La Saintélyon, 12 heures de lutte intense

Ce texte fait suite à ma participation à la Saintélyon, le 8 décembre 2013. 75km, 1600m de dénivelé positif, sur terrain accidenté, 12h de lutte contre soi, de jihad. Embarquement en première classe…

La vie est une lutte continue, telle fut la volonté divine,
Peut-il en être autrement avant de franchir la ligne ?!
Et si l’accueil céleste est désiré par chaque fils d’Adam,
Ce moment brûle dans la poitrine des combattants.

C’est la délivrance, cette victoire, le fruit de ces souffrances,
Qui donne goût aux luttes contre soi, pour sa foi, pour le droit.
Comme la rupture d’un jeûne ardent, ou un diplôme ou un job,
Ou une cause longtemps défendue, voire une révolution achevée.

Alors, pour cela, oui, nous braverons l’Enfer terrestre, en souriant !
Nous nous y jetterons, mais nous en sortirons forgés dans la masse,
Pour mieux apprécier la fin savoureuse, puis la rencontre céleste,
Les vastes palais, le miel paradisiaque, l’ombre de Dieu et un repos mérité.

Ne sais-tu pas que chez Dieu, il n’y a pas de perdants quand le cœur est lancé,
Le défi relevé, le combat acharné, la réussite terrestre, la martyr libérateur,
Et comme le proclame Dieu, la victoire, finalement est garanti aux croyants[1] Qui confiant, soulevé par leur élan, ont franchi les obstacles, oubliant sueur et sang !

Il y a des destins subis, et ceux provoqués. Il y a des luttes défensives et des conquêtes glorieuses. Il y en a qui s’excusent, d’autres qui refusent, ceux qui lèvent la garde, et ceux qui piquent comme la guêpe. Ceux qui résistent forcent la compassion, se nourrissent de survivre. Ceux qui attaquent, prennent le taureau par les cornes, tentent l’impossible, forcent l’admiration. Le Prophète, paix et salut sur lui, était de cette catégorie. Les gagnants furent tous de cette élite. Les attentistes finirent par se noyer dans le déshonneur et la défaite. 

Depuis quelques temps déjà que je pratiquais la course à pied d’une façon détendue, je décidais de donner à cette pratique une impulsion plus volontaire, en tentant l’un des raids pédestre les plus difficiles, la Saintélyon. La course de fous, s accepter d’être positionné dans ce secteur c’est assumer quelque peu son altérité, sa différence, mais aussi ses ambitions, sa soif des sommets, l’ivresse des sommets !

Le media coranique rappelle les accusations de fous qu’essuya la Prophète, que son souvenir soit honoré et que Dieu l’enveloppe de sa Bénédiction. « Laisse-les, lui ordonne Dieu, ils verront, mais trop tard que ta « folie » avait ses raisons qu’ils choisirent d’ignorer ». La Vérité émane de Dieu et l’histoire en témoigne.

Bon. Avant de formaliser mon inscription, deux mois avant le grand jour, après six mois d’entrainement, je subissais un grave accident de la route. Ayant survécu à cela, mon mental de guerrier fou me poussa à m’inscrire à cette course, alors que j’étais encore en convalescence. Mais c’est avec l’espoir de me battre pour m’en sortir, au moment le plus défaillant, qu’il me fallait ce défi, cet engagement. Des situations critiques naissent les résolutions les plus affermies. De l’enfer des épreuves, se dresse à l’horizon le Paradis. Des cendres désolantes peut ressurgir le phœnix majestueux Un choix difficile, préférer le danger des épines que la douceur des roses alors que j’avais du mal à me déplacer… Il fallait que je montre à Dieu que Son serviteur ne lâche rien et se montre encore plus ferme dans l’adversité ! Après quelques semaines de soins, je reprenais délicatement un entrainement adapté. A mesure que le grand jour s’approchait, l’entrainement se faisait plus long, plus dur. Il me fallut courir après de longues journées de travail, la nuit, dans le froid extrême, en forêt… Mais c’était nécessaire pour muscler mon mental, élément essentiel de toute bataille.

Le jour s’approche. Il faut contrôler son équipement, le tester, se nourrir spécifiquement, savoir se priver, savoir dormir, récupérer. Il faut visualiser la course mentalement, se projeter, imaginer le départ, la souffrance, l’arrivée, le bras levé…

C’est maintenant ! Arrivé à Saint-Etienne, je retrouve près de 15000 personnes prêtes à en découdre. Je me prépare, à ma façon. Quelques prières, quelques pages coraniques, un peu de repos. Le départ se fait précisément au pied de la Mosquée de Saint-Etienne, tout un symbole. Etirements, échauffements, on peut rejoindre les rangs. Il est minuit. Quelques invocations, et c’est parti !

C’est plusieurs milliers de coureurs qui entament tranquillement leur périple. Un cortège de lumière qui fonce volontairement à l’unisson. Une densité qui oblige à une prudence et une courtoisie malgré l’effort. De nombreux passages ne se franchissent qu’en file indienne, pas question de bousculer qui que ce soit ! Il faut être bon avec son frère, sa sœur de lutte. On s’encourage, on se soutient, on s’aide à se relever, sans manière, ni délai. On supporte le froid mordant, l’obscurité inquiétante de la même façon, sous le même ciel.

Alors, après seulement 10km, nous rentrons dans le vif du sujet : neige poudreuse, verglas, boue givrée ou profonde, rivière, rien ne nous fut épargné… Ajoutez à cela une grande alternance de reliefs, des cotes abruptes ou des descentes périlleuses, de brefs passages plats alternant avec des défilés rocailleux… Chaque pas est important en traille. Sur des distances si longues, il faut ménager ses appuis, travailler ses chevilles, tout en évitant qu’elles n’enflent, question d’égo. Un peu comme la science à acquérir, qui te transportera sur le sentier de Dieu. Les chutes sont inévitables, un peu comme dans la vraie vie. J’ai sûrement réalisé toutes les chutes acrobatiques sur verglas ou neige, salto, plongeon avant dérapage incontrôlé, fossé, barbelé, buissons… Cependant, l’important n’est pas la chute, mais le redécollage. C’était donc 12 heures de lutte, de défi, de gestion de l’énergie, de patience. Jamais dans ma vie, un kilomètre ne fut si long, un pas si douloureux ! Mais Dieu assure sa proximité avec les persévérants. Alors j’invoque, je prie, pour mon devenir, mes proches, mes semblables. Je m’arrête pour prier, pour contempler le lever du soleil.

Mais la souffrance s’affirme, et au-delà du 50ème km, les jambes ne suivent plus. La tentation d’abandonner est là ; après tout, j’ai rien à gagner, c’est déjà pas mal … Mais non ! Même sur les rotules, il ne faut jamais poser le genou à terre ! Qu’elle est belle la lutte contre soi, ses pesanteurs, ses attaches, son confort, n’est-ce pas ceci le plus grand des Jihad ?

Alors tant pis, s’il faut marcher, je marcherai, mais j’y arriverai avec les faveurs de Dieu. Et je réponds à ces grands marcheurs que nous avons comme modèles : Abraham, au pied gravé dans la roche, qui arpenta vaillamment l’Irak, l’Egypte, la Palestine. La longue marche de Moïses, ses deux fuites d’Egypte, sa quête d’élévation auprès d’al Khadir, de quoi user ses fines semelles, Hajar et son « fractionné » entre les 2 monts sacrés, se battant pour survivre, y puisant toute ses forces provoquant la réponse et le miracle de Dieu, y installant la Mère des cités.

Veni vidi, vici. Nous arrivons sur Lyon, il reste quelques kilomètres. Je remercie Dieu, prends mon élan et m’élance pour un beau finish. A l’arrivée, le poing levé, les mains dressées, la joie envahit mon cœur. C’est la fin, c’est la victoire.

J’imagine que chaque finisher sort grandi de ce périple. Ce fut pour ma part, un stage spirituel, une révolution contre mes défauts, donc révolution spirituelle vêtue d’une spiritualité révolutionnaire ! Courrez brave peuple, la liberté est au bout !

« En vérité Nous t’avons accordé une victoire éclatante afin que Dieu te pardonne tes péchés, passés et futurs, qu’Il parachève sur toi Son bienfait et te guide sur une voie droite. Et qu’Il te donne un puissant secours. C’est Lui qui a fait descendre la quiétude dans les cœurs des croyants afin qu’ils accroissent leur foi. A Dieu appartiennent les armées des cieux et de la terre; et Dieu est Omniscient et Sage. Afin qu’Il fasse entrer les croyants et les croyantes dans des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux où ils demeureront éternellement, et afin de leur effacer leurs méfaits. Cela est auprès de Dieu un énorme succès. »[2]

 


[1] Coran, sourate 23, verset 1

[2] Coran : Sourate 48, verset 1-5

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