Une journée ordinaire devenue un rappel extraordinaire

Un cessez-le-feu vient d’être annoncé à Gaza. Si cette annonce suscite un espoir sincère, nul ne peut encore dire quelles en seront les répercussions réelles sur le terrain. Ce texte, écrit avant cette accalmie fragile, ne parle pas seulement d’un moment de mobilisation, mais d’un rappel plus profond : celui de la responsabilité morale, spirituelle et de justice que chacun porte, en temps de guerre comme en temps de trêve.

Samedi dernier, ma journée a commencé comme beaucoup d’autres : sans plan précis, mais avec la ferme intention de bien la remplir.

Mon épouse avait une rencontre au centre-ville de Montréal, dans la mosquée de Bel-Agir. Elle m’a proposé de l’y accompagner et, par la même occasion, d’assister à une manifestation pour la Palestine.

Curieux, je vérifie sur les réseaux sociaux. Rien ce jour-là : la prochaine manifestation était annoncée pour le mardi 7 octobre à 19 h, en commémoration de l’intifada de Tofane Al-Aqsa.
Je lui dis donc que je resterai à la maison : pas de raison de me déplacer s’il n’y a rien.

Une surprise en milieu de journée

Vers 14 h, je reçois un message :

« Il y a bel et bien une manifestation à la Place des Arts ! »

Ni une ni deux, je fais mes ablutions, je prie, je m’habille, et, grâce à un frère qui m’avait gentiment laissé sa voiture — que Dieu le récompense — je fonce jusqu’au REM.

Le keffieh palestinien autour du cou, je prends la direction de Bonaventure, puis marche jusqu’à la Place des Arts. En chemin, je croise des visages familiers, des drapeaux palestiniens, des keffiehs flottant au vent. Le cœur se réchauffe : nous étions nombreux à converger vers le même but.

Je craignais pourtant une faible affluence. Quelle erreur !

Devant moi, une marée humaine : des milliers de personnes de toutes origines, de toutes confessions, unies par une même cause. Les slogans fusaient :

« Palestine vivra, Palestine vaincra ! »

 « Nous sommes tous les enfants de Gaza ! »

« Free Palestine ! »

Les voix s’unissaient, les tambours résonnaient, les pancartes se levaient comme un océan de conscience.
Une émotion profonde m’envahit — un mélange de fierté, de tristesse et d’espoir.

La marche et la fatigue

La manifestation s’ébranle. Nous marchons ensemble, encadrés par la police.

Les passants klaxonnent, lèvent les doigts en signe de victoire ou crient à travers leurs vitres :

« Vive la Palestine ! »

Après deux heures, la fatigue commence à se faire sentir. Mes mollets tirent, mes pieds brûlent. Moi qui passe mes journées derrière un bureau, je ressens le poids de la marche.

Je pense à rentrer.

Mais soudain, j’aperçois une dame âgée, une habituée des rassemblements. Toujours là, toujours debout, toujours à scander les slogans avec ferveur.

Je me dis : « Comment puis-je m’arrêter alors qu’elle, avec son âge, continue ? »

Je repense à ceux qui risquent leur vie, aux familles de Gaza, à la résilience d’un peuple qui refuse d’abandonner.

Alors je me redresse, resserre mon keffieh et poursuis ma marche.

Un moment d’introspection

À mesure que la foule avançait, mes pensées vagabondaient.

Combien de fois ai-je manqué une manifestation pour une excuse ? Une fatigue, une contrainte, une priorité dite “familiale” ou “personnelle”…

Mais qu’est-ce qu’une priorité, quand il s’agit de justice ?

Je me suis demandé : « Et si Dieu ne m’avait pas permis d’y participer auparavant, parce qu’il y avait quelque chose à corriger en moi ? »

Cette idée m’a traversé l’esprit tout le week-end.

J’ai repensé à ces milliers d’êtres humains, à travers le monde, qui manifestent, qui s’élèvent, qui se mobilisent — pendant que d’autres, moi le premier, hésitent parfois à faire ce pas si simple.

Assister à une manifestation n’est pas un exploit. C’est le minimum du minimum.
Et pourtant, ce jour-là, j’ai ressenti que même ce petit pas, s’il est fait avec sincérité, peut peser lourd dans la balance de nos intentions.

Un appel à la conscience

Cette journée, que je croyais ordinaire, s’est transformée en rappel spirituel.
Un rappel que la Palestine n’est pas qu’un nom, mais une épreuve pour nos consciences.
Un rappel que la foi ne se limite pas à la prière ou aux mots, mais se manifeste aussi dans la solidarité et la constance.

Un rappel que l’inaction est parfois une forme de consentement, et que chaque pas, chaque slogan, chaque présence compte.

Que Dieu accepte nos œuvres, qu’Il nous pardonne nos manquements, qu’Il accorde Sa victoire et Sa miséricorde à nos frères et sœurs opprimés.

Qu’Il fasse de nos cœurs des lampes allumées par la justice, la compassion et la constance

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Bouton retour en haut de la page