Ar-Rahman, Ar-Rahim

J’entame cette chronique autour des Noms divins les plus beaux « Asma’uLlah al husna » au nom de Dieu, Ar-Rahmân, Ar-Rahîm [1]. Il me semble opportun de ne pas proposer d’emblée de traduction pour ces deux Noms divins, préférant vous laisser goûter à la saveur de quelques-uns de leurs sens au fur et à mesure que nous avançons dans leur découverte.

Il aurait été logique, afin d’entamer cette chronique de commencer par le nom « Allah » lui-même. Cependant, en cette fin de première décade de Ramadan où la « Miséricorde »[2] divine se déverse sur nous à torrents et à flots, j’ai choisi d’entrer dans les Noms divins à travers Ar-Rahmân et Ar-Rahîm.

Ce sont tout d’abord deux des trois Noms que Dieu a choisis pour Se présenter à nous dans le Coran, chaque chapitre coranique étant introduit par la formule de la Basmalah « bismiLlahi Rahmâni Rahîm », hormis la sourate 9, Le repentir/At-Tawba, mais cette formule est insérée au cœur de la sourate 27 Les fourmis/An-Naml, au verset 30.

D’un point de vue linguistique, ces Noms proviennent d’une seule et même racine en langue arabe « r-a-h-m », qui signifie « utérus », « matrice ».

Arrêtons-nous un instant sur cette origine linguistique. L’utérus est le lieu, à échelle humaine, d’où va naître la vie. C’est cet organe, dans le corps de la maman, où va se tisser une relation d’une intimité prodigieuse, miraculeuse, entre une maman et son enfant, à tel point que deux corps vivent en un seul corps et ne font qu’un. Deux cœurs battent à l’unisson dans un seul et même corps. C’est aussi le lieu où va se créer un premier lien d’amour d’une intensité sans pareille. Avant même de le connaître, une maman va aimer son enfant, de manière instinctive et inconditionnelle et c’est en ce lieu que va naître cet amour si particulier, l’amour le plus pur, le plus beau et intense qui puisse exister entre deux êtres. C’est enfin là que cet enfant, qui n’est au départ qu’un embryon, rien d’autre qu’une « substance mâchée » –modghah[3], sans encore, ni cœur, ni âme, va se développer pour devenir un fœtus, puis un être d’une perfection inégalée.

L’utérus est donc le lieu terrestre où nous naissons à la vie, à l’Amour et où nous grandissons et nous accomplissons. Et c’est de cette racine, que Dieu a choisi de tirer les deux Noms au travers desquels Il Se présente à nous et Il nous décrit l’Amour qu’Il a pour nous, un amour ineffable, indescriptible et inimaginable pour nous, êtres humains, si ce n’est, à travers cette figure de l’amour maternel. Ces Noms que nous répétons quotidiennement et de manière répétée, dans nos prières et lorsque nous lisons Sa Parole. Gloire à Dieu Ar-Rahmân, Ar-Rahîm et loué soit-Il !

Le bébé dans l’utérus maternel naît à la vie, est protégé, nourri et aimé, il y puise sa force, son énergie et s’y développe harmonieusement, tout comme nous trouvons, auprès d’Ar-Rahmân, Ar-Rahîm, naissance à la Vie, Amour, protection, proximité, nourriture, force et énergie, accomplissement de soi et bien plus encore.

Comble de l’Honneur pour nous, femmes et mères ! Il a placé en notre sein cette faculté d’amour d’origine et de nature divines et nous a permis, de manière infinitésimale, de goûter, de ressentir, au plus profond de nous-mêmes, la saveur de cet Amour.

Cette analogie entre ces deux Noms divins et l’utérus, siège de la maternité, n’est pas sans rappeler une image à laquelle le Prophète –paix et bénédictions sur lui– a eu recours pour que l’on puisse se représenter la « Rahma » divine : celle d’une captive de guerre qui, ne trouvant plus son enfant, le cherchait désespérément. Lorsqu’elle le trouva enfin, elle le serra contre elle et lui donna son sein. Le Prophète – paix et bénédictions sur lui- demanda alors à ses compagnons présents : « Pensez-vous que cette femme puisse jeter son enfant dans le feu ? », ce à quoi ils répondirent qu’elle ne l’y jetterait assurément jamais, tant qu’elle aurait le pouvoir de l’éviter. Le Prophète – paix et bénédictions sur lui- leur annonça alors que Dieu, exalté, était encore infiniment plus miséricordieux envers Ses serviteurs que ne l’était cette maman envers son nourrisson.

 Ar-Rahman Ar-Rahim est donc Celui qui nous aime infiniment plus que nos propres mamans.

Quant à la mesure de cette « Rahma » que Dieu nous porte, elle va bien au-delà de ce que l’esprit humain peut concevoir et imaginer. Le récit prophétique qui suit nous en révèle l’étendue : « Dieu détient cent parts de Miséricorde. Il a fait descendre une part de cette Miséricorde qu’Il a répartie entre les génies, les humains, les bêtes, les reptiles et les insectes. C’est grâce à elle qu’ils font preuve d’affection et de miséricorde les uns envers les autres. C’est grâce à elle aussi que la bête sauvage éprouve de la compassion pour son petit. Dieu a toutefois réservé quatre-vingt-dix-neuf parts de cette Miséricorde, par lesquelles Il fera miséricorde à Ses serviteurs au Jour de la Résurrection. » Cette « rahma » que l’on peut ressentir les uns pour les autres, y compris celle qu’une maman ressent pour son enfant n’est donc qu’une part infinitésimale de la Rahma divine. Ar-Rahmân Ar-Rahîm est Celui qui déborde d’amour pour Ses créatures, qui a un amour infini pour chacune d’entre elles. Il est la source de tout Amour sur Terre.

L’observation attentive et la méditation des Noms divins associés dans le Coran à Ar-Rahmân Ar-Rahîm, nous offrent une vision plus claire de la manière dont Dieu, exalté, nous dépeint Sa Rahma. Ils sont ainsi le plus souvent associés à cinq Noms divins, qui nous en révèlent les différentes facettes.

  1. Al-Wadûd, qui vient de « al-wudd », l’affection, la tendresse, l’amour, tel que la plupart d’entre nous le conçoivent. Dieu exalté, a ainsi suscité entre les époux affection (mawaddah) et amour (rahma). Il est donc Celui qui nous couvre de Son affection et de Sa tendresse.
  • Al-‘Azîz : Celui qui détient le pouvoir, l’autorité. La figure des parents peut ici nous aider à mieux cerner ce Nom divin. Lorsqu’un enfant est encore jeune, ses parents prennent la plupart des décisions pour lui et ce, avec bienveillance et amour, en faisant les choix et en l’orientant vers ce qu’ils estiment être le meilleur pour lui. L’une des facettes de la « Rahma » de notre Seigneur, Lui qui est en charge de notre vie ici-bas, de notre mort et de notre vie dans l’au-delà, consiste ici à prendre les meilleures des décisions pour nous, à nous guider et nous éduquer, à travers Sa guidance, les épreuves, les succès, les échecs que nous traversons, par amour pour nous.
  • At-Tawwâb : Celui qui accueille et accepte le retour de Son serviteur. Lorsque notre enfant prend une mauvaise direction, quitte le foyer, s’éloigne et s’égare, l’une des facettes de l’amour est de toujours lui garder sa porte ouverte, celle du foyer, celle de son cœur. Ar-Rahmân Ar-Rahîm est Celui qui ne coupe jamais les ponts avec nous, même lorsqu’on s’éloigne de Lui et qu’on Lui tourne le dos. Il ne souhaite qu’une chose, qu’on Lui revienne et Il va mettre en œuvre tous les moyens possibles pour nous guider vers Lui et que nous Lui revenions.
  • Al-Ghafûr : Non seulement, Il accueille toujours notre retour, mais en plus, Il pardonne et efface les pires de nos fautes, pourvu que nous Lui demandions sincèrement pardon. Et lorsque Moïse -que la paix soit sur lui- a involontairement tué un homme et a ensuite imploré le pardon de Son Seigneur, Il lui a pardonné instantanément.
  • Ar-Ra’ûf : ce Nom évoque la compassion, celle que nous ressentons face à quelqu’un qui est éprouvé, démuni, affaibli, dans le besoin. Ar-Rahmân Ar-Rahîm est Celui qui est à nos côtés en toutes circonstances, dans l’aisance et la difficulté. Alors que nos semblables peuvent nous tourner le dos quand tout va mal et nous considérer comme un fardeau, Il est Celui qui nous aime de manière inconditionnelle et sera notre compagnon et notre soutien en tout lieu et à tout instant. « Son amour bienveillant embrasse nos épines, parties de notre être que nous pensions impossibles à enlacer. Sa grâce honore les parties de nous que personne n’applaudit. »[4]

Invoquons donc Ar-Rahmân Ar-Rahîm, comme Il nous enjoint de le faire au verset 110, du chapitre 17 (Le voyage nocturne /Al-Isra’) :

« Dis-leur : « Invoquez Dieu (Allah) ou invoquez Ar-Rahmân , par quelque Nom que vous L’invoquiez, Il a les Noms les plus beaux. »

Implorons-Le, de jour comme de nuit, de déverser sur nous, sur ceux que nous aimons et sur toute l’humanité, telle une pluie bienfaisante, Sa Rahma, cet Amour si pur, si beau, si vaste et infini, qu’Il « embrasse toute chose »[5] .

Je n’ai jusqu’à présent pas évoqué la différence qui existe entre ces deux Noms divins.

Concernant Ar-Rahmân, Il « rayonne sur l’ensemble de la création, sans distinction. (…) Il est comparable au ciel qui recouvre tout ce qui existe. »[6] Cette forme grammaticale particulière, dans la langue arabe, est une hyperbole, une exagération appuyée. Ainsi, si le mot « ghadhib » désigne quelqu’un qui est en colère, le terme « ghadhban » signifie en revanche que l’on est fou de rage. La forme Rahmân est donc une forme de Rahma extrême et infinie, qui dépasse l’entendement.

Si Son amour embrasse toute l’humanité, Il réserve toutefois un amour spécifique à ceux qui ouvrent leur cœur à Dieu et aspirent à recevoir la lumière de Son Amour, à ceux qui font le choix de L’aimer en retour, de se rapprocher de Lui. C’est ce qu’évoque Ar-Rahîm.

Il est manifeste qu’aucun terme ne peut retranscrire fidèlement, ni englober la multiplicité de sens de « Rahma », « Ar-Rahmân » et « Ar-Rahîm ». Le terme d’Amour est peut-être plus proche du sens de Rahma, que celui de Miséricorde. Maurice Gloton, quant à lui, propose « Le Tout-Rayonnant d’Amour » et « Le Très-Rayonnant d’Amour » comme traductions respectives d’ Ar-Rahmân et Ar-Rahîm.

Dieu est Amour « Rahma », Son messager n’a été « envoyé que comme « Rahma » pour l’univers »[7] et « Rahma » est l’un des noms attribués au Livre Saint. « Faites « miséricorde » à ceux qui se trouvent sur Terre, Celui qui est dans les Cieux vous fera Miséricorde en retour ». Voici le conseil qui nous est adressé par notre Prophète bien-aimé, que Dieu répande sur lui Sa grâce et Sa paix. Répandons cet amour, cette « rahma » autour de nous. N’en soyons pas avares, soyons des êtres rayonnants d’Amour et de Miséricorde, à l’image de notre Créateur, de Son bien-aimé Messager, paix et bénédictions sur lui, et de Son Livre.


[1] Cet article s’est essentiellement inspiré de deux sources : la vidéo « L’amour d’Allah : Rencontre avec Ar-Rahmân & Ar-Rahîm », de Walid Abdel Maksoud et l’ouvrage « Les secrets de l’amour divin », d’A. Helwa. Puisse Dieu les combler de Sa Miséricorde et de Son Amour.

[2] Nous verrons plus loin à quel point ce terme ne retranscrit que de manière extrêmement incomplète le terme de « rahma » et qu’il n’en est certainement pas d’ailleurs la meilleure traduction.

[3] Coran : sourate 23, Les croyants/Al-Mu’minûn, verset 14

[4] « Les secrets de l’amour divin », A. Helwa

[5] Coran : chapitre 7, Les murailles/Al-A’raf, verset 156

[6] « Les secrets de l’amour divin », A. Helwa

[7] Coran : chapitre 21, Les prophètes/Al ‘Anbiya’, verset 107

Un commentaire

  1. Assalam ´aleykoum

    Il est des articles qu’on lit et qui touche en plein cœur. Des articles qu’on lit et qui donne tant d’espoir. Des articles qu’on lit et qui bouleverse d’Amour.

    Cet article en fait partie. A quel point, sommes-nous loin de nous représenter l’amour que le Tout rayonnant d’Amour a pour nous ? A quel point parfois, nous pouvons oublier qu’Il est le plus bel Amour de notre vie ?

    Merci Aurélie d’avoir écrit cet article, merci à la personne qui t’a demandé de le faire, merci au site PSM pour la grande qualité des articles publiés.

    Qu’Allah azawajal, le Tout rayonnant d’Amour, nous accorde Son agrément, Sa bénédiction et Son vaste paradis.

    Amin

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