Le sens de l’Aïd al-adha
« Tu n’égorgeras pas de mouton cette année ? » demanda un frère à son interlocuteur. « Non, tu sais, du mouton, on en mange tous les jours. Donc ce n’est pas la peine » répliqua l’interrogé.
Tel est l’esprit de cette fête chez quelques frères et sœurs. Pour eux, c’est avant tout la « fête du mouton » comme certains ont l’habitude de la qualifier ; surtout que l’appellation Aïd al-Kabir a masqué chez certains son nom plus explicit, Aïd al-adha. De quoi s’agit-il alors ?
Le message de l’Islam s’illustre parfois par des situations vécues dans le temps et dans une espace restreinte, néanmoins, il est indépendant du temps ni de l’espace, mais universel. C’est dans ce cadre qu’il faut placer cette fête. Passons en revue sa signification pour nous rafraîchir un peu la mémoire.
Sur le prophète Abraham (Ibrahim, paix sur lui), il est décrit comme un ami intime de Dieu, un modèle pour les humains et un exemple de la réalisation de l’unicité divine (Tawhid). Sa vie était toujours jalonnée par : une foi inébranlable en Dieu, la persécution de sa famille et de son peuple, la patience, etc. Parmi les versets présentant Abraham, citons [1] :
« Abraham n’était ni Juif ni Chrétien. Il était Hanif [2], musulman (entièrement soumis à Dieu). Et il n’était point du nombre des associateurs. Certes les hommes les plus dignes de se réclamer d’Abraham, sont ceux qui l’ont suivi, ainsi que ce Prophète-ci (Mohammad, paix et salut sur lui), et ceux qui ont la foi (en son message). Et Allah est le Wali [3] de ceux qui ont foi » [4].
Une des preuves des qualités d’Abraham, paix sur lui, est donc cette scène de sacrifice que nous commémorons jusqu’à aujourd’hui. Il aurait pu suivre son ego et refuser de sacrifier cet enfant unique longtemps attendu, mais il a préféré l’appel de son Seigneur sur toutes autres considérations. Nous connaissons la suite.
Ainsi, ce n’est pas l’abattage du mouton et les récompenses promises qui sont importants car, « ni leurs chairs ni leur sangs n’atteindront Dieu, mais ce qui L’atteint de votre (nous) part, c’est la piété » [5]. Cette fête ne symbolise pas la charité, ni une question d’argent. Evitons alors de voir que son côté partage pour ne pas réduire ce principe de sacrifice à un envoi d’argent qui tôt ou tard risque de surpasser la vraie fête. Suivre Abraham à la lettre consiste donc à immoler un bétail en guise de sacrifice, mais il y a également l’esprit de la lettre.
Donc, ce qui est primordial pour nous, et qui ne devrait pas seulement être lié à ce moment de fête est :
– L’amour de Dieu (et l’amour en Dieu pour Ses créatures) par opposition à l’amour-propre, qui est une sorte idole.
– La patience démontrée par Abraham et Ismail (paix sur eux)
– Le choix de l’obéissance sur la rébellion
– La loyauté à Dieu au lieu de la loyauté à la famille
– La foi de préférence par rapport à l’émotion
– Le choix de la lutte par rapport à la facilité
L’acquisition de ces vertus est effort quotidien.
Ce moment de sacrifice est souvent privilégié par certains pour faire parler d’eux, à la recherche d’une publicité gratuite. Ainsi, Ils dénoncent notre manière d’immoler les animaux. L’avis de celui qu’on appelle « le boucher des stars » dans un pamphlet, Yves-Marie Le Bourdonnec [6], qui donne sa préférence à l’égorgement par rapport à l’étourdissement, mérite d’être versé à ce dossier. Il précise que « l’abattage par égorgement est le moins douloureux » et « l’étourdissement n’est pas du tout une méthode choisie pour le bien des animaux. C’est juste pour aller plus vite, pour avoir de plus grandes cadences ». Donc un avis purement commercial.
Si le jour de sacrifie qui correspond au dixième du Dhul-Hijja est très important, il ne faut pas perdre de vu les jours de ce mois qui le précèdent et les trois jours suivants, les jours de tachriq. Le Prophète, paix et salut de Dieu sur lui, nous a informés à travers un hadith rapporté par Abdullah ibn Abbâs et recueilli par Boukhâri qu’« aucune œuvre n’est meilleure que celle accomplie pendant ces dix jours-ci ». Les mérites des ces jours ne sont plus à démontrer, beaucoup de littératures ont été consacrées à ce sujet.
De plus, ces jours se situent dans un mois sacré. L’injonction divine est d’être encore plus juste dans les mois sacrés et de ne pas y commettre d’injustices : « Sur ces douze mois, quatre sont sacrés : Telle est la religion « dine » droite, ne vous faites pas de tort à vous-mêmes » [7]. Cette commande est bien sûr valable tout le temps mais encore plus dans ces mois sacrés. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons redorer l’image du musulman bien entamée par des agissements de quelques uns qui n’ont rien à voir avec le message de l’Islam.
[1] – Le sens d’interprétation du Saint Coran donné dans cet article est un mariage de trois grands efforts d’interprétation fournis par Muhammad Hamidullah (1908 – 2002), Muhammad Asad (Leopold Weiss 1900 – 1992), Muhammad Muhsin Khan (1927 – ) avec Muhammad Taqi-ud-Din al-Hilali (1893 – 1987). Que Dieu leur fasse miséricorde.
[2] – Hanif : littéralement – quelqu’un qui est enclin aux bonnes opinions et se détourne de ce qui est faux. Ce mot englobe être sincère, sain et avisé dans sa foi ; la sincérité, la droiture, la détermination, l’engagement animé par la foi ; être ferme et bien équilibré dans la foi, être vrai. Pur monothéiste qui consiste à n’adorer que Dieu Seul
[3] – Wali : Ami, protecteur ou gardien, allié.
[4] – Le Coran : chapitre 3, versets 67 – 68.
[5] – Le Coran : chapitre 22, verset 37.
[6] – Yves-Marie Le Bourdonnec : L’Effet bœuf. Edition Michel Lafon 2012.
[7] – Le Coran : chapitre 9, verset 36.