Plus de savoir ! Plus de pratique ?

Dans notre société de consommation, tout semble constituer une fenêtre ouverte pour consommer davantage. La surconsommation, par définition, indique une consommation excédant les besoins réels de l’individu. De la nourriture, des vêtements, de l’argent jusqu’aux réseaux sociaux, le mot d’ordre est seulement (encore et toujours plus) de consommer pour vivre. Nous le voyons depuis plusieurs années déjà, et de nombreuses recherches ont été effectuées sur le sujet : la société nous pousse toujours à consommer davantage. De nos jours, nous retrouvons un autre canal de consommation : le savoir.

Un savoir sans fin

Le savoir ne peut en réalité se consommer de la même façon, car sans sa mise en pratique, il se voit dépouiller de son sens. Les réseaux sociaux ont fait émerger une nouvelle forme d’esthétisme qui tend à enrober le savoir : des bibliothèques sans fin, qui croulent sous le poids des livres, des bureaux et bien d’autres nous sont présentés en permanence.

Nous partageons de plus en plus de savoirs, de livres, de cours et de connaissances. Mais intégrons-nous réellement ce que nous apprenons ? Qu’est-ce que le savoir sans la pratique ?

Il est de plus en plus commun de lire sans comprendre, d’acheter sans lire et d’apprendre sans déposer le sens sur ce que nous ingérons. Nous nous retrouvons avec de véritables paradoxes humains ; des personnes qui se hâtent de partager du savoir sans fin, mais qui n’ont pas intégré ces connaissances sur le plan personnel. Nous nous demandons alors quelle est l’utilité d’apprendre si ce n’est pour mettre du sens dans notre quotidien ? Si ce n’est pour rendre ce sens projeté, intrinsèque à ce qui nous est de plus personnel ?

Dans les temps anciens, le savoir ne se consommait pas mais permettait d’évoluer et il n’y avait nulle continuité dans l’apprentissage avant d’être arrivé à un certain stade de comportement.

L’important est de mettre du sens dans notre quotidien et telle peut être l’une des clés de lecture. Il est d’ailleurs recommandé de lire un livre plusieurs fois avant que ne soient réellement intégrés nos connaissances et savoirs.

Comme Abbas al-Akkad, écrivain et philosophe, dit : « Bien lire un livre trois fois t’est plus utile que de lire trois nouveaux livres ».

Au-delà des romans de fiction, les livres et écrits qui tendent à modeler et perfectionner notre comportement doivent être lus d’une façon à se retranscrire dans notre vie et notre quotidien. Les connaissances acquises doivent avoir pour but de se matérialiser et de contribuer à illuminer ce qui nous entoure.

Nous aimons penser qu’il faut progresser vite mais là est le réel problème. Tout d’abord, la notion de temps est à redéfinir dans notre quotidien et nous devons veiller à nous réconcilier avec cette dernière. Nous voulons tout, et cela sans tarder, de la même façon qu’un enfant souhaiterait obtenir ce qu’il désire à l’instant même. Bien que l’émerveillement et la magie de l’enfance soient à préserver dans notre quotidien, nous devons nous défaire de ce besoin d’obtenir tout instantanément.

Une véritable évolution s’établit sur la durée, et demande de la patience avant de se déployer. Nous avons énormément de mal à nous défaire de cette envie de consommer vite et rapidement.

Lorsque nous souffrons, par exemple, nous voulons que cette souffrance (il n’est pas question ici de souffrance relevant d’un trouble névrotique) parte tout de suite ; mais n’est-ce pas là le but réel de notre vie ? Non de souffrir mais de connaître l’instabilité, étant donné que la caractéristique du Jardin éternel est, par définition, la stabilité éternelle en toute chose.

Cette quête de savoir prend un sens totalement différent et démesuré lorsqu’il s’agit de la connaissance spirituelle. Intégrer le plus de notions possibles, multiplier le nombre de cours que l’on peut avoir afin d’obtenir plus de savoir, peut parfois mener à une perte de qualité.

La quête du savoir spirituel

Nous pouvons conceptualiser le concept appartenant à Dieu At Tadarruj. Cela signifie le gradualisme ; on le retrouve notamment dans le domaine de la géologie, postulant que tout grand changement – Grand Canyon par exemple- est dû à des processus lents et continus. Le concept d’at tadarruj se rapproche de cela, il y a notamment le fait que Dieuen créant les cieux et la terre en un nombre déterminé, tandis qu’Il possède la Toute-Puissance, nous montre que toute chose doit être faite graduellement afin que le résultat soit constant.

Tout changement ne peut se produire rapidement. Nous pouvons aussi citer comme exemple le Prophète, paix et salut sur lui, qui a dû passer 13 ans à la Mecque en instaurant l’un des principes les plus importants de la foi : l’unicité. Ce changement, dans la vie des Mecquois, n’étant pas la bienvenue, a dû se faire de manière lente afin qu’elle soit stable tout comme l’interdiction graduelle de la consommation d’alcool.

C’est aussi la raison pour laquelle la révélation a duré une vingtaine d’années. Si la révélation a mis deux décennies à s’effectuer, comment pouvons-nous prétendre acquérir une spiritualité complète en quelques mois ?

A l’instar de ces exemples, bien que le meilleur exemple appartienne à Dieu, nous devons instaurer ce concept dans notre quotidien et ainsi démocratiser le fait de travailler sur un comportement pendant des mois si ce n’est des années pour ensuite y aller graduellement.

Il est important d’intégrer le sens à ce savoir. Qu’ai-je appris, cela m’a-t-il rapproché du Divin, cela a-t-il fait évoluer mon comportement ? En somme, mon comportement a-t-il changé depuis le début de ma quête de savoir ?

Si notre comportement ne change pas, quelle est l’utilité d’apprendre si ce n’est pour répondre à un certain besoin de consommer pour diminuer la culpabilité que l’on peut posséder ?

Il est bien plus important d’apprendre ne serait-ce qu’une chose minime et de la mettre en pratique jusqu’à ce qu’elle soit pleinement intégrée dans notre quotidien, avant de passer à autre chose.

Il y a ainsi une équation assez parlante : la spiritualité = la science + le comportement. Sans science, nous ne pouvons faire évoluer notre spiritualité et cela se reflète de la même façon dans notre comportement. Sans un noble comportement, la spiritualité n’est pas complète. Pour qu’elle soit complète, nous avons besoin d’acquérir du savoir et de le mettre en place dans notre quotidien

De ce fait, si la science sans comportement équivaut à une spiritualité non complète, alors il est de notre devoir d’intégrer toute science qui nous effleure pour la traduire en comportement.

Le présent article a pour but de motiver toute âme à ré-intégrer la notion de temps, à apprendre à se connaître afin de comprendre les limites de soi et donc d’acquérir la science avec pour but de mettre du sens à ce que l’on apprend.

Mettre du sens dans nos savoirs

Mettre du sens sur ce que nous lisons et ce que nous intégrons, c’est prendre le temps de laisser une connaissance se déposer sur notre âme et se traduire à travers notre comportement.

Nous devons intégrer ce que nous lisons et apprenons, nous ne devons faire plus qu’un avec notre science. Cela équivaut à apprendre un verset du Coran, à le comprendre et à prendre le temps qu’il faut pour que celui-ci se réfléchisse en nous pour se traduire à travers notre comportement, notre façon d’être et de penser.

En allant plus loin, nous pouvons même constater que nous avons du mal à mettre du sens sur un grand nombre d’activités de nos jours. Comment utilisons-nous notre temps et pourquoi ? Quel est notre usage des réseaux sociaux ? Mettons-nous du sens dans ce que nous partageons ? Dans ce que nous regardons ?

Y mettre du sens peut passer seulement par le fait que cette activité nous accorde un certain bien-être et fait du sens dans notre cheminement de vie. Je ne proclame pas qu’il faille absolument changer tout notre quotidien pour mettre du sens sur toutes les activités qui nous entourent mais l’un de nos objectifs est de tendre vers cela avec de simples efforts, aussi minimes soient-ils.

La bienveillance, clé de l’évolution

Il est de notre devoir de nous tourner le plus possible vers ce qui nous semble être l’excellence, selon nos limites et nos exigences. Il ne s’agit pas d’atteindre l’excellence au sens divin ni de l’atteindre selon ce que les normes sociales proclament. Cependant, il est de notre capacité de nous fixer des objectifs atteignables et réalisables durant une vie, en mettant la bienveillance au centre de tout cela.

La surconsommation du savoir relève d’un problème plus profond et est fortement liée à ce que l’on peut appeler la dépendance aux réseaux sociaux. Nous avons l’habitude de vivre dans la “fastlife” : tout doit aller vite, on marche vite, on consomme vite et nos réseaux sociaux sont aussi empreints de cela. Nous consommons des vidéos, des séries et Instagram est la réalisation de cela : des petits points partageant et résumant toute une journée, on dévore cela et on se nourrit de notre curiosité. Et si nos neurones sont habitués à cette recherche redondante de dopamine produite par le “scrolling”, il faut comprendre que cela nuit à notre silence intérieur et donc notre apaisement.

Nous sommes dans le “Toujours plus”. Nous voulons toujours en savoir plus et en apprendre plus sans pour autant avoir intégré ce que nous possédons déjà.

En intégrant la notion de temps et donc, de ce fait la notion de sens, nous allons tendre un peu plus vers le concept d’apaisement. Nous aurons moins de pression de l’extérieur et de nous-mêmes, nous allons comprendre que chacun a ses objectifs, ses limites, et sa façon d’apprendre et d’intégrer. Ce n’est pas parce que les personnes que nous suivons lisent autant de livres que nous devons le faire ou parce que ces mêmes personnes multiplient les cours de spiritualité que nous serons à même d’effectuer cela tout en améliorant notre comportement.

La raison, constituée de notre intellect « aql » et donc de nos savoirs, se situe avant l’acte. Elle permet de mettre en place ce dernier. Ils sont donc corrélés et l’un ne va pas sans l’autre, le corps est ainsi un outil nous permettant de nous rapprocher de l’amour divin.

Et si Marguerite Duras (femme de lettres, dramaturge) conclut qu’il n’y avait plus personne pour lire, nous pouvons interpréter cela dans le sens où il n’y a plus personne pour vivre la lecture. Nous lisons en pilote automatique tout en étant noyé dans le savoir et dans l’information sans prendre le temps de faire une pause et de vivre ce que nous lisons.

Source : Mizane.info

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