La centralité de l’être humain dans la pensée de Abdessalam Yassine

Dans la pensée du Professeur Abdessalam Yassine, un principe fondamental s’impose : l’être humain occupe la place centrale dans tout projet de transformation véritable. L’héritage spirituel et intellectuel dont il est question n’est pas destiné à un groupe particulier ni à une communauté restreinte ; il s’agit d’un patrimoine universel, un bien commun offert à toute l’humanité.

Pourtant, ce constat premier s’accompagne d’une contradiction profonde qui marque notre époque : jamais les sociétés modernes n’ont autant parlé de l’Homme et de ses droits, et jamais l’être humain n’a semblé aussi perdu, vulnérable et meurtri. Cette tension constitue le point de départ d’une analyse critique qui interroge l’état du monde et appelle à une refondation du regard porté sur l’homme.

Une contradiction flagrante : un discours exalté, une souffrance accrue

L’époque contemporaine déborde de discours : déclarations internationales, chartes des droits, célébrations de la dignité humaine, slogans politiques et institutionnels. Pourtant, la souffrance humaine est omniprésente.

Elle se manifeste de manière visible : guerres, violences, injustices, exploitation, oppression politique. Mais elle se manifeste aussi de manière invisible dans les profondeurs de l’âme : vide intérieur, perte de sens, anxiété, dépression, épuisement existentiel.

Loin d’être un accident, cette situation découle d’un phénomène structurel : les dispositifs censés protéger l’Homme sont dépassés par des dynamiques puissantes qui façonnent le monde, orientent les décisions et influencent les consciences. Ces dynamiques sont souvent dirigées par des minorités capables d’imposer leur volonté à la majorité, comme l’histoire l’a si souvent montré.

Un monde sans valeur transcendante : la racine de la crise

Si ces forces dominent, c’est parce que nos sociétés ne reposent plus sur une valeur suprême capable d’orienter le sens collectif.

On parle beaucoup de démocratie, de liberté, de droits humains, mais ces concepts deviennent souvent des enveloppes séduisantes utilisées pour justifier des réalités moralement inacceptables.

La civilisation moderne traite l’homme à travers une vision réductrice : tantôt simple produit culturel ou économique ; tantôt consommateur ; tantôt corps à gérer ; tantôt outil au service des systèmes politiques et économiques.

Ce regard tronqué dépossède l’être humain de ses dimensions profondes, de sa noblesse originelle et de sa vocation spirituelle.

Le regard de la Révélation (wahy) : restaurer la définition véritable de l’Homme

Pour le Professeur Abdessalam Yassine, la confusion contemporaine naît d’un oubli majeur : l’être humain ne se définit pas à partir des idéologies, mais à partir de la Révélation.

Selon le regard divin : l’Homme est honoré par Dieu, instruit par Dieu, accompagné par Dieu depuis son apparition sur terre.

Cette dignité originelle interdit absolument toute forme d’asservissement ou de dégradation : nul ne peut posséder l’homme, l’humilier, ou lui retirer sa valeur de vicaire sur terre (khalîfa).

C’est pourquoi les systèmes forgés exclusivement par la raison humaine finissent, tôt ou tard, par altérer le sens de l’homme lorsqu’ils sont coupés de la lumière de la révélation (wahy).

La responsabilité humaine dans le changement

Le projet de transformation ne peut commencer sans un retour de l’homme vers lui-même.
La parole divine est claire : « Dieu ne change rien à l’état d’un peuple tant qu’ils ne changent pas ce qui est en eux-mêmes » [1]

Ainsi, la première tâche de l’Homme est d’assumer sa responsabilité devant Dieu et devant lui-même : rechercher son origine et son sens, affirmer sa dignité, refuser les conditions humiliantes qui défigurent sa nature.

S’il accepte passivement le cadre imposé par les forces dominantes, il entre dans la lutte désarmée, car il ne défend pas la véritable image de l’Homme.

La liberté comme enjeu spirituel et civilisationnel

Parmi les concepts les plus dévoyés aujourd’hui figure celui de liberté.
De quelle liberté parle-t-on ?

Liberté libérale ? Marxiste ? Liberté de consommer ? Liberté du corps ?

Les révolutions modernes ont imposé l’idée que la liberté est un produit du système politique, comme une faveur accordée par un État. Or, selon Abdessalam Yassine, cette conception est profondément erronée.

La liberté véritable est : une disposition innée, une grâce divine, un élément de l’innéité humaine (fitra).

Elle n’est pas une concession que l’on octroie, mais un droit que Dieu a inscrit dans la nature humaine. C’est le sens des paroles de ʿUmar ibn al-Khattâb, que Dieu l’agrée : « Depuis quand asservissez-vous des hommes que leurs mères ont enfantés libres ? »

Mais dans le monde contemporain, les libertés mises en avant servent souvent des logiques économiques ou idéologiques : la liberté de consommer nourrit le capitalisme global ; la liberté sexuelle engendre violences, exploitation, destruction des liens familiaux et fragilisation de l’enfance.

Ces libertés ne libèrent pas l’être humain : elles l’attachent à des désirs fabriqués, l’enferment dans l’hédonisme, ou l’exposent à des formes subtiles de domination.

Face à cela, le « Minhaj Nabawi » ne propose pas une liberté sans limites, mais une liberté responsable, fondée sur la maîtrise de soi, le courage moral et la lutte contre les forces qui aliènent l’homme : désir, ignorance, oppression, injustice.

C’est une liberté orientée vers la construction d’un être humain équilibré, digne, relié à son Créateur et solidaire de l’humanité.

Vers une renaissance humaine fondée sur la Révélation

Ainsi, des concepts tels que liberté, justice, bonheur, dignité ou fraternité ne sont pas, dans la pensée de Abdessalam Yassine, des slogans modernistes destinés à embellir un système défaillant.

Ils sont les piliers d’un projet humaniste et transcendant, un projet qui vise à redonner à l’homme sa vraie place : celle d’un être honoré, responsable, libre, et porteur d’une vocation spirituelle qui éclaire et ordonne toute la vie sociale.

[1] Coran : Sourate Ar-Ra‘d (13:11)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Bouton retour en haut de la page