Qu’es-tu venu chercher ?

Un jour, un groupe de personnes a entrepris un voyage pour visiter un homme pieux. A leur arrivée, cet homme leur a demandé : « Qu’êtes-vous venus chercher ? »

Cette question a immédiatement plongé chacun des participants au plus profond d’eux-mêmes. Une question à laquelle il fallait une réponse à la hauteur de l’homme visité. De ces questions qu’on ne se pose probablement pas suffisamment. Une question qui te met en face de l’énorme défi que tu vas avoir à relever. Ces élèves, devant leur maître, se devaient d’apporter leur réponse, celle qui allait dévoiler leur intention, qui allait sûrement revivifier leur volonté cachée.

Parmi les réponses l’un se hasarda à répondre : « Nous sommes venus chercher Dieu ».

L’homme sourit de toutes ses dents et répondit : « Dieu n’a pas besoin d’être cherché. Il est là, Il est L’Apparent, L’Evident (El Dhahir). »

Nous reviendrons plus tard sur la réponse, une façon, cher lecteur, chère lectrice, de te garder avec moi plus longtemps, de te laisser méditer sur ta propre réponse. Assieds-toi et laisse derrière toi tes soucis. Prends place dans cette oasis atemporelle qui peut nous réunir quelles que soient les distances. Et oui, quand on parle de Dieu, les lois physiques sont un peu perturbées. « La sérénité descend sur eux, la miséricorde les couvre, les anges les entourent de leurs ailes et Dieu les mentionne dans une assemblée meilleure encore… »[1]

Maintenant que j’ai toute ton attention, je souhaite partager avec toi le fruit de plusieurs nuits passées en silence au milieu de mes frères, lors de cette dernière décade du Ramadan 2012, au sein de la maison de Dieu. Cette année j’ai été très peu bavard. Et j’ai observé.

Une idée est progressivement née dans mon cœur. Elle a grandi jusqu’à devenir une lumière éclatante. De ces lumières qui dissipent toutes les obscurités, toutes les craintes, toutes les inquiétudes.

J’aime mes frères. Ils sont devenus si importants pour moi, pour ma vie d’ici-bas, pour ma vie dernière…

Ces personnes partagent avec moi tous leurs efforts pour sortir de l’anonymat spirituel et frapper inlassablement à la porte du Tout Miséricordieux pour qu’Il accepte de nous compter parmi Ses proches.

Je me suis rappelé d’un conseil de mon père (que Dieu lui fasse miséricorde). J’étais petit, ma petite main dans sa main énorme. Je courais à côté de lui pour rattraper ses enjambées. J’avais la tête tournée vers lui pour prêter toute l’attention que méritaient ses belles histoires. Après l’un de ses récits sans source mais agréables, il me dit d’un ton grave : “Il vaut mieux pour toi d’avoir un ami véritable qu’une centaine de camarades”.

“Il vaut mieux pour moi d’avoir un ami véritable qu’une centaine de camarades”, répétais-je afin de me souvenir…

Un de ces amis, de ces frères, qui n’a pu assister à l’une des nuits de Ramadan m’a demandé : “As-tu trouvé la nuit du destin en cette nuit-là ?”

Mon frère, j’ai trouvé tellement mieux, tellement plus. Je me suis rappelé l’histoire de cet homme. Mais écoutons-la de l’Envoyé de Dieu (que la paix soit sur lui) lui-même :

“Le Prophète (que les prières et la paix de Dieu soient sur lui) a dit que Dieu a créé un homme sur une île tout seul. Dieu lui donna des provisions pour vivre (des fruits). Pendant 70 années cet homme a adoré Dieu, et il n’a pas lutté. Quand vint pour lui le temps de mourir, Dieu commanda à l’ange de Lui apporter son âme. Dieu demanda à l’homme, “Ô Mon serviteur, au paradis ou à l’enfer?” L’homme répondit, “Ô Dieu Tout-Puissant, au paradis.” Dieu dit, “Ô Mon serviteur est-ce grâce à Ma miséricorde ou à tes œuvres?” L’homme répondit : « C’est grâce à mes œuvres. Je T’ai adoré 70 années. Je n’ai jamais rien fait de mal seulement T’adorer.” Alors Dieu demanda à l’ange de prendre le bienfait de la vue et de le mettre sur la balance. Puis Il demanda à l’ange de mettre les 70 années d’adoration de l’homme de l’autre côté. Le bienfait de la vue pesa plus lourd que les 70 années d’adoration de cet homme.”[2]

Encore un récit pour mieux comprendre :

Dieu le Très Haut dit : “Mon Amour est garanti à ceux qui s’aiment en Moi, à ceux qui se font des dons en Moi, à ceux qui se visitent en Moi…” (Hadith Qodsi rapporté par Ahmed d’après Anas ibn Malik, puisse Dieu les agréer).

Plus de 80 années d’adoration chaque Ramadan c’est bien, mais en compagnie des frères qu’on aime c’est mieux… Beaucoup mieux.

Deux hommes qui s’aimaient en Dieu furent jugés et chacun fut amené à la porte du Paradis mais à des niveaux différents. Celui qui fut amené au degré supérieur du Paradis demanda à l’ange : “Où est mon frère qui m’a accompagné durant la vie terrestre, durant mon cheminement ?” Ne t’inquiète pas, il entre aussi au Paradis mais il n’a pas œuvré comme toi pour accéder à ce niveau.

La réponse de l’homme fut sans détour : “Je refuse d’entrer sans mon frère”. C’est sa compagnie qui m’a permis d’œuvrer.

L’ange confus face à cette attitude inattendue s’en retourna vers Dieu pour Lui exposer le problème : Dieu sourit et commanda à l’ange d’aller chercher son frère et de les faire entrer tous deux dans le plus haut niveau paradisiaque atteint par le second homme.

Je n’ai pas retrouvé la source de ce récit mais voici une autre parole prophétique dont l’authenticité est à la hauteur de la bonne nouvelle qu’il transporte à travers les âges :

Ibn Mass’oud et Abou Moussa rapportent que quelqu’un demanda au Prophète Mohammad (bénédiction et salut de Dieu sur lui) : “L’Homme aime faire ce que font les gens vertueux mais il ne le fait pas !? Le prophète répondit : l’Homme est avec celui qu’il aime.”[3]

Mon frère, ma sœur, tu es mieux pour moi que des milliers de nuits du destin. C’est toi que je chercherai du regard au jour du jugement pour retrouver mon chemin dans la mêlée. Nous avons été réunis et nous avons été séparés pour l’amour de Dieu.

Écoute encore cette autre histoire[4]. Elle est si belle. Elle a bercé notre enfance. Elle a contribué à nous faire grandir. Mais relisons-là avec le recul d’une vie.

“Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l’heure du départ fut proche :

– Ah ! dit le renard… je pleurerai.

– C’est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t’apprivoise…

– Bien sûr, dit le renard.

– Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.

– Bien sûr, dit le renard.

– Alors tu n’y gagnes rien !

– J’y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé. (Qui lui rappellera la chevelure du petit prince)

Puis il ajouta :

– Va revoir les roses. Tu comprendras que la tienne est unique au monde. Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau d’un secret.

Le petit prince s’en fut revoir les roses.

– Vous n’êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n’êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées et vous n’avez apprivoisé personne. Vous êtes comme était mon renard. Ce n’était qu’un renard semblable à cent mille autres. Mais j’en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde.

Et les roses étaient gênées.

– Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu’elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c’est elle que j’ai arrosée. Puisque c’est elle que j’ai mise sous globe. Puisque c’est elle que j’ai abritée par le paravent. Puisque c’est elle dont j’ai tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons). Puisque c’est elle que j’ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c’est ma rose.

Et il revint vers le renard :

– Adieu, dit-il…

– Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.

– L’essentiel est invisible pour les yeux, répéta le petit prince, afin de se souvenir.

– C’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante.

– C’est le temps que j’ai perdu pour ma rose… lit le petit prince, afin de se souvenir.”

Je n’ai pas trouvé plus belle histoire contemporaine pour revenir à l’histoire de cet homme qui s’occupait de ses roses. Rappelez-vous, il leur a dit : “Qu’êtes-vous venus chercher ?”

“Vous êtes venus vous chercher vous-mêmes.”

Puisse Dieu nous compter parmi Ses proches. Puisse Dieu accueillir dans Sa miséricorde et Sa bonté toutes celles et tous ceux qui nous ont enseigné, nous ont éduqués et nous ont permis de voir avec les yeux du cœur. Ainsi soit-il.

Mes frères, mes sœurs, je vous aime en Dieu. J’espère être avec vous lorsque Dieu dira le Jour de la résurrection : « Où sont ceux qui se sont aimés en Ma gloire, aujourd’hui Je les abriterai dans Mon ombre, ce jour où il n’y a nulle autre ombre que la Mienne. »[5]


[1] Récit prophétique

[2] Hadith rapporté par le compagnon Ibn Massud (puisse Dieu l’agréer et le récompenser).

[3] Hadith rapporté par Boukhari

[4] Histoire conté par Antoine De Saint-Exupéry

[5] Hadith rapporté par Muslim

Un commentaire

  1. Laylatou Al Qadr, on peut la vivre même chez soi isolé. Et lorsqu’on la rencontre, c’est très bonne occasion de se rapprocher de Allah et d’augmenter sa foi …
    Rencontrer son frères en Allah est une autre requête qui peut se mélanger ou pas avec la première

    Ces deux requêtes sont pour moi indépendantes.

    Dans cette vie, je pense qu’on peut se rapprocher d’Allah mais on ne peut pas le rencontrer
    Dans le paradis, on peut le rencontrer et même le voir incha Allah

    Allah dit lors de la création de notre pére Adam Alayhi el salam : “wa nafakhtou fihi min rouhi”
    Est ce que cela veut dire que l’Ame de l’être humain est une paarcelle de l’ame d’Allah ?
    Allah dit dans autre verset : Qoli el rouhou min Amri rabi wa ma outitom mina el ilmi ill qalila.

  2. Que Dieu ne nous prive pas de cette bonne compagnie. Ces personnes si chères qui lorsque nous nous éloignons d’elles géographiquement restent dans nos coeurs. Ces personne qui n’ont pas le même sang que nous, la même langue parfois ni les mêmes origines mais que nous aimons car elles nous rappellent l’Essentiel.

    Puissions-nous être ensemble sous l’Ombre de Dieu le jour où il n’y aura d’ombre que la Sienne. Récompense ultime pour s’être aimés en Lui, conseillés en Lui, visitaient en Lui.

    Ne nous prive pas Seigneur!!!

    Amin.

    Merci pour ce texte qui est “exactement ça”!!!

  3. baraklahoufik a si farid quelle beaux recit que tu nous a fait …….
    a notre prochaine rencontre jaimerais bien bien que tu nous raconte l histoire du renard et le petit prince a vive voix…!

    samir k

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