Rencontre avec Mus’ab Ibn ‘Umayr

Attention, âmes insensibles, s’abstenir ! Comme vous, je me suis imaginé dans beaucoup de situations : dans un hélicoptère, nageant avec les dauphins, dans la grotte de Hira ou encore dans la canopée indonésienne… Mais là, je me suis imaginé discuter avec un compagnon du Prophète, paix et salut sur lui ! Cela se passe dans une simple salle de prière. Avant de le voir arriver, je sentais un parfum suave et exquis. Je compris plus tard son origine…Moteur, ça tourne.

Hamza : Salamou’alaykoum Oncle Mus’ab, tu nous fais l’honneur de nous rencontrer et de partager tes conseils. Pourrais-tu, pour commencer, nous parler de ton origine, ton enfance ?

Mus’ab : Wa ‘Alaykoum salam Hamza. A vrai dire, je suis né à 16 ans, lors de ma conversion. Mais si cela est important pour comprendre la suite de mon destin, je veux bien évoquer ma vie d’avant. Je suis issu d’une famille bourgeoise de la Mecque. Mes parents disposaient d’une grande fortune grâce au commerce caravanier des Quraychites. Nous avions un goût très raffiné et nous étions vêtus de soie et couverts d’or. Un peu comme si j’étais couvert de « marques »… Ma mère m’offrait les meilleurs parfums et espérait de ma part un destin glorieux. Elle me voyait déjà millionnaire et populaire. J’avais la côte, comme vous dites ! Et de nombreuses familles souhaitaient m’offrir leur fille en mariage. J’aimais pavaner dans les rues de la Mecque avec une attitude dandy, surtout lors de la foire annuelle.

Mais un jour, je surpris une conversation entre deux esclaves. Ils parlaient du Jour Dernier, et d’un Dieu unique et tout puissant. Me voyant arriver, ils s’arrêtèrent net et refusèrent de répondre à mes questions. J’étais troublé… D’où venaient ces idées ? Sont-elles vraies ? Plus tard, j’eus une vision : je voyais un arbre sous lequel je tenais un discours, entouré de nobles mélangés à des esclaves ou encore des femmes et des enfants. Je suis parti voir Abou Bakr qui était renommé pour donner la signification des visions. Il était aussi connu pour son caractère doux et sa discrétion. En somme un psychanalyste de votre époque ! Alors, il sourit, me tint par l’épaule et me tint des propos que je n’échangerai contre rien au monde : « Mus’ab, ce que tu as entendu et vu, c’est une invitation de Dieu pour rejoindre la caravane. Mohammed reçoit des nouvelles du Ciel et j’ai choisi de me soumettre au Dieu unique. Accepte-toi aussi la Paix de Dieu, et tu gagneras dans les deux vies… » Voilà donc le secret qui agitait les notables de la Mecque. Pâle et perturbé, je suis rentré chez moi, puis je m’allongeais. Impossible de trouver le sommeil… Ma curiosité devint ardente et je sortis à la recherche d’Abou Bakr et Mohammed. Abou Bakr m’invita de suite chez Al Arquam, un modeste épicier. J’y suis allé la nuit tombante pour ne pas attirer les soupçons, il était hors de question que je me fasse griller ! Je ne connaissais même pas ce quartier, mais une lueur étrange dans une maison attira mon attention. On me laissa entrer, et j’y vis, assis en cercle, des hommes, des femmes, des enfants, des esclaves, dans un silence apaisant. Le Prophète, paix et salut sur lui, me fit un sourire et m’invita à sa droite. Il parla de ce Dieu unique, et des anciens Prophètes, de l’égalité entre les hommes et du Jour Dernier. Je sentais la foi me pénétrer et recouvrir mon cœur. Je ne voulais plus quitter les lieux.

J’ai ainsi embrassé l’Islam, alors que nous n’étions qu’une poignée. Après cela, j’ai pris des précautions pour que ma famille ne se doute pas, sachant leur réaction. Mais un jour, ma mère m’attendit et me fit part de la rumeur circulant à mon sujet. Que dire ? Renier, comme l’autorisait le Prophète, paix et salut sur lui ? Ou traverser la tempête et se fier à Dieu ? J’ai pensé à tous ces esclaves qui se sentaient si libres depuis l’Islam, et j’ai choisi d’être digne de leur compagnie. J’ai choisi la dignité de ma nouvelle foi au risque de devoir quitter ma famille… La réaction de ma mère fut cinglante ! Elle me fit enchainer, me priva d’eau et de nourriture, me fit battre pour que j’abjure et que je revienne sur mes pas. Mais impossible ! Plus la souffrance augmentait, plus ma foi s’ancrait… J’ai ensuite migré en Abyssinie, avant de revenir plus tard à la Mecque. A mon retour, tous mes frères en Dieu portaient des traces de tortures et étaient amaigris. Je me sentais faible et lâche…

Hamza : Tu es notre héros, sois en certains ! Tu fus donc un grand voyageur…

Mus’ab : C’est vrai, mais dans les conditions de l’époque, c’était compliqué… Aujourd’hui, vous êtes plus rapide que les oiseaux !

Hamza : Rapide, oui, mais moins agile…

Mus’ab : C’est juste ! Je suis donc revenu à la Mecque, sans domicile car ma mère m’a chassé. Moi qui fut la fierté de ma famille, j’en suis devenu la honte…J’ai choisi de vivre avec mes frères Bilal et Abdallah Ibn Massoud. Nous baignions dans le bonheur de cette foi. Nous partagions tout, et je n’ai jamais regretté ma vie d’antan. Mais les temps durcirent et le Prophète, paix et salut sur lui, préparait secrètement une nouvelle migration. Lorsque les médinois sont venus pour conclure les termes de l’accueil (oui, nous étions des demandeurs d’asile), j’étais présent, et je ressentais dans leur visage une confiance et une amitié. Ils demandèrent un professeur, et le Prophète me désigna.

Hamza : Tu fus donc le 1er ambassadeur ?

Mus’ab : Oui, et ce fut une mission exaltante. Les Médinois apprirent très vite notre religion et s’impliquèrent dans sa diffusion. Je m’aperçus également que ce furent des gens travailleurs dans les champs et vigilants envers leurs familles. Et puis, ils vivaient depuis longtemps au voisinage de juifs et chrétiens, donc respectaient les minorités. Très accueillants et aimables, ils montrèrent beaucoup de tendresse à mon égard, surtout quand ils surent que je n’avais plus vraiment de famille… D’ailleurs, ils ne tardèrent pas à me marier. Quant à l’enseignement, nous nous réunissions régulièrement autour de ces assises de la foi que vous chérissez tant aujourd’hui.

Hamza : comment s’est déroulée l’expansion de l’Islam à Médine ?

Mus’ab : Amazing ! Pas un jour sans qu’un quartier ou un clan choisissait de se convertir collectivement ! Pas une maison qui n’entendait parler du Message ! Après, c’était un vrai challenge pour former tout le monde… Mais ils avaient une si grande volonté et des cœurs si purs que ce fut facilité. A l’arrivée du Prophète, paix et salut sur lui, deux ans après, la majorité des Médinois étaient musulmans, et prêts à soutenir entièrement la Cause, d’où leur surnom de « Ansars ».

Hamza : La « Medina Life » fut très particulière, tu peux nous en parler ?

Mus’ab : c’était le Paradis sur terre ! Après des années de secrets et de persécutions, nous étions désormais des bâtisseurs de société. Nous approfondissions mutuellement nos connaissances, nous partagions tout ce que nous possédions. Notre campus et lieu central fut la Mosquée que vous avez considérablement agrandie. Nous pouvions enfin vivre la sérénité de notre foi…, mais cela n’allait pas durer !

Hamza : Tu parles de Badr ?

Mus’ab : Entre autre. Des personnes opportunistes et mal intentionnées rejoignirent nos rangs et s’acharnaient à diviser les croyants. D’ailleurs, Badr apparut comme un grand bien. C’était en quelque sorte un tamis pour ne sélectionner que les bons grains. Badr fut une occasion de vivre pour Dieu au point d’être prêt à en mourir. Le Prophète, paix et salut sur lui, se révéla un grand tacticien, et la bataille fut largement en notre faveur. Nous avions enfin gouté à la victoire !

Hamza : Oui, il nous est enseigné que ce fut la plus remarquable victoire des croyants… Peux-tu maintenant nous parler d’Uhud ?

Mus’ab : Nous savions que les Quraychites voudraient se venger. Alors, nous nous préparions, en nous entrainant dur, un peu comme des spartiates … De plus, le prestige de cette victoire a étoffé nos rangs et de nombreuses tribus s’allièrent à nous. Le jour d’Uhud, nous suivions la technique prophétique : intelligence, force et confiance en Dieu. J’ai eu l’honneur de porter l’étendard de l’Islam. Chacun fut briefé sur son rôle et nous voyions les Quraychites arrivaient, encore plus nombreux. Cette bataille opposa 3000 Quraychites à 1000 croyants. Dès le début de la bataille, nous prenions le dessus et les Quraychites étaient en débâcle. Alors, certains combattants musulmans, que je ne citerais pas, prirent confiance et quittèrent leur position sur le front de la montagne pour s’emparer du butin. C’est alors que Khalid ibn Walid et ses cavaliers surgirent du front de la montagne et nous prirent à revers… Ce fut une véritable catastrophe ! Les croyants s’enfuirent et nous n’étions plus qu’une poignée à protéger le Prophète, paix et salut sur lui. Je criai pour que les fuyards reviennent, mais ce fut peine perdu. Je me jetai sur le Prophète avec Abou Bakr et là, un immense guerrier me coupa la main qui portait l’étendard. Je le saisis de mon autre main qu’il coupa aussitôt. Alors, de mes moignons, armés de mon courage, je me levai une dernière fois avant qu’une lance ne me transperce… J’eus la force de prononcer l’attestation de foi, face contre terre,… Moi le beau gosse de la Mecque, je quittai ce vulgaire monde pour la rencontre de Dieu. J’ai d’ailleurs quitté cette terre en même temps que notre oncle Hamza, ton homonyme. Avant de partir, j’entendis mes frères qui pleuraient en me voyant ainsi… ils tentèrent de couvrir mon corps et ne purent trouver qu’une courte cape en guise de linceul. J’entends encore le Prophète, paix et salut sur lui, pleurant de tristesse sur mon départ et ses larmes parfumèrent mon corps meurtri. Je quittai ce monde, cette vie consacrée à Dieu, ayant abandonné les fastes et les clinquants. Je suis désormais auprès de ma femme et mes enfants dans le voisinage béni du Prophète au Paradis.

Hamza : ton histoire nous a tellement émus, le début, comme la fin de ton passage sur terre… Je souhaiterais venir sur un sujet avec toi. Tu n’es pas très bavard au sujet de ta famille, mais nous savons que derrière chaque grand  homme se cache une grande femme…

Mus’ab : Oui, c’est vrai, c’est mon côté arabe jaloux  Je parle très peu de la prunelle de mes yeux, ma chère Assiya. Elle a su saisir mon cœur et y habiter éternellement. Chaque jour passé à ses côtés fut un aperçu du Paradis, et je ne serais jamais assez reconnaissant de sa compagnie. J’aimais ces soirées de bavardages et de fous-rires dans notre modeste demeure. J’aimais notre fille Zaynab qui hérita de ses yeux et de son calme. Et je recommande d’ailleurs, tout comme le Prophète, paix et salut sur lui, lors de son sermon d’adieu, que chaque homme chérisse sa femme.

Hamza : Tu as suivi l’évolution de la communauté et les réalisations islamiques. Qu’en dis-tu, et quel message souhaites-tu adresser aux générations actuelles ?

Mus’ab : Je vois de belles choses, mais aussi des épreuves. J’ai vu pousser des plantes, mais des forêts anéanties. Les défis sont nombreux pour la jeunesse de demain, alors, je commence par vous inviter à l’amour, à la bonté, à la sincérité. Et faites face aux épreuves car elles vous forgeront et vous mèneront à la satisfaction de Dieu. Et aimez vos parents, j’aurais tout donné pour les voir à mes côtés au Paradis. Instruisez vos enfants, ne laissez pas traîner vos fils, aimez vos filles et fondez solidement vos familles, soyez ambitieux sans limites, prêts à rencontrer Dieu.

6 commentaires

  1. Macha Allah Que Dieu te récompense pour ton article original et qui permet de revisiter la vie de ce noble compagnon qui est un modèle pour les jeunes et moins jeunes.
    Najib de Nantes

  2. Très réussi et très émouvant et surtout motivant.
    Hafidhaka lah Hamza et quAllah soit satisfait de notre grand frère jeune beaugosse de la Mecque mous’ab bonus ´oumair

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page