La non-violence dans l’enseignement d’Abdessalam Yassine

L’enseignement à la fois pratique et théorique de l’Imam Abdessalam Yassine cherche à se démarquer radicalement de la violence et développe à son égard une critique intransigeante et rigoureuse  au profit du principe islamique fondamental dit Rifq en langue arabe.

Le mot Rifq comme le souligne Abdessalam Yassine, est riche en significations. Pour le traduire, il faut évoquer toutes les connotations du Coran et du Hadith, ainsi que l’illustration vécue et l’exemple donné par les Prophètes (grâce et paix sur eux). Serait pertinente la traduction-explication qui alignerait devant « Rifq » les mots français : clémence, douceur, tolérance, bonté, don, pardon, mansuétude et compassion. Le Rifq tel qu’il apparaît dans le hadith du Prophète, paix sur lui : «  Dieu est Clément et aime la clémence (Rifq), Il donne par le moyen du Rifq, le résultat que ne peut donner la violence » ni pour tout autre moyen .  Le Rifqest par ailleurs clairement énoncé dans le Hadith suivant : « Lorsqu’une chose est ornée de douceur (Rifq), elle l’embellit, et lorsqu’elle en est privée, elle l’enlaidit ».

Face à la tentation des méthodes violentes, Abdessalam Yassine met en avant une pédagogie de la spiritualité active, de l’effort éducatif et d’une résistance pacifique et active de longue haleine à la hauteur du changement historique dont la communauté musulmane et le monde nécessitent aujourd’hui. Il est toutefois primordial de définir le mot violence pour que l’on n’assimile pas l’Islam à un moralisme servile. Est violent tout acte non conforme à la Loi. L’Islam prône aussi la colère contre ceux qui nous humilient et le combat pour la dignité de l’Homme. Sachant qu’être fort ne veut pas dire être violent et qu’être compatissant ne signifie pas être faible.

La non-violence est un principe !

Le choix que fit Abdessalam Yassine d’enraciner son enseignement et son action pour le changement et le  renouveau dans le terreau de la non- violence,  ne constitue sûrement pas un effet de mode pas plus qu’une contrainte politique dictée par les circonstances de l’heure. Il s’agit en l’occurrence d’un discours complètement assumé, parfaitement clair et ostensible depuis le début des années 70 et ce avant même la montée spectaculaire des courants les plus violents se réclamant de l’Islam.

Ce discours, qui repose sur la centralité de l’Homme comme enjeu majeur du changement, sur l’Éducation comme voie de changement et sur le refus de la violence comme principe d’action, n’a d’ailleurs pas toujours été bien compris. Une grande partie de la jeunesse fut en effet très fascinée par une certaine littérature marxiste  ou fasciste  de la violence révolutionnaire, très en vogue dans les années 70, puis «ré-islamisée» par la suite sous l’emprise de la répression, du colonialisme ou de la manipulation par les services…

D’ailleurs, ses admirateurs comme ses détracteurs reconnaissent aujourd’hui que son enseignement authentique, appuyé par l’exemple que furent sa vie, ses paroles, ses écrits ou encore sa prédication, ont été à l’origine de la préservation d’une grande partie de la jeunesse musulmane qui se reconnaît dans ses enseignements au Maroc et ailleurs, empêchant celle-ci de succomber à un activisme politique violent.

Son enseignement et son engagement ont pu canaliser les sentiments de désespoir, de révolte et de colère légitimes, évitant ainsi que des milliers de jeunes ne cèdent à la tentation de l’agitation violente, à l’heure où tous les ingrédients étaient réunis pour les y propulser sous le poids des tristes réalités du monde, de la corruption écrasante, des inégalités flagrantes, de l’oppression des dictatures soutenues par les démocraties occidentales…

La non -violence :  un devoir spirituel !

Le choix radical de la non-violence ne se justifie pas dans l’enseignement d’Abdessalam Yassine par les seules considérations politiques et de conjoncture qui peuvent changer au gré des événements et des rapports de force, mais au nom d’une exigence morale absolue et d’un devoir spirituel de fidélité à Dieu.

En considérant la non-violence comme un principe islamique absolu, Abdessalam Yassine se place donc dans une optique plus profonde, plus vraie et plus pérenne que celle qui s’oppose à la violence à l’aune des considérations historiques et politiques.

Ceci est une affaire de de foi et de conscience car la pureté et la noblesse des moyens doivent égaler la pureté de la fin. Tel est le message de la méthode prophétique que nous nous devons de retrouver et de revivifier.

Aux origines de cette position, nous retrouvons la conception de l’Homme et des droits humains en islam. Notre respect de la dignité humaine est dicté non seulement par le calcul de l’intérêt général, mais par l’ordre divin : “Nous avons honoré les fils d’Adam.”

Ce qui veut dire que  «jamais un musulman pieux ne tolérera qu’une femme ou un homme, quelles que soient leurs convictions ou leur fautes, soient traités comme des déchets. L’absolu qui fonde nos valeurs islamiques ne permet pas que la dignité humaine soit relativisée, c’est-à-dire trahie. Que la dérive occidentale moderne nous serve de leçon. »  

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page