Vœux du Nouvel An : ce qu’a dit Macron aux autorités religieuses

Les représentants des six principaux cultes de France ont été reçus, jeudi 4 janvier, au Palais de l’Elysée à l’occasion des vœux du Nouvel An formulés par Emmanuel Macron, ses premiers face aux autorités religieuses. Le président, en présence du Premier ministre Edouard Philippe et du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, leur a assuré la tenue de rencontres régulières et « non médiatisées » au cours de l’année 2018 afin de les consulter sur divers sujets, citant les questions de bioéthique pour « donner le temps d’un vrai débat philosophique dans la société avant de légiférer » ainsi que l’immigration et l’éducation.

2018 sera aussi une année durant laquelle Emmanuel Macron souhaite « que l’Etat s’engage aux côtés du culte musulman ». Face aux représentants du CFCM, « j’aurai un discours sur la laïcité qui est celui que je viens d’avoir avec vous : dépassionné, direct et exigeant mais nous devons avoir un travail sur la structuration de l’islam en France qui est la condition même pour que vous ne tombiez pas dans les rets des divisions de votre propre religion et de la crise qu’elle est en train de vivre sur le plan international », a-t-il déclaré, tout en prenant soin de dire au passage qu’il est « une erreur funeste » que de ne parler « du seul sujet de la religion qu’est l’islam » en évoquant le thème de la laïcité.

« Mon vœu pour 2018 est que la France devienne avec vous ce modèle de laïcité sachant écouter les voix du pays dans leur diversité, capable de construire sur cette diversité une grande nation réconciliée et ouverte sur l’avenir », a fait part le chef de l’Etat. Voici son discours dans sa quasi-intégralité.

 
Je vous adresse tous mes vœux. Je vous remercie d’être ici présents et au seuil de cette année nouvelle, je me réjouis d’avoir à nouveau l’occasion de cette rencontre. Nous nous étions vus sous ce format le 21 décembre dernier pour un premier échange. Comme je m’y suis engagé, comme je le souhaite, ces rencontres se poursuivront sous cette forme.

Cette rencontre au cours de laquelle nous échangeons nos vœux est une tradition ancienne que notre République a restaurée en 1947. Le temps et probablement aussi le pacte républicain noué à la libération ont permis que ce soit symboliquement retissé ce fil de relations souvent courtoises, parfois même cordiales, en tout cas toujours franches et exigeantes entre le chef de l’Etat et les représentants des grandes traditions religieuses présentes dans notre pays.

Il l’a d’ailleurs été par un président, Vincent Auriol, connu pour son ouverture d’esprit dans le domaine religieux à une époque où son parti parmi d’autres affichait ce qu’on appelait alors un laïcisme de combat. Mais il fallut encore presque trois décennies pour que ce moment que nous partageons prît la forme que nous lui connaissons. Non plus celui d’une succession d’audiences protocolaires mais une cérémonie commune restituant enfin l’image d’un paysage de foi divers que l’Etat considère sans défaveur ni parti pris.

Je ne retracerai pas ici le parcours qui a conduit à cette situation où l’Etat n’est partie prenante d’aucun culte mais garantit à chacun son libre exercice dans le strict respect des lois de la République, comme il garantit aussi la liberté de ne pas croire dans les mêmes conditions de neutralité.

 

Ce sécularisme à la française, qui parfois surprend nos voisins, est un ciment puissant dans notre pays qu’ont déchiré tant de guerres de religions, où la religion est inscrite dans l’héritage intellectuel, culturel, social. Cela donne à l’Etat une position de surplomb et d’arbitre qui lui permet de ne pas sans cesse rejouer sa légitimité politique à l’aune des débats spirituels.

Mais cette neutralité ne va pas sans quelque pédagogie et nous avons commencé à en discuter en décembre dernier, car on a trop vite d’inférer de cette neutralité de l’Etat une absence. La laïcité organiserait ainsi une sorte de vide métaphysique à l’intersection de toutes les croyances. Consciente que l’individu nourrit toujours une interrogation existentielle que le vide inquiète, insécurise, la laïcité se ferait alors forte de venir elle-même peupler cette zone neutre et d’incarner une sorte de foi républicaine forgée par des valeurs, des traditions érigées à leur tour en croyance universelle sur le modèle lointain du culte de l’être suprême des Jacobins. D’aucuns y rêvent encore mais ce culte-là a fait long feu.

Mais la persistance des religions, voire la résurgence sous des formes variées de la préoccupation spirituelle, conformément à la prophétie d’André Malraux, a rendu son actualité à une forme de prothèse philosophique et morale. Or, ce n’était nullement la vocation de la laïcité originelle.

Ce que Hannah Arendt appelait la sanction transcendante dans le domaine politique tenté par le culte de l’Etre suprême n’est en rien le sens de notre laïcité française. Et je ne souhaite pas qu’une religion d’Etat soit substituée de cette manière aux religions. Mais pas davantage la religion ne saurait colorer la vie politique de la nation. Je serai aussi, toujours vigilant à cet égard face aux tentatives de faire revenir par la fenêtre politique ce qui est sorti par la porte du religieux. Et je sais, comme vous, que certains tentent d’instaurer avec les pouvoirs publics, une forme de rapport de force autour de la mise en œuvre de telle ou telle croyance, oubliant là aussi, le fil de notre histoire et voulant la faire bégayer.

« La foi religieuse qui relève de l’intime ne disqualifie pas pour être citoyen »

J’aurais la même vigilance sur ce plan-là, je ne nie pas l’existence de questions et d’interrogations liées à l’inévitable friction entre l’ordre religieux et l’ordre politique, mais je récuse les stratégies d’entrisme comme les coups de force militant. Notre force, votre force, c’est que vous ne participez pas de la puissance publique et, par conséquent, que vous ne la légitimez pas. Et cette distinction fondamentale des Ordres est un acquis précieux pour vous comme pour la République car ce sont fondamentalement les principes de liberté d’association et de conscience qui régissent vos organisations respectives. Et de cette distinction ne saurait pour autant d’écouler une quelconque ignorance, qui ne serait que méconnaissance par exclusion.

C’est bien pourquoi il est naturel que le président de la République s’entretienne régulièrement avec vous parce que vous participez de la vie de la nation. Il en va de la compréhension de ce qui forge la vie de millions de Français au quotidien, que ce soit dans leurs pratiques ou dans les principes qui guident leurs engagements, mais aussi dans leur rapport à l’histoire de la Nation et de son évolution.

La foi religieuse qui relève de l’intime ne disqualifie pas pour être citoyen, il serait fou de penser qu’en une même personne, les deux ne dialoguent pas constamment.

La République ne demande à personne d’oublier sa foi, mais pour faire nation, il faut également savoir dépasser ses différences en les mettant au service de la communauté de citoyens et œuvrer quotidiennement pour ne pas créer l’irréconciliable dans la société.

En quelque sorte, je ne demanderai jamais à quelques citoyens français que ce soit, d’être modérément dans sa religion ou de croire modérément ou comme il faudrait en son Dieu, ça n’a que peu de sens, mais je demanderai à chacun constamment d’absolument respecter toutes les règles de la République. Et c’est dans cet équilibre où la force de deux engagements peut se retrouver pleinement compatible, que nous sortirons renforcés.

Se rencontrer pour ces vœux, c’est aussi tenir compte du rapport de nos concitoyens avec leur religion, de leur expression dans l’espace public, qui constitue également une dimension de la civilité, de la manière dont chacun se présente et interagit avec les autres en participant à la communauté nationale.

Par Saphirnews
Source : https://www.saphirnews.com/Voeux-du-Nouvel-An-ce-qu-a-dit-Macron-aux-autorites-religieuses_a24817.html 

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