Finance islamique, finance éthique. Quelles différences ?

C’est en Egypte, dans les années 60, qu’est née, sous sa forme moderne, la finance islamique. Elle est le fruit d’un effort de pensée commun à d’éminents doctes musulmans et chercheurs en économie.

Cet effort a permis la formalisation de principes islamiques ayant pour vocation de forger un cadre éclairé au regard d’un système financier capitaliste, basé sur la maximisation du profit et la pratique de l’intérêt comme source majeure de rémunération.

Il a fallu rappeler les interdits, encadrer les permissions, préciser les exceptions et permettre aux institutions bancaires et aux autres acteurs de l’époque de proposer des solutions, forts des outils pour le faire.

Depuis les années 60, la finance islamique a vu son panel d’offres se moderniser. On est passé de l’unique modèle de banque islamique comme seule alternative, à des produits plus variés tels que la gestion d’actifs, l’assurance, la micro finance, la structuration de produits.

Malgré ses nouvelles couleurs, la finance islamique est restée profondément attachée à ses grands principes :

1)  l’interdiction de l’intérêt comme source de rémunération

2)  Un partage équitable des risques entre prêteurs et emprunteurs,

3)  La licéité de l’objet de la transaction

4)  Enfin l’absence de toute forme de spéculation ou d’incertitude dans les termes du contrat qui lie les parties.

Pour situer finance islamique moderne, c’est vers l’énorme sphère de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) qu’il faut regarder; sphère qui pesait près de 169 trillions € en 2011[1] contre 1,1 trillion $ pour l’ensemble des actifs de la finance islamique[2], soit moins de 1% de l’Investissement Socialement Responsable.

Au-delà des chiffres, quels sont les points de convergence et de divergence entre ces deux finances ?

Les points de convergence

Le premier point de convergence portera sur l’existence de règles extra financières clairement définies et prenant la forme de :

·  critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG)

·  principes d’adhésion à des chartes internationales (droits de l’homme, lutte contre la corruption, droit du travail, etc.)

·  filtres sectoriels. Seront exclues toutes les opérations qui portent sur le tabac, l’alcool, les jeux d’argent, la pornographie, l’industrie agroalimentaire, le secteur financier (banque & assurance), l’armement ainsi que certaines activités ayant une retombée potentiellement néfaste sur l’environnement (nucléaire, OGM, etc.)

Le second point de convergence repose sur l’existence d’un organe de certification. Dans le cas de l’ISR, cette certification prendra la forme d’une revue annuelle réalisée par un organisme de certification ISR (L’Investissement Socialement Responsable). Les acteurs de la finance islamique s’appuieront, pour leur part, sur un« Shariah boards » pour la revue de la conformité des opérations au regard des principes de la Shariah.

Les points de divergences

Les divergences sont peu nombreuses mais importantes. Certains principes essentiels de la finance islamique tels que l’interdiction de l’intérêt sous quelque forme que ce soit, la prohibition du gharar (incertitude), du mayssir (spéculation), le nécessaire équilibre des termes du contrat entre les parties sont des spécificités peu usitées.

Enfin, la finance islamique appliquera, malgré l’existence des filtres sectoriels et financiers, des règles de purification des revenus visant à éliminer tout reliquat de revenus interdits ou douteux demeurés enfouis dans les comptes financiers de l’entreprise. Selon les cas, on allouera 5% des plus-values annuelles à des œuvres caritatives.

Que faut-il retenir de tout cela ?

Malgré l’essor fulgurant de la finance islamique, cette dernière ne pèse que très peu au regard de l’énorme industrie du socialement responsable. Au-delà des principes qui énoncent sans faille la nécessaire responsabilité de l’homme pour ses actes, il sera capital pour les acteurs de cette nouvelle finance, de mettre en place, de façon pratique, des éléments de mesure visant à quantifier la qualité de l’approche islamique en matière de droits de l’homme, de respect de l’environnement, de bonne gouvernance des entreprises, de lutte contre la corruption, etc.

Les défis les plus importants ne consisteront donc pas à réécrire des principes déjà existants mais à en expliciter les modalités d’application et de mesure dans un contexte ou la confiance envers les acteurs de la sphère financière est fortement entachée par des scandales liés à une tromperie sur la promesse commerciale.

Il s’agira d’être irréprochable, ferme sur les principes mais innovant dans la manière de les mettre en application.

 


[1] [The Hunt for Exclusive Growth : Asset Management in 2012 – McKinsey&Company.]

[2] [OIC Outlook Series – May 2012]

 

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