Al-Ghazali, la quête (1/2)

Cinq siècles après l’avènement de l’islam, le monde qui était alors en plein Moyen Age en Europe et au must de son raffinement au sein de la Civilisation Musulmane, a assisté à la révélation progressive de celui qui fut surnommé la Preuve de l’Islam ou le Maître.

Né en Perse, dans la ville de Tus en l’an 450 de l’hégire (1058), Abu Hamid al-Ghazali y poursuivit ses premières études et suivit les enseignements du grand savant sunnite al-Juwayni. Ce dernier, dit Imam al Haramayn (Imam des deux enceintes sacrées de La Mecque et de Médine), était considéré comme une référence faisant autorité dans le domaine de la jurisprudence et du droit musulmans. Al-Ghazali parvint à se hisser à sa hauteur en terme de notoriété et le disciple marqua au final la pensée et l’histoire beaucoup plus que son maître.

En effet al-Ghazali ne s’expliquait pas lui-même cette facilité d’acquisition des différents savoirs qui le caractérisait. Il raconta plus tard dans son ouvrage autobiographique « Al munqid mina addalal / Le sauveur de l’égarement » la connaissance profonde qu’il eut des sciences et les dispositions spéciales dont Dieu l’avait gratifié.
En effet, il acquis les différentes branches du savoir musulman de l’époque : droit shaféite, dialectique, fondements du droit, sources de la religion, logique. Il étudia la pensée comparative, les différences entre les écoles juridiques et lut les ouvrages de Hikma (sagesses) et de Falsafa (philosophie).

A la mort d’al-Juwayni, al-Ghazali chercha refuge auprès du ministre abbasside Nizam al Mulk. Il obtint sa protection après avoir fait ses preuves devant lui en terrassant lors d’une confrontation verbale les plus illustres savants parmi ses contemporains. Nizam al Mulk lui confia alors la direction de son école à Bagdad pour y enseigner les savoirs religieux, si bien que rapidement sa dignité l’emporta sur celle des grands et des Princes. Et al-Ghazali avouera que c’était bien ce qu’il recherchait en ce moment de sa vie : « la gloire et les honneurs ».

Mais petit à petit il commença à ressentir un dégoût pour les sciences abstraites et un grand besoin de pratique concrète. Un désintéressement de toute préoccupation l’envahit. Une crise commença alors à s’installer, accélérée par l’assassinat de Nizam al Mulk qui le bouleversa et le priva de toute protection. L’usage de la parole lui échappa petit à petit, au point que sa langue ne lui obéissant plus, une angoisse s’empara davantage de lui et l’amena à prendre conscience qu’un mal l’habitait.

Al-Ghazali chercha alors le remède. Dans sa quête des voies de la guérison, il se livra tout d’abord au doute méthodique qu’il poussa au bout de sa logique. Il constata que l’ombre qui paraît fixe s’avère se déplacer lorsqu’on y porte son regard quelques temps plus tard. La plante qui semble figée est en réalité sans cesse en croissance et offre au petit matin une jolie fleur qui a éclos. Les étoiles apparaissent minuscules dans leur éloignement alors que les calculs révèlent qu’elles sont plus grosses que la Terre.

Toutes ces constatations l’amenèrent à la conclusion suivante : « mes sens que je croyais complètement fiables pour m’informer des réalité de ce monde sont en réalité trompeurs et donc faillibles ».
Il y aurait donc quelque chose de plus précis, de plus exacte, de plus juste pour nous informer sur nous-même et sur le monde extérieur : ce serait la raison. La raison serait donc infaillible.
Cependant, puisque notre certitude et notre confiance étaient totales en nos sens et que nous nous sommes trompés, il existe certainement une faculté au dessus de la raison !
Car la raison ne peut expliquer les sentiments, ou la connaissance instinctive que dix est supérieur à trois, ou encore permettre de comprendre la parole du Prophète (que Dieu prie pour lui et le salue) « Les hommes sont endormis, en mourant ils se réveillent ».
Cette faculté toucherait quant à elle à la Vérité des choses !

Les exemples qui permettaient d’illustrer cette faculté étaient foison et le sommeil en fut une illustration probante pour al-Ghazali. En effet il fit remarquer que le dormeur faisait des songes, tantôt symboliques, tantôt transparents, parfois inintelligibles, et d’autres fois prémonitoires. Or il supposa une personne qui n’aurait aucune expérience personnelle du sommeil et qui en recevrait sa description telle que des gens tombent en léthargie, perdent connaissance, sensibilité, ouie, vue et perçoivent l’invisible puis en ce réveillant racontent ce qu’elles ont vu et vécu…cette personne nierait ce récit incroyable !
Ce phénomène du sommeil avec ses rêves fut bien pour lui une preuve de l’existence d’une réalité supra-rationnelle.

Al-Ghazali aboutit après ce raisonnement méthodique à une certitude, premier jalon de sa quête : ce qui est présent en soi disparaît quand on le cherche mais la quintessence de ce qui est présent en soi demeure: l’existence de Dieu, du jour du jugement et de la Prophétie.

(Suite : la guérison et la Voie)

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Ilham MORATEN
A partir de l’ouvrage Al munqid mina addalal wal moussil ila dhi al izzati wa al jalal (Le sauveur de l’égarement et le meneur à Celui doté d’Estime et de Majesté/ Erreur et délivrance), récit autobiographique d’Abu Hamid al-Ghazali sur son basculement vers le soufisme.

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