Omra : Renouveler son pacte avec Dieu et son allégeance au Prophète

Lundi 2 janvier 2023. Nous sommes dans l’avion qui nous amène à Mulhouse, la Omra (Petit pèlerinage à la Mecque) est derrière nous et ce voyage béni touche à sa fin. A défaut d’avoir trouvé le temps d’écrire au fil des jours, je le fais maintenant, avant d’être rattrapée par la tornade du quotidien qui nous attend de pieds fermes.

Avant la formation du dimanche, je ne réalise pas ce qui se programme. J’ai la talbiya (1) en boucle dans la tête mais c’est comme si cet endroit – La Mecque – n’était pas vraiment sur cette terre. Après cette demi-journée, ça y est, certaines choses commencent à se concrétiser, le cœur commence à s’accélérer et les intentions sont renouvelées. Nous sommes les invité(e)s de Dieu dans Sa maison sacrée, nous répondons à l’appel d’Ibrahim (paix sur lui). Mais pour autant, une partie de moi ne peut toujours pas y croire : je vais à La Mecque incha’Allah. Le voyage dure plus de 24h, du départ émouvant de la mosquée où nous laissons nos proches, jusqu’à l’arrivée à l’hôtel à La Mecque. 24h seulement, et nous avons déjà l’impression de voyager ensemble depuis des semaines. Les cœurs se rencontrent vite, et avec enthousiasme.

Le premier regard sur la Kaaba est probablement la rencontre la plus exceptionnelle que je n’ai jamais faite, et paradoxalement la plus familière aussi. Si tous et toutes avons déjà vu la Kaaba en photo ou à la télévision, c’est incomparable avec les regards portés en vrai. J’ai l’impression de rencontrer un être aimé, un être cher, que je n’ai pas vu depuis longtemps. Mes yeux sont suspendus, accrochés à cet édifice dans une interaction absolument unique. Les larmes coulent de bonheur de l’avoir retrouvée, et de gratitude d’y avoir été invitée, émue de ce que son regard fait à mon cœur, intimidée par un tel honneur de me tenir devant la créature de mon Créateur.

La première Omra est particulièrement intense émotionnellement, spirituellement et physiquement (nous avons à peine dormi 4 heures sur les 36 dernières heures). Lorsque nous avions abordé les rites de la Omra, et notamment le Tawaf (2), cela semblait quelque peu étrange, nous acceptions de ne pas forcément saisir le sens de ces tours effectués autour de la Kaaba mais souhaitions satisfaire notre Créateur et suivre les pas de Son bien-aimé Messager, Mohammed (paix et salut sur lui). Mais lorsque nous sommes autour de la Kaaba avec les frères et les sœurs, que nous invoquons, que nous prions, que nous demandons pardon à notre Seigneur, sans lâcher des yeux la Kaaba, c’est à une adoration unique que nous goûtons et qui nous traverse. Avec encore une fois cette étrange sensation d’avoir retrouvé sa place dans l’univers alors que nos yeux s’émerveillent d’un tel endroit sur Terre pour la première fois. Le Sa’i (3) nous met à l’épreuve physiquement autant qu’il renforce nos liens de fraternité dans le groupe, chacun veillant sur son frère ou sa sœur, s’interposant dans les bousculades, se tenant bras dessus bras dessous pour avancer ensemble, s’échangeant regards et sourires encourageants alors que nos guides – que Dieu les récompense – emmènent nos pieds, nos langues et nos cœurs sur les traces de Hajar (que Dieu l’agrée), de son courage, de son amour pour son fils Ismaïl et de sa confiance absolue en Dieu Tout Puissant.

Profitant des bienfaits du groupe et de la bonne compagnie sur le chemin de Dieu, nous effectuons encore deux autres Omras, non moins intenses. Entre ces moments bénis, nous vivons au rythme des prières au sein de Masjid Al Haram. Nous effectuons le qiyam (Prières de la nuit) dans le meilleur endroit du monde pour le faire puis dormons quelques heures après la prière de l’aube. Nous repartons à la mosquée pour chaque prière et restons généralement sur place d’une prière à l’autre. Quelle sensation incroyable de se tenir debout devant la Kaaba, de lever les mains vers le ciel et d’invoquer Dieu Tout Puissant. Quel bonheur de terminer une prière au milieu de dizaines de milliers de personnes venues du monde entier, qui se prosternent toutes dans le même sens et de pouvoir lever les yeux et la trouver là. Quel honneur mon Dieu d’être les invité(e)s de Ta maison sacrée. Quel bienfait immense d’être inscrit au registre de celles et ceux qui ont répondu à Ton appel, d’être affilié à Tes prophètes et Tes serviteurs qui T’ont adoré ici avant nous. Aucun mot ne pourrait exprimer la gratitude et les louanges qui Te reviennent Seigneur Tout Puissant.

Ces jours passés à La Mecque sont bénis à bien des niveaux. Nous dormons peu, mais nous avons une énergie inattendue, nous buvons de l’eau de Zem-zem à longueur de journées et nous attendons chaque prière avec hâte. La foule est dense, souvent brusque, et les contraintes liées à la gestion d’un si grand nombre de personnes par les policiers sont nombreuses. Mais malgré ce climat complexe, qui éduque nos égos à la patience, la bénédiction d’un tel lieu transperce toute chose et nous remplit, nous comble. Et c’est comblée par la Kaaba que je ressens pleinement mon besoin de Dieu, ma faiblesse et mon insignifiance comparée à la grandeur de ce qu’Il a créé. Nous y passons sept jours, qui paraissent un mois par leur intensité mais qui passent tellement vite.

Ces jours sont aussi l’occasion de nombreux rappels et enseignements dans ce qu’ils ont de moins agréables, de moins lumineux – du moins au premier abord. La nécessité de la compréhension voire de la compassion avec les policiers d’Al Haram, qui nous semblent brutaux et dans l’excès au départ, mais qui se révèlent en fait être d’une patience hors-norme et absolument bénéfique à l’ensemble des pèlerins, d’un respect et d’une attention appréciés envers les femmes la plupart du temps. L’éducation à la patience et au contrôle de soi dans des foules qui poussent, tapent, jouent des coudes alors qu’on essaie de se recueillir et d’être avec Dieu. Le rappel continu de notre fin à travers les rites comme à travers les prières mortuaires effectuées après chaque prière obligatoire. Et bien sûr, toutes ces choses à la fois et d’autres encore à travers la vie en collectivité, les défis étant de plus en plus nombreux au fil de la fatigue qui s’accumule. Tout cela contribue à nous faire vivre des moments dont on aimerait qu’ils ne prennent jamais fin, des moments de tête à tête avec Dieu malgré la foule, des moments avec nos proches dans les invocations malgré la distance, des moments avec nos frères et sœurs en Dieu dans le silence.

Le départ de La Mecque a été difficile, les cœurs se serrent et l’œil s’attriste de ne plus voir la Kaaba. Nous prions de tout cœur pour que Dieu nous accorde que cette visite ne soit pas la dernière et pour que la paix de Médine console un peu nos cœurs.

Arrivés dans la mosquée du Prophète (paix et salut sur lui), nous sentons très vite la sérénité générale qui règne, même au-delà de ses murs. La présence d’une telle créature de Dieu et de si grands compagnons et compagnonnes ne peut qu’avoir cet effet sur les cœurs. Le lendemain de notre arrivée, nous visitons le Prophète (paix et salut sur lui), Abou Bakr et Omar (que Dieu les agrée) et nous prions à Rawda Charifa qui correspond à l’espace dans lequel le Prophète (paix et salut sur lui) priait, enseignait, se reposait, etc. : un jardin du Paradis. Une telle proximité avec le Prophète (paix et salut sur lui) est bouleversante et renouvelle la conscience du cadeau exceptionnel de Dieu à Ses créatures qu’est Son Noble Messager, Son Bien-Aimé, cette Miséricorde pour les mondes. On multiplie les salutations qu’on lui adresse, conscients du fait qu’il les entend, on profite de chaque occasion de nous asseoir près de lui, à Rawda Charifa comme à l’extérieur, profitant de la bénédiction de sa compagnie sur nos cœurs. Sans pouvoir le quantifier ni même le qualifier, on sent combien ils se réjouissent et s’illuminent de sa présence et on demande intensément à Dieu sa compagnie dans cette vie et dans l’Autre (paix et salut sur lui).

Parmi les innombrables bienfaits de ce voyage que mon cœur perçoit, deux me semblent vraiment essentiels.

Le premier relève de l’immense sagesse de Dieu dans Son appel au Hajj (Le grand pèlerinage),et à la Omra pour la communauté. L’expérimentation par le cœur et les sens de telles choses, de tels lieux de l’histoire de l’Islam (Meccah, Medine, Uhud, etc.) attachent nos cœurs à ces endroits plus ardemment, à nos prédécesseurs et à notre histoire musulmane. Et par cet attachement et cet amour de nos origines, ce sont les racines de la communauté qui se déploient et se solidifient. Et comment espérer s’élever si nos racines ne sont pas profondes ? Je n’avais pas pris conscience de cela avant de fouler la même terre que le Prophète, et ses nobles compagnon(nes), là où ils ont tant donné pour l’Islam, indirectement pour nous aujourd’hui et pour l’Humanité jusqu’à la fin des temps.

Le second point essentiel est certainement le plus important. En plus de repartir apaisée, ressourcée, purifiée par la grâce de Dieu, je rentre chez moi avec la profonde conviction d’avoir d’une part renouvelé mon pacte avec Dieu, reconnaissant Sa Grandeur, Sa Toute Puissance et mon besoin de Lui, renouvelant ma conscience du sens de cette vie terrestre et de l’Autre éternelle, et ma détermination à Le servir et Le satisfaire par Sa grâce. Et d’autre part, d’avoir réaffirmé mon allégeance au Prophète (paix et salut sur lui) et à sa Sunna (Tradition prophétique). Comme si la proximité avec la Kaaba, maison sacrée de Dieu, et la tombe du Prophète (paix et salut sur lui) avaient fait naître en moi un besoin encore plus grand de la proximité de Dieu et de la compagnie du Prophète (paix et salut sur lui), quelle que soit ma localisation sur cette terre. C’est avec ce besoin devenu détermination/résolution que je rentre chez moi aujourd’hui, absolument persuadée que l’attachement et l’amour du Prophète (paix et salut sur lui) est le chemin tout tracé vers la proximité et la satisfaction de Son Créateur incha’Allah.

Quelques points ont quelque peu attristé certains moments de ce voyage, en particulier à Médine, vécus du fait de ma condition de femme.

Premièrement, j’ai été choquée et profondément honteuse devant le comportement global des femmes à Rawda Charifa : bousculades, lamentations, escalade des poteaux, comportements égo-centrés, mouvements de foule, etc. Voilà autant de choses courantes chez les femmes, à tel point que nous avons été obligées de constituer des barricades humaines pour prier à tour de rôle sans se faire piétiner ; là où les hommes entrent et circulent calmement, à quelques mètres de la tombe du Prophète. Si bien sûr des éléments structurels favorisent ces comportements (créneaux de visite réduits pour un grand nombre de femmes, espaces réduits dans Rawdad Charifa, etc.), ils ne sont pas pour autant acceptables pour des musulmanes, héritières des Compagnonnes du Prophète dans leurs grandes valeurs morales et leur exemplarité. Avec du recul, je me demande si de telles scènes ne sont pas en fait le résultat d’un accès bien trop restreint à l’instruction et à l’éducation religieuses des femmes dans le monde. Ces femmes ont sûrement à cœur de visiter le Prophète (paix et salut sur lui) et de lui rendre hommage, mais je me demande quelles occasions elles ont eu de réformer leurs comportements et d’apprendre ce que le Prophète (paix et salut sur lui) nous a laissé de sciences, comme elles en auraient le droit (4).

De même, l’autre point ayant terni parfois ce séjour est la compréhension actuelle saoudienne des places et rôles de la femme en Islam. Si cela s’est très peu senti à La Mecque, où la plupart des rites sont mixtes et laissent peu de place à l’interprétation, ce phénomène est plus significatif à Médine. Ainsi, nous n’avons que très peu accès à Rawda Charifa (pas à toute la partie avant comprenant le minbar, les colonnes, etc.), nous n’avions pas le droit de visiter les musulmans et musulmanes de Baqi’, nous n’avions pas accès à la mosquée avant 2h30 le matin, etc.

Si ces deux problèmes sont distincts, ils semblent malgré tout se répondre. Privant les femmes d’accès à l’instruction religieuse, en Arabie saoudite et ailleurs dans le monde, on ne peut qu’attendre qu’elles développent des comportements problématiques liés à leur culture respective. Et comme pour tout changement, il faut commencer par soi-même, je repars également avec cette conviction renouvelée de m’attacher à m’instruire à travers la méthode prophétique, à poursuivre mon apprentissage de l’arabe et à transmettre avec l’aide de Dieu.

Que Dieu accepte nos œuvres, qu’Il nous guide et nous pardonne, et nous rende dignes d’être de la communauté de notre Noble Prophète Mohammed (paix et salut sur lui).

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Dans le cœur des pèlerins

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Un commentaire

  1. Barakallofik ma très chère Imane pour ce magnifique témoignage.
    J’étais présente lors de ton témoignage à la cérémonie du retour des pèlerins.
    Tu nous as tous ému.
    qu’Allah permette à ceux et celles qui n’ont pas encore été d’y aller inchallah.

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