Soigner la dureté du cœur par l’expérience de la douceur envers les plus faibles

Y a-t-il chose plus terrible pour un être que d’avoir le cœur dur ? A y regarder de plus près, c’est bien là un état lourd de conséquences, pour celui qui en est affecté comme pour son entourage immédiat et lointain, dans sa vie présente et comme, plus encore, dans sa vie Ultime.

Le cœur dur ne sait plus s’attendrir, s’émerveiller, s’enthousiasmer, s’émouvoir, méditer, accueillir, soutenir, accompagner… Il ne vit plus d’une vie éveillée mais d’une vie mécanique, que seuls les instincts, les pulsions activent. Cette vie s’avance sans égard pour elle-même, sans attention pour l’autre, sans considération pour la nature, sans amour pour Dieu. C’est un hiver sans pareil qui s’abat dans la demeure de l’être et le porte à tout ignorer. Cet état est à ce point critique pour la personne que Dieu s’exclame (S.39 ; V.22) : « Malheur donc à ceux dont les cœurs sont endurcis contre le rappel de Dieu ». Malheur… ! Quelle effroyable sentence pour qui entend… ! Aussitôt, on se prend à s’interroger… Quel est l’état de mon cœur ? Ai-je un cœur doux en toutes circonstances ? Est-ce que je ne ressens pas parfois, moi aussi, mon cœur se durcir ? Ne se ferme-t-il pas en certaines occasions ?

Un jour un homme vint voir le Prophète (paix et salut sur lui) se plaignant de la dureté de son cœur. Homme clairvoyant ! En qui Dieu avait préservé cette qualité qu’est l’introspection sincère, et cette autre qualité qui consiste à ne pas craindre d’exposer ses manquements… !  Le voici qui vient chercher une réponse à son interrogation, un remède à son état… Le voici sur le chemin de l’éducation, désireux de perfectionnement, dans un contexte culturel où, pour un homme, la dureté était un signe de force et la douceur une marque de faiblesse. Souvenons-nous, en effet, de ce bédouin, qui, un jour, avait interpellé le Messager de Dieu : « Vous embrassez les enfants, quant à nous, nous ne les embrassons jamais ! », le Prophète (paix et salut sur lui) lui avait répondu : « Je ne puis placer la miséricorde dans ton cœur si Dieu l’en a retirée » ; et de ce récit, rapporté par Anas (que Dieu l’agrée) : « Je marchais avec le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) qui portait un manteau éthiopien cousu. Un bédouin le croisa et saisit brusquement le manteau, et si violemment que je vis la marque de la couture sur le cou du Messager de Dieu (paix et salut sur lui) ». Qu’on se souvienne que la virilité des hommes se mesurait à leur courage au combat, mais ce courage était bien souvent un mélange d’intransigeance et de cruauté, de fierté clanique et de mépris pour l’adversaire, et non de force et de mansuétude. Et que dire de la façon dont les femmes étaient traitées ? Etre un homme, n’était-ce pas, en ces temps d’ignorance, soumettre les femmes à son seul désir, à son seul bon vouloir ? Dureté des mœurs, dureté des cœurs…

A cet homme, donc, dont la tradition n’a pas transmis le nom, mais qui n’est pas présenté comme un bédouin, le Messager de Dieu, l’éducateur, le médecin des cœurs, le guide des assoiffés de vérité,  va répondre. Il (paix et salut sur lui) sait, lui, le connaisseur, l‘importance de cette question, et ce qu’elle recouvre, et ce qu’elle implique, et ce qu’elle recèle… Il (paix et salut sur lui) sait, lui – et il l’a dit un jour à ses chers compagnons – que : « dans le corps humain, il y a un morceau de chair. Quand ce morceau de chair est bon, tout le corps est bon. Et quand il est mauvais, tout le corps le devient… », et que « ce morceau est le cœur ». Il (paix et salut sur lui) sait, lui, que le cœur est le siège de la foi, et que la foi est une lumière, et que cette lumière est une faculté intellective d’une nature singulière : ce qui la constitue est l’amour de Dieu et de Son Messager (paix et salut sur lui). Il sait, donc, qu’avec le durcissement du cœur, l’être perd toute intelligence de Dieu. Autant dire qu’il perd tout.

« Alors, le moment n’est-il pas venu pour ceux qui croient de laisser leurs cœurs se remplir d’humilité à l’évocation de Dieu (…) ? »[1]

Ce que vient de confier cet homme au Messager de Dieu (paix et salut sur lui) est donc d’un poids immense ; en a-t-il conscience ? Nul ne le saura jamais, sauf Dieu et Son Messager… Il vient, en effet, de lui (paix et salut sur lui) confier son devenir dans la vie dernière. Le Messager de Dieu a, à de nombreuses reprises, évoqué les remèdes aux différentes tribulations que le cœur est amené à connaître. La répétition abondante de la formule de l’unicité de Dieu, fait partie de ces remèdes. Dieu n’a t-il pas révélé, en effet, à Son Messager, dans Son saint Livre (S13 ; V.28) : « Ceux qui ont cru, et dont les cœurs se tranquillisent à l’évocation de Dieu ». N’est-ce point par l’évocation de Dieu que se tranquillisent les cœurs ? ». Mais à cet homme, qui n’est présenté ni comme un bédouin, ni comme un compagnon connu, il va donner une autre réponse, un conseil dont la simplicité cache une immense profondeur éducative. Il (paix et salut sur lui) va tout d’abord reformuler la demande, donnant ainsi à la question de son interlocuteur toute son importance : « Veux-tu que ton cœur s’adoucisse et que tu puisses pourvoir à ton besoin … ? ».Mais, cette reformulation poursuit un autre but.Le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) pose, en effet, cette question de telle façon que la plainte de l’homme s’ouvre sur une dimension qui va au-delà de l’état à atteindre – la douceur ; cet au-delà, c’est le « besoin » – besoin que le Messager de Dieu ne nomme pas, et qui, peut-être,  était insoupçonné pour l’homme lui-même, caché sous son tracas, mais que nous pouvons nous risquer à interpréter comme étant la finalité même de tout cœur doux et empli de foi : la connaissance de Dieu. Le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) donne, en quelque sorte, à l’homme, une réponse en surcroît ; en l’occurrence : il  laisse entendre que la douceur a une raison d’être. Et ensuite, seulement ensuite, il propose à l’homme une méthode pratique : « Sois miséricordieux envers l’orphelin, caresse sa tête et nourris-le de ce dont tu te nourris, ton cœur s’adoucira et tu pourras pourvoir à ton besoin »[2].

Deux comportements, donc, qui initient le cœur à la miséricorde : un geste de tendresse  et une égalité de traitement dans la subsistance, et ce, envers un faible parmi les faibles : l’orphelin. Voilà, donc, ce à quoi le Messager de Dieu (paix et salut sur lui) invite l’homme ; il  lui dit, en quelque sorte : « Tu as le cœur dur ? Occupe-toi du plus faible. Celui qui est sans parent, donc sans affection et sans ressource. Confronte ta réalité à celle d’un être fragile, manquant de tout. Fais cet effort d’aller vers lui, abaisse-toi, prends-le sous ton aile… et, par ce contact, ce don de toi, la miséricorde remplira ton cœur, et il s’adoucira ». Car le Messager de Dieu, lui, qui est Miséricorde pour les univers, sait que « Ceux qui font preuve de compassion, Le Tout Rayonnant d’Amour les couvre de Son Amour Rayonnant ». Il  recommande donc à l’homme ce qu’il  recommande aux hommes, faisant suite au propos commencé ci-dessus : « Soyez compatissants envers tout ce qui est sur la terre, Celui Qui est au Ciel vous couvrira de Son Amour Rayonnant », afin que le cœur, devenu enfin tendre et doux, s’emplisse de Dieu Très-Haut, de Son amour et de Sa Lumière.

 


[1] S.57 ; V.16.

[2] Rapporté par Tabarani

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