Jean-Luc Mélenchon. À Gaza, «ce n’est pas de la légitime défense mais un génocide»

Cible de nombreuses critiques depuis des semaines, l’ancien candidat à la présidence de la République répond aux questions d’Orient XXI. Il explique pourquoi les fractures deviennent béantes entre l’Occident et le reste du monde sur le « deux poids deux mesures » en œuvre dans le soutien à Israël. Jean-Luc Mélenchon dénonce la polémique sur l’un de ses tweets et réfute sa mise en cause pour antisémitisme. Au-delà, il dresse un éloge du non-alignement comme « morale pour l’action politique ».

Orient XXI. — Tenir bon, c’est l’une de vos formules favorites en politique. Comment « tenir bon » pour un Gazaoui aujourd’hui, compte tenu de l’ampleur et de la répétition des destructions, depuis maintenant plusieurs semaines ? Compte tenu aussi de l’abandon des Gazaouis par la communauté internationale depuis des décennies.

Jean-Luc Mélenchon. — Je suis depuis longtemps marqué par le caractère abominable de la situation à Gaza. C’est pour moi un choc moral absolu. Plus de deux millions de personnes ont été enfermées dans une sorte de prison à ciel ouvert. Je ne peux y reconnaître Israël comme organisateur d’une chose pareille, au vu de l’histoire de la persécution des juifs dans le monde et des raisons présentées pour la création de son État. Gaza est aussi un symptôme terrifiant de la nécrose de ce qui est appelé « l’Occident ». L’incapacité à mettre un terme immédiatement à une abomination comme celle-là est un signe de déchéance morale pour tous ceux qui trouvent que c’est normal et laissent faire. Tenir bon, c’est seulement ne jamais oublier notre commune humanité.

LES RANCŒURS ENFOUIES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE

O. XXI. – Depuis au moins vingt ans, depuis l’échec des accords d’Oslo, Gaza est aussi le symbole qu’Israël peut poursuivre sa politique sans en payer le prix.

J.-L. M. — En effet. Ce n’est pas nouveau. Dans le monde entier, nous faisons face au « deux poids deux mesures », selon que l’on est aligné sur les États-Unis ou non. On a constaté le refus actif des États-Unis et de leurs alliés à propos de l’invasion injustifiable de l’Ukraine par la Russie. Mais le silence est quasi général à propos des exactions de Nétanyahou. En 2008-2009 c’est l’opération « Plomb durci ». Pour moi, c’est un moment de bascule intellectuelle. Non seulement les Gazaouis étaient dans une prison, mais en outre on les y bombardait pour les punir d’une responsabilité supposée collective. Même les modérés le disent. Le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, a trouvé une formule le lendemain du 7 octobre : « La violence du Hamas est sans excuse, mais pas sans cause ». Dans cette affaire, l’action de Nétanyahou contre les Gazaouis n’est pas légitime. Ce n’est pas de la légitime défense, mais un génocide. Il y a des manifestations de masse dans beaucoup de pays, y compris aux États-Unis d’Amérique auxquelles participent des segments amples des communautés juives locales. Cette diversité prouve l’inanité de la théorie du « choc des civilisations » construite par Samuel Huntington. Dans aucun pays du monde, sauf peut-être dans une bonne part de la classe médiatique française, ne s’installe un clivage anti-arabe, antimusulman, comme beaucoup l’avaient calculé. La masse des manifestants se réfère à la justice, au droit international, au droit de vivre dans la dignité, à l’universalité des droits humains.

O. XXI. – D’où vient cette spécificité française ? Vous avez évoqué la guerre d’Algérie, c’est encore elle qui structure le clivage en France ?

J.-L. M. —En France, il y a toujours des rancœurs enfouies. La guerre d’Algérie a constitué un fonds d’autant plus pénible à vivre pour les Français que leurs dirigeants avaient renié les valeurs et les principes au nom desquels ils prétendaient agir. Sortant de l’occupation, dès mai 1945, on bombarde Sétif ! Et ensuite il a fallu attendre 1999 pour reconnaître qu’il s’agissait d’une guerre et non d’une opération de police. Qu’avons-nous fait ? Qui l’a fait ? Qu’aurait-on dû faire ? Dans quelles conditions ? Jamais on n’aura pu expurger les atrocités commises aussi bien en Algérie que dans l’Hexagone. Le Maghreb et l’Algérie n’ont jamais cessé d’être une rancœur française enfouie. Pourtant aujourd’hui 35 % de la jeunesse de notre pays reste affectivement liée à l’Algérie par ses parents, ses grands-parents, son présent, sa binationalité ou son couple. Mais combien d’anciens ont encore du mal à cicatriser… !

O. XXI. – Vous et une bonne partie de la communauté internationale parlez de crimes de guerre aux yeux du droit international à propos de l’actuelle offensive israélienne à Gaza…

J.-L. M. — Cela n’a pas été sans mal !

« PAS D’AUTRE REPÈRE QUE LE DROIT INTERNATIONAL »

O. XXI. – Certes, et c’est considéré comme une avancée pour les Palestiniens. Mais il y a eu avant ce qui s’est passé le 7 octobre, les 1 200 Israéliens tués par les commandos du Hamas. Pour vous, c’est aussi un crime de guerre ?

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