La Sagesse

« Dis ceux qui savent sont-ils égaux à ceux qui ne savent pas ? » (39 ; 9°)

La sagesse est une qualité exceptionnelle que tout homme se doit de chercher pour s’accomplir en tant que tel. Pourtant, définir la sagesse sans avoir recours à la tradition musulmane est un chemin périlleux.

En effet, il existe de nombreuses définitions de la sagesse qui diffèrent selon les écoles et mouvements de pensée. Elle peut définir soit un comportement : « qualité de quelqu’un qui fait preuve d’un jugement droit, sûr, averti dans ses décisions et actions. » (Le petit Larousse 2008), ou bien un savoir selon la tradition judéo-chrétienne : « Connaissance inspirée des choses divines et humaines » (Le petit Robert 2011) ou encore une vertu selon les philosophes : « Modération, calme supérieur joint aux connaissances. » (Le Petit Robert 2011). Ma tâche sera donc de la définir selon le Coran et la tradition prophétique (Sunna) si Dieu me le permet.

Tout d’abord, l’article défini « La » devant sagesse est très important. En effet, il est au singulier et vient effacer toute ambiguïté sur « les » prétendues « sagesses » du monde. Dans la tradition musulmane, il n’y en a qu’une seule : « Ainsi, Nous avons envoyé parmi vous un messager de chez vous qui vous récite Nos versets, vous purifie, vous enseigne le Livre et la Sagesse et vous enseigne ce que vous ne saviez pas. » (2 ; 151).

Faire de la sagesse un élément pluriel, c’est lui attribuer des visées divergentes. Nous pouvons considérer différents degrés de sagesse mais il n’y en a qu’une seule. Dans l’Antiquité, de nombreux philosophes, amis (philos) de la sagesse (sophia), ont tenté de définir des chemins ou moyens pour y parvenir car elle constitue le modèle parfait de l’homme. Dieu, le Très-Haut, a envoyé par Sa grâce, le Prophète paix et bénédiction sur lui, comme « miséricorde pour l’humanité » (21 ; 107). Nous dispensant ainsi, de toute recherche hasardeuse et improductive, Il nous ouvre les portes de la Sagesse (al hikma) et de la science. Dieu nous incite donc à Lui être reconnaissants pour ce don : « Souvenez-vous donc de Moi, Je vous récompenserai. Remerciez-Moi et ne soyez pas ingrats envers Moi. » (2 :152)

Dès lors, tout homme aspirant à Dieu, doit aspirer à la sagesse car elle caractérise les meilleurs hommes et les plus proches de Dieu. Pourtant personne ne peut accéder à cette vertu par sa seule force et volonté. Peu de versets traitent de la sagesse, elle n’est évoquée par Dieu le Très-Haut que trente-deux fois dans le Noble Coran. C’est dire le grand privilège à qui se voit obtenir cette vertu. Elle n’est pas une science à laquelle chacun pourrait prétendre, elle est plutôt une disposition de l’esprit que Seul Dieu peut donner et qui se manifeste à travers le comportement. Se fourvoie celui qui prétend y accéder par son seul pouvoir.

« Il donne la sagesse à qui Il veut. Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment, c’est un bien immense qui lui est donné. Mais les doués d’intelligence seulement s’en souviennent. » (2 ; 269)

Dieu évoque al-Khidr, le sage chargé d’enseigner au Prophète Moise (paix sur lui), en ces termes : « Ils (Moise et son disciple) trouvèrent l’un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné une grâce, de Notre part, et à qui Nous avions enseigné une science émanant de Nous. » (18 ; 65)

Si la sagesse consiste plus en une conduite qu’en un savoir, on ne peut y prétendre sans s’être instruit d’une science comme le montre le verset ci-dessus. Par science, nous n’entendons pas les sciences profanes car celles-ci mènent à la compréhension du monde et constituent une preuve de l’existence d’un Dieu ordonnateur. Nous parlerons plutôt de science de la religion censée mener à la connaissance des hommes et du divin. Bien entendu, seul celui qui applique son savoir peut être qualifié de savant. Pourtant, il existe de nombreuses sciences attachées à la religion dont le Coran et les Hadiths sont les canons, les modèles à partir desquels elles approfondissent l’apport, définissent les règles et posent des limites. Pourtant peut-on considérer que si nous prenons entièrement connaissance de ces apports, nous nous élèverons au statut de savant ? Même dans ce cas où nous appliquons cette connaissance, pensons-nous réellement que nous sommes dignes d’un savant dont Dieu a magnifié le statut ?

« Entre le savant et l’adorateur il y a cent degrés ; entre deux degrés, il y a la distance parcourue par le cheval de course en sept cents ans. »[1]

Sur ce terme de « science » qui constitue une condition à la sagesse, le Prophète, paix et bénédiction sur lui et  sa famille, nous éclaire d’une grande lumière et fait acte de miséricorde :

« On interrogea le Prophète (sur lui la Grâce et la Paix de Dieu) : Ô Envoyé de Dieu, quelle est l’œuvre la meilleure ? Il répondit : « La science de Dieu. ». « Quelle science veux-tu désigner ? » Il répondit : « La science de Dieu le Très-Haut. » On lui dit alors : « Nous t’interrogeons sur l’œuvre et tu réponds sur la science. » Il répondit : « Certes peu d’œuvres sont profitables lorsqu’il y a la connaissance de Dieu mais beaucoup d’œuvres ne sont pas profitables si Dieu n’est pas connu.»[2]

Dans ce précieux hadith, le Prophète nous informe qu’il n’y a pas, comme l’on a tendance à le croire, plusieurs sciences de Dieu, représentées par les sciences de la religion. A la question « Quelle science ? » Le Prophète réitère sa réponse « la science de Dieu ». C’est « la connaissance de Dieu », qui donne sens ainsi à toutes les autres œuvres. Ainsi, les connaissances manuscrites et leur application ne suffisent pas pour être qualifié de savant. Un savant est un homme qui connaît Dieu.

Comment peut-on donc connaître Dieu afin de devenir sage ? La sagesse n’est évoquée dans le Coran, que lorsque Dieu le Très-Haut évoque Ses dons aux Prophètes : « Ô Jean, tiens fermement au Livre (la Thora) ! ” Nous lui donnâmes la sagesse alors qu’il était enfant. » (19 ; 12)

Dans ce dernier verset, Dieu nous informe d’une belle manière. Il demande à Jean (paix sur lui), de tenir  « fermement » le Livre de Dieu et c’est ainsi qu’il put obtenir, dès son plus jeune âge la sagesse. Dès lors, toute personne aspirant à la sagesse doit savoir qu’elle est toute entière renfermée dans le Livre de Dieu.

« Alif, Lam, Ra. Voici les versets du Livre plein de sagesse. » (10 ; 1)

Aucune personne ne peut prétendre posséder la sagesse sans connaître le Livre de Dieu et s’y attacher avec fermeté. Le Coran, appelé aussi « le Discernement » (al Furqan), permet aux hommes d’obtenir une grande lucidité sur le monde et ce qui s’y trouve. Dans sa main, il est un guide et une lumière. Un autre hadith nous éclaire sur la nature de la sagesse.

Le prophète a dit : « l’extrême sagesse consiste en la crainte de Dieu ». Dieu a dit : « Ô vous qui croyez ! Que chacun considère ce qu’il a préparé pour demain ! Craignez Dieu ! Dieu est parfaitement informé de ce que vous faites. » (59 :18).

Dès lors, il apparaît que seuls ceux qui connaissent Dieu peuvent le craindre à Sa juste valeur et c’est ainsi qu’ils obtiennent une sagesse complète. La connaissance de Dieu va de pair avec la sagesse. On ne peut être sage si on ne craint pas Dieu et on ne peut craindre Dieu si l’on ne Le connaît pas. Et la connaissance du Livre de Dieu constitue seulement une condition d’accès à la sagesse car, ne peut pas connaitre Dieu celui qui ne connaît pas Sa Parole. Il apparaît aussi que les plus sages sont ceux qui ont atteint la station d’al Ihsan qui constitue le degré le plus élevé de la foi. Ils se comportent comme s’ils voyaient Dieu, veillent à ne pas transgresser Ses interdits et sont ceux qui se comportent le mieux envers les autres, car chaque être humain devient pour eux un dépôt de Dieu sur lequel ils doivent veiller et s’occuper.

« La vertu la plus parfaite est la sagesse qui permet une vie contemplative. La sagesse comporte des plaisirs merveilleux autant par leur pureté que par leur solidité et il est, de toute évidence, clair  que la vie pour ceux qui savent se révèle plus agréable que pour ceux qui cherche encore à savoir. Le juste a besoin de personne avec qui il pourra manifester sa justice. Il en va de même pour l’homme courageux et le tempérant. Mais le sage, même abandonné à lui seul, peut encore se livrer à la contemplation et plus sa sagesse est grande, mieux il s’y consacre. » (Aristote, L’Ethique à Nicomaque, Chapitre VII)


[1] Rapporté par Ibn ‘Umar, cité par al-Asfahânî.)

[2] Hadith rapporté par Anas, cité par Ibn ‘Abd al Barr.

214 – حَدَّثَنِي أَحْمَدُ بْنُ فَتْحٍ، نا الْحَسَنُ بْنُ رَشِيقٍ، ثنا الْحُسَيْنُ بْنُ حُمَيْدِ ثنا مُحَمَّدُ بْنُ رَوْحِ بْنِ عِمْرَانَ الْقُشَيْرِيُّ، ثنا مُؤَمَّلُ بْنُ عَبْدِ الرَّحْمَنِ الثَّقَفِيُّ، عَنْ عَبَّادِ بْنِ عَبْدِ الصَّمَدِ، عَنْ أَنَسِ بْنِ مَالِكٍ قَالَ: جَاءَ رَجُلٌ إِلَى رَسُولِ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ فَقَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ، أَيُّ الْأَعْمَالِ أَفْضَلُ؟ قَالَ  «الْعِلْمُ بِاللَّهِ عَزَّ وَجَلَّ» قَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ: أَيُّ الْأَعْمَالِ أَفْضَلُ؟ قَالَ: «الْعِلْمُ بِاللَّهِ» قَالَ: يَا رَسُولَ اللَّهِ، أَسْأَلُكَ عَنِ الْعَمَلِ وَتُخْبِرُنِي عَنِ الْعِلْمِ، فَقَالَ رَسُولُ اللَّهِ صَلَّى اللَّهُ عَلَيْهِ وَسَلَّمَ: «إِنَّ قَلِيلَ الْعَمَلِ يَنْفَعُ مَعَ الْعِلْمِ وَإِنَّ كَثِيرَ الْعَمَلِ لَا يَنْفَعُ مَعَ الْجَهْلِ»

2 commentaires

  1. La sagesse est dans le livre Sacré ; et l’unique voie pour en avoir dans le coeur est de suivre à la lettre les paroles et les actes du prophète sidna Mohammed prière et salut soient sur lui ; qui veut connaître Allah le fait par le biais de son messager, sinon c’est l’égarement…الحكمة إذن هو ما وردت به الشريعة ونطقت به الرسل والأنبياء.

  2. Assalamou alaikoum,
    Dieu a définit la sagesse comme la reconnaissance et la gratitude envers lui.

    Nous avons effectivement donné à Luqmân la sagesse: « Sois reconnaissant à Allah, car quiconque est reconnaissant, n’est reconnaissant que pour soi-même; quant à celui qui est ingrat… En vérité, Allah se dispense de tout, et Il est digne de louange. » [31 : 12]

    Selon les savants “As shukr” (la gratitude) c’est 3 conditions:
    – Etre parfaitement certain et conscient au plus profond de son cœur que TOUS les bienfaits proviennent de Dieu.
    – Louer Dieu avec la langue pour tous ces bienfaits
    – Œuvrer et utiliser les bienfaits qu’il nous a accordé dans l’espoir de le satisfaire

    As shukr est une notion centrale dans notre foi. Nous tombons tous dans l’ingratitude sans même en avoir conscience. Dieu “éprouve” dans ce monde son serviteur qui se montre ingrat (kufr anni3am).
    En résumé, méditer beaucoup sur les bienfaits que nous avons, la santé notamment. Veiller à s’exercer sur les 3 conditions de l’accomplissement de la gratitude.

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