Souffles divins

Le prophète, bénédiction et salut de Dieu sur lui, a dit : « Demandez le bien tout au long de votre vie, et exposez-vous aux souffles de votre Seigneur, car Dieu a des souffles de miséricorde qu’Il accorde à qui Il veut parmi ses créatures… »

 

Le mois de Ramadan est à lui seul un souffle de Dieu. Dès le premier jour, chaque musulman sent en lui la transformation. Au fil des jours, petits et grands, nous sentons cette grande miséricorde dans nos cœurs et nos êtres et nous sentons cette nostalgie croissante et indéfinissable.

Quand arrivent les dix derniers jours, notre désir (chawq) est à son paroxysme, mais aussi, notre crainte de ne pas avoir fait ce qu’il fallait avec ce grand cadeau de Dieu.

Alors, Dieu nous prend par la main et nous guide vers des moments d’apaisement et de recueillement : les jours de retraite spirituelle (i’tikaf).

Grâce à Dieu, bon nombre de fidèles ont pu vivre ces moments intenses des dix derniers jours, dans des mosquées de leurs quartiers ou de leurs villes. D’autres ont eu la chance de les vivre dans les lieux saints de la Mecque ou de Médine.

D’autres ont eu le privilège d’être accueillis par une équipe de « princes » au service de Dieu, dans une belle mosquée de Wuppertal en Allemagne. Durant cinq nuits et cinq jours, frères et sœurs, avons imploré notre Seigneur.

L’être humain, après une année de travail et de stress, cherche à partir en vacances pour se reposer, changer de cadre, casser la routine, ou déstresser ; plusieurs choix s’offrent à lui, la mer, la montagne, la campagne, l’étranger…

L’âme humaine est aussi éprouvée, voire plus que le corps humain. Alors, une station comme celle de la retraite spirituelle, est une destinée paradisiaque; un jardin transplanté directement du Paradis où nos âmes se sont purifiées, soignées et reposée ; elles ont retrouvé leur vraie place, celle qu’elles n’auraient jamais dû quitter : le Paradis.

Tout au long de la journée, nous avions nos Corans en main, les versets nous paraissaient plus clairs, plus limpides, plus lumineux, plus parlants et c’est avec un grand regret que nous nous en séparions pour la séquence suivante : le Dhikr (la souvenance de Dieu) .

Une voix nous interpellait : « Certes, Dieu et Ses anges prient en faveur du Prophète, Ô vous qui croyez priez en sa faveur et adressez lui vos salutations. » Alors, tous, frères et sœurs, pensions très fort à notre bien-aimé Prophète, à toute sa beauté, sa lumière, sa grandeur, sa clémence, à tout ce qu’il a fait pour nous, à son amour pour nous et pour l’humanité, à son intercession en notre faveur. Nous le pleurions, nous le mentionnions, et notre désir d’être avec lui, de sentir sa proximité, de le remercier, de lui crier notre amour, de lui crier notre souffrance atteignait son paroxysme.

Chacun de nous était dans le groupe mais seul avec lui-même, seul avec son bien aimé Prophète, seul avec son devenir, seul avec son Seigneur. Portés par la force du groupe, « Tu n’es rien, mais tu es nécessaire », .nous étions portés par l’émotion du groupe, les lumières du groupe, l’amour du groupe, la foi du groupe, l’humilité du groupe…La dimension était autre, et le temps était autre. On aurait aimé stopper le temps, car ce Temps là était le temps du Vrai.

Les clôtures du Coran se faisaient peu avant le coucher du soleil. Un frère nous faisait les invocations, nous avions les mains tendues en signe de pauvreté et nous répétions inlassablement « Amine »…Tout le monde a déjà eu l’occasion de dire «  Amine » après une invocation, mais je peux vous certifier que ce n’était pas le même écho que d’habitude. Ici, il avait l’écho de quelqu’un qui lançait de toute son âme, de tout son être un appel de détresse,. Nos cœurs vibraient au même rythme, nos petits êtres tremblaient à l’unisson, un grand souffle de miséricorde descendait sur nous, il était palpable, presque mesurable. Le frère disait en arabe : « Ya sidi rabbi lahbib[1] », cette formule à elle seule suffisait pour que nous éclations en pleurs…Tout le monde pleurait, de joie, de bonheur, d’amour, de tristesse aussi d’avoir été si loin de ce bain maternel pour nos âmes.

Les moments de repas étaient aussi intenses. Nous y trouvions les attentions des équipes de service qui nous préparaient ces repas avec l’intention de « l’excellence ». Ils nous servaient avec un grand sourire aux lèvres et un visage rayonnant de foi et d’amour.

Plus les jours passaient, plus nous avions peur du jour fatidique, la fin de la retraite spirituelle.

La veille du départ, chacune de nous cachait ses larmes derrière une petite blague ou un sourire enjoué.

Au bilan, un frère avait dit : « Rejoindre Dieu (naturellement) dans une telle ambiance serait une réussite. ». Oui, la bonne compagnie nous aide à aimer même la pire chose que nous appréhendons tant : quitter ce monde.

Une pensée particulière de notre part va à Abdessalam Yassine, celui qui nous appris à aimer Dieu, son Prophète et autrui. Celui qui nous a appris à regarder dans nos cœurs, dans nos âmes, et nous a mis sur les pas du Prophète, paix et salut sur lui, qui dit : « il y a dans le corps humain un caillot de sang, s’il est sain, tout le corps le sera…c’est le cœur. »

Et tout en ramassant nos affaires, pour partir à Lyon, Paris, Mulhouse, Montpellier, ou encore Bruxelles ou Francfort ; nous avions tous cette impression qu’un jour nous plierons bagage pour une destination céleste.

 


[1] « Ô mon Seigneur bien aimé. »

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