Témoignage d’une mère divorcée

8h30 ! Un matin d’hiver, il fait froid, la journée est ensoleillée, en tout cas elle commence illuminée, je me dépêche, dépose mon fils à l’école et cours pour ne pas être en retard, je pense même avoir un peu d’avance, je me rendrais compte plus tard que non …

J’arrive rue de la mairie et là, je vois le long du trottoir une file de quelques personnes qui attendent déjà ! A mon grand regret je ne suis pas la première, je m’aligne et attends patiemment que la porte s’ouvre. J’y vais et attends gentiment, j’esquisse quelques sourires alors qu’en réalité, j’ai envie de pleurer. La boule au ventre, je me dis qu’il faut que je reste, que je patiente et que je tienne le coup, qu’ il n’y a rien de monstrueux après tout, tout passe.

9h : la porte s’ouvre et visiblement je n’ai autour de moi que des habitués, il règne une ambiance de désespoir social, je m’assieds et attends patiemment que l’on m’appelle. Les gens autour de moi remplissent des feuilles et ont l’air de connaître parfaitement le système. Une secrétaire arrive et distribue des numéros en fonction de l’ordre d’arrivée, précise que les feuilles roses sont pour les bons alimentaires et les vertes pour les demandes de logement. J’avoue que j’ai hésité un moment avant de choisir, du coup j’ai pris les deux, je ne savais plus réfléchir.

Les minutes passent, je remplis les deux feuilles, je lève la tête et vois une affiche sur laquelle est indiqué : « petite vous rêviez sûrement d’un prince charmant pas d’un homme qui vous frappe le soir en rentrant » illustrée d’une Belle au Bois Dormant se faisant étrangler par son prince. Les larmes me montent, ma gorge se serre et là je m’en veux clairement de me retrouver ici, soudainement je me rends compte que j’avais connu des situations amères mais que celle-ci était alors la plus amère de toutes. Je suis venue ici faire la mendicité, parce que le quotidien est lourd, que mon passé me suit et que je dois sortir la tête de l’eau. A ce moment-là, je n’ai pas saisi l’importance de cette bouée qu’était cette assistante sociale, je suis encore dans l’émotion, dans la victimisation, j’ai la rage et je veux m’en sortir.

Alors je vois flou, je me demande ce que je fais là et je ne comprends pas pourquoi moi ! Je n’avais rien à voir avec ces gens que je considérais à l’époque comme de vulgaires cas sociaux, moi qui avais travaillé, moi qui avais étudié, moi qui avais absolument voulu m’en sortir, je me retrouvais aujourd’hui face à des agents administratifs qui n’avaient même pas un regard de compassion pour moi ! Bref, il fallait se forger et se blinder…

Les heures passent et j’observe, je pense, je réfléchis et je me retiens pour ne pas fondre en larmes, en me remémorant mon parcours. Je suis appelée, la porte s’ouvre et je vois une femme qui m’accueille avec un grand sourire agréable, douce et compatissante, je lui explique le pourquoi du comment et elle pose sa main sur mon épaule. Elle m’a touchée, dans tous les sens du terme ! Pour la première fois, je me trouve face à un être humain qui comprend ce que je ressens, ce que je vis, et pourquoi je suis là. J’ai besoin que l’on m’aide pour m’en sortir parce que je ne peux le faire seule et elle, elle est là….

Pour la énième fois, j’ai raconté la violence, la peur, les larmes et la détresse que je ne pensais jamais ressentir de ma vie et malgré tout il faut rester debout, debout pour lui, pour mon fils afin que rien ne lui manque, pas même le sourire de sa maman.

Elle ! Elle l’a compris et ça m’a donné un nouveau souffle pour avancer, un souffle que je n’espérais plus. J’enchaîne les visites, les rendez-vous, les demandes de bons alimentaires, je ravale ma fierté et je me concentre sur l’essentiel : mon enfant.

J’avance, étape par étape ! Je reconstruis, pierre par pierre, je façonne, j’organise, minimise et avance, tant bien que mal et je n’attends plus rien de personne. Je me renseigne et deviens une pro des brocantes, du bon coin, du troc et des bons plans commerciaux, je refais seule ce que l’on aurait dû faire à deux.

A partir de là, tout devait se faire seule, coûte que coûte, ne jamais faillir et ne jamais faiblir !

Toute mon énergie s’est retrouvée entièrement dévouée à ma reconstruction matérielle au détriment, malgré moi, de ma reconstruction émotionnelle, psychologique, psychique et sentimentale….piouuu !! Que dis-je ? Il fallait simplement que je construise et non que je reconstruise…c’était essentiel, le temps me dira encore une fois ce que je ne connaissais pas…

Au fil du temps, je me retrouve dans des associations, des groupes de femmes, seules ou non… Je n’y trouvais pas toujours ma place mais je devais me faire une place indispensable pour revivre « une vie normale ». Ma situation « conjugale » me revenait souvent à la figure, les interrogations des uns et des autres ayant un regard de pitié comme si j’étais touchée d’une maladie incurable m’agaçaient plus que tout, mais il fallait passer outre.

Les devoirs financiers, administratifs, les rendez-vous aux services sociaux, les attentes interminables du JAF devenaient mon quotidien, mes cv qui m’étaient retournés encore et encore. Et encore aujourd’hui, je compte les centimes, mais aujourd’hui ça n’est pas le plus important. Le plus important, c’est que cette expérience est ma vie et que j’ai réalisé qu’elle était un apprentissage.

La vie est une leçon, à chacun d’en tirer le meilleur, de ne garder que l’essentiel, il faut ruser, chercher, évoluer, avancer. Le manque de matériel pousse à chercher et à scruter d’autres ressources pour arriver à l’épanouissement personnel.

Le prophète, paix et salut sur lui, a dit : ” La chose la plus détestée par Dieu” mais qui est permise est le divorce” (1)…. Aujourd’hui je sais pourquoi, lorsque je me suis retrouvée seule je ne l’avais pas compris, il est la chose la plus détestée car ses conséquences sont innombrables, tant pour la femme, pour l’homme, que pour les enfants. On se retrouve devant des difficultés qui n’existent pas lorsque l’on est deux, des problèmes jusqu’alors inconnus qu’il faut régler en trouvant encore et encore de nouvelles ressources au plus profond de soi et ne jamais faillir même si je ne suis qu’un simple être humain…

L’histoire me dira plus tard que cette aventure était là pour m’apprendre l’humilité, pas que je ne savais pas être humble ou modeste mais je me pensais en sécurité, à l’abri et désormais je fais partie des cas sociaux. J’en suis une sans doute aux yeux de la société mais peu importe, ce que je sais c’est que rien n’est éternel si ce n’est Dieu. Que tout passe, qu’aucune situation n’est définitive, et aujourd’hui encore : je cours, je « galère » … La vie est une épreuve.

(1) Rapporté par Abû Dâwoud, Ibn Mâdja authentifié par Al-Hakim

10 commentaires

  1. Ce témoignage est le mien et me suis retrouvée à travers ses lignes émouvantes et poignantes. Mais tout à fait vraies. C’est paradoxal, En le lisant çà m’a fait du bien et m’a aidé à me relever avec tous ces termes, je culpabilise moins.

  2. Merci ça me mets du baume au coeur, nos histoires sont singulières et nos émotions tellement communes …

  3. Salam, un témoignage assez fort, en effet. Comme je le dis souvent, le divorce est difficile, c’est une épreuve mais c’est vraiment une école. Après des années, quelques blessures peuvent rester mais on apprend tellement d’une telle expérience, sur soi et sur ceux qui sont autour de nous, que ça vaut “presque” la peine de l’avoir vécue, en tout cas de mon point de vue et selon mon vécu.
    Tu as beaucoup de mérite, surtout qu’un enfant est là, donc courage à toi, l’avenir sera sûrement meilleur et ta vie de femme en sera plus que rose!

  4. Salam, je te réponds avec en larmes car tu m’as beaucoup touché et je suis passé par tout sa je te comprends mais je n’arrive pas à avancer. Mon histoire est très compliqué et peut être suis Je faible ? Ou bête mais je me suis sacrifié pour mes enfants en espère que sa marcherais alors j’ai annulé mon divorce et aujourd’hui je suis dans l’impasse. Rien ni personne ne peut m’aider si ce n’est dieu. Tu as du courage et une force que je respecte. Tout ira pour le mieux une fois dans le train sa roule tu avance mais si tu as le malheur de descendre et revenir comme moi ce sera plus difficile de remonter. Je te souhaite beaucoup de courage et de bonheur à toi et ton fils. Que dieu nous protège ainsi que nos enfants

  5. Salam aleykoum lala,

    Tu n’es ni bête ni faible, tu fais ce que tu peux comme tu le peux! Dieu a décidé que tu restes avec ton époux pour vos enfants et on ne sait la sagesse qu’il y a derrière!

    Peut-être que ce qui te semble être un mal est un bien comme nous le dit Allah azawajal dans le Coran!

    Je suis passée par un divorce sans avoir d’enfants et peut-être que si j’en avais eu je serai restée wallah a3lam!

    Tu es forte et courageuse! Pour divorcer, il faut un grand courage mais pour rester il faut peut être un courage tout aussi grand!

    Que Dieu le Très-Haut t’assiste et t’accorde sérénité et paix dans ton foyer!

    Amine

  6. As salam aleykum wa ramatullahi wa barakatu, je me permets d’écrire juste peut être pour apaiser mon coeur et aussi vous dire que pour la plupart d’entre nous le couple est une épreuve difficile et que homme et femme avons beaucoup de mal à se comprendre.
    Mes soeurs qu’Allah vous Facilite et vous Récompense par l’entrée au Paradis.
    Je suis conscient de votre rôle en tant épouse et surtout mère.
    Je me rends compte que des femmes vivent des situations critiques avec leur époux (tromperie, maltraitance physique, homme qui ne remplit ses devoirs sur la subsistance envers sa famille etc).
    Je suis à des milliers d’années de certaines situations critiques mais j’arrive à avoir des pbs dans mon couple, où je suis complètement perdu je ne sais pas comment faire pour satisfaire mon épouse.
    qu’Allah nous aide et nous facilite dans nos epreuves.

    1. Bismi Llah arahmen arahim : si tu veux satisfaire ta femme, il faut commencer par l’écouter et prendre des notes pour lire et relire. Bien souvent les femmes provoquent des crises dans leur couple dans le but unique de “prendre la température ” çà veut dire vérifier que son mari tient toujours à elle. Le mari doit toujours répondre par des mots et des gestes tendres, les femmes ont besoin d’entendre des mots gentils et des gestes affectifs de la part de leur mari. Noter ce qu’elle veut, analysez et surtout dialoguer en paix et c comme çà que l’on évolue ensemble…..

  7. Que Dieu vous Aide cher frère. Lui avez vous demandé ce qu’elle vous reprochait avec ses mots à elle et avez vous essayé de le traduire avec vos mots à vous ? Si tel est le cas, trouvez-vous ses complaintes legitimes? Si non, avez-vous tenté de lui expliquer pourquoi ? Si oui et que demeurre l’incompréhension, avez vous envisage de consulter “ensemble” un thérapeute spécialisé ? Arrivez-vous à identifier ce qui peut bien s’imiscer entre vous ? Si oui, ces éléments occupent ils légitimement leur place actuelle? Rien n’est exhaustif dans les questions que je pose ici, j’essaie simplement de proposer certaines pistes de réflexion puissent elles vous être quelque peu utiles. Que Dieu vous Aide et vous fortifie ! Courage !

  8. Je ne suis pas spécialiste en la matière mais je poursuis mes propositions. Comment vous représentez vous le mariage, chacun d’entre vous? Vous représentez vous le mariage “idéal” de façon identique ? Cet idéal est il envisageable raisonnablement et est-il réaliste? Si les représentations du mariage “idéal” divergent sur certains points entre vous, sur quoi celles-ci convergent elles? Il n’y a qu’à partir de ces points de convergence que vous pourrez construire, si Dieu Veut, du possible commun. Concentrez vous la-dessus. Dieu Sait Mieux. Courage! Un mariage qui vit est un mariage qui est amené parfois à évoluer. Dieu Sait Mieux.

    1. Il n’y a pas que les femmes qui ont besoin de reconnaissance affective, certains hommes aussi même si le sujet reste parfois tabou. Nous ne sommes pas si différents de ce point de vue là. Dieu Sait Mieux.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page