour la vie d’après, mais le scénario de ce roman continue de s’écrire dans le secret des décisions qui nous échappent. Nous n’en sommes pas encore arrivés au suspense et la chute de ce roman pourrait bientôt surprendre l’humanité.

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