L’éthique islamique au service du dialogue et de la coopération : vers une rencontre authentique

L’éthique islamique peut-elle favoriser la rencontre et la collaboration entre individus de croyances, cultures et origines différentes ?
Permet-elle une reconnaissance mutuelle fondée sur des qualités humaines communes, au-delà des frontières réelles ou imaginaires qui cloisonnent les hommes ?
L’islam encourage-t-il l’ouverture et la solidarité avec ceux qui ne partagent ni sa foi ni sa vision du monde ? Ou, au contraire, induit-il une perception binaire du monde, opposant systématiquement le « nous » et le « eux », selon une logique sectaire et réductrice ?
Lorsque des dynamiques associatives musulmanes défendent une lecture profonde et contextualisée des textes islamiques, s’agit-il d’un vœu sincère d’engagement citoyen ou d’un simple alignement stratégique sur les valeurs de la modernité triomphante ?
Cette démarche repose-t-elle sur des fondements théologiques solides ou sur un opportunisme dicté par la position minoritaire des musulmans dans des sociétés séculières et parfois hostiles au religieux ?
L’ouverture : un acte de foi
Loin d’être une simple concession au politiquement correct, la reconnaissance de l’autre et l’engagement dans la société trouvent des fondements profonds dans l’islam. Le Coran et la Sunna enseignent une éthique de la cohabitation et du dialogue, appelant à une interaction fondée sur l’équité et la justice.
Le Prophète Mohammed (paix et salut sur lui) a incarné cet esprit d’ouverture tout au long de sa mission. Il a vécu parmi des concitoyens de confessions diverses, respecté les engagements pris avec eux et cherché à réaliser le bien commun sans renier ses principes. Il disait : « Toutes les créatures sont dépendantes de Dieu, et le plus aimé de Dieu est celui qui se montre le plus utile pour Ses créatures. » [1]
L’engagement du musulman dans la société ne saurait donc être perçu comme une soumission à une culture dominante, mais bien comme un acte de foi en accord avec l’éthique islamique.
Il s’agit d’agir en partenariat avec les bonnes volontés présentes dans la société, d’investir les espaces de solidarité et de promouvoir l’intérêt général.
Le risque de la vision binaire
Certains considèrent que toute participation à la vie publique ou reconnaissance de la diversité sociale est une compromission de l’islam et une trahison de ses principes. Cette lecture extrême oppose systématiquement l’islam au monde environnant, réduisant la réalité à une dichotomie simpliste : fidèles contre infidèles, pureté contre corruption.
Pourtant, le Coran nous rappelle que la diversité est une volonté divine : « Parmi Ses signes, la création des cieux et de la terre, et la variété de vos langues et de vos couleurs. Il y a en cela des signes pour ceux qui savent. » [2]
Dieu a voulu la pluralité dans Sa création et en a fait un signe à méditer. Il n’a pas créé une humanité uniforme, mais a instauré la différence comme un élément fondateur du monde.
La véritable foi ne consiste pas à nier cette diversité, mais à en faire un espace d’échange, de compréhension mutuelle et de co-construction.
Un engagement lucide et constructif
S’ouvrir à l’autre ne signifie pas renoncer à soi. Participer à la société ne signifie pas abandonner ses principes. La reconnaissance de l’autre ne conduit pas nécessairement à la dilution des identités. Au contraire, un engagement partenarial sincère et éclairé permet à chaque individu de témoigner de ses valeurs tout en construisant des ponts vers l’autre, au service du bien commun et de l’intérêt général.
Le musulman est appelé à rechercher le « bien » sous toutes ses formes et à s’engager aux côtés de ceux qui le défendent, quelle que soit leur appartenance. L’équité et la justice sont des principes immuables de l’éthique islamique : « Ne sous-évaluez pas ce qui appartient aux gens. » [3]
Vers un islam acteur du bien commun
Loin d’être une idéologie fermée et exclusive, l’islam, fidèle à ses sources, porte en lui un message universel d’équilibre et d’ouverture. Il ne s’agit pas de se fondre dans un moule préétabli, mais de participer activement à la construction d’un monde plus juste, plus solidaire et, in fine, plus fraternel.
Face aux lectures radicales qui s’enferment dans un rapport conflictuel avec l’altérité, et aux visions extérieures qui nient la complexité de la pensée islamique, il est essentiel d’affirmer un islam conscient de sa mission : être un vecteur de bien et un acteur du dialogue.
Loin des préjugés et des simplifications, il est temps de reconnaître que l’éthique islamique authentique réside dans l’engagement et la coopération, non dans le rejet ou l’exclusion.
[2] Coran, 30:22
[3] Coran, 6:152
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