L’éducation des enfants

Un des Noms de Dieu est ar-Rabb, c’est-à-dire le Maître, Celui qui éduque. L’éducation fait donc partie des qualités divines ; et c’est par elle que l’être humain peut être le digne responsable de la lieutenance sur terre. Les parents musulmans, et plus généralement les éducateurs musulmans, sont tous soucieux de l’éducation des enfants qu’ils ont à leur charge, et souhaitent y apporter grand soin.

Mais comment parvenir à réussir cette éducation ?

Face à cette angoisse, prenons d’abord pleinement conscience que nous avons une obligation de moyens, mais pas de résultats. Nous devons faire notre possible pour être de bons éducateurs et pour transmettre ce qui nous semble important ; tout en sachant que le résultat ne dépend pas seulement de nous. Ce résultat dépend de Dieu, bien entendu ; entre autres selon les éducateurs que nous sommes et selon les choix que feront les enfants en utilisant leur libre arbitre.

On ne peut pas obliger quelqu’un à penser ce que l’on veut. Cette vérité, que nous admettons tous, concerne aussi bien les adultes que les enfants. En ce qui concerne les moyens à mettre en œuvre pour bien éduquer un enfant, il n’est donc pas question d’être intrusif dans son mode de pensée ; bien que l’enfant soit un être qui n’a pas encore la maturité de se gérer seul.

Omar ibn Khattab, un des compagnons les plus proches du Prophète Mohammed (paix et salut sur lui), a donné ce conseil : « Joue avec l’enfant pendant ses sept premières années, éduque-le pendant les sept années qui suivent, puis accompagne-le pendant encore sept ans ». Le prophète Mohammed (paix et salut sur lui) a par ailleurs encouragé les musulmans à demander à leurs enfants de faire la prière lorsqu’ils atteignent leur septième année.

Durant ce laps de temps qu’est l’enfance et l’adolescence, les éducateurs ont donc le souci et l’espoir de faire de leurs enfants « des gens bien », avec tout ce que cela peut vouloir dire de différent d’une personne à une autre. Quoi qu’il en soit, tous les moyens ne sont pas bons pour y parvenir.

Au préalable, il est essentiel de respecter l’individualité de l’enfant, le fait qu’il soit une personne pensante, et non un réservoir à remplir. A partir de là, le premier moyen à mettre en œuvre pour éduquer un enfant serait d’exprimer sincèrement l’amour que l’on a pour lui. Les marques d’affection sont effectivement très importantes pour les enfants, qui se souviennent parfois de petits riens. Pour preuve, Mahmoud Ibn Rabi a dit : « Je me souviens du prophète (paix et salut sur lui) lorsque, prenant dans la bouche de l’eau d’un seau, il m’en aspergea le visage ! J’avais alors cinq ans ».

Parallèlement, il faut prendre en considération le degré de maturité de chaque enfant pour qu’il ne se sente pas accablé par les difficultés et pressé par des demandes hors de portée, cela dans la continuité de ce que Dieu nous enseigne : Il ne charge aucune âme au-dessus de ses capacités.

Par ailleurs, il est important d’exprimer le profond respect que l’on a pour l’enfant en tant que personne, en le considérant capable d’être un interlocuteur à part entière. Cette méthode pédagogique pleine de sagesse, de sympathie et de bienveillance a d’ailleurs été utilisée par le prophète Mohammed (BSL), y compris auprès des enfants. Ainsi, Ali a été la troisième personne à se convertir à l’islam révélé à Mohammed (BSL), alors qu’il avait 7 ou 8 ans.

Concernant le grand respect du prophète (BSL) envers les enfants, il convient de rappeler le moment où il reçut en cadeau une boisson. Il en but, et avait à sa droite un enfant, Abdallah ibn Abbas, et à sa gauche des personnes âgées. Il dit au garçon, qui avait droit de priorité étant à sa droite : « Me permets-tu de donner à boire à ceux-là (sous–entendu avant toi) ? » Le garçon lui répondit : « Non, par Dieu, ô messager de Dieu ! Jamais je ne céderai à quelqu’un un honneur qui me revient de toi ». Le prophète (BSL) plaça donc le bol dans sa main.

Voici un autre exemple, parmi d’autres. Abdoullah, fils de Abbas a raconté : « Un jour que j’étais en croupe derrière le Prophète (BSL) il m’a dit : Ô Garçon, je vais t’apprendre certaines paroles de sagesse. Sois attentif envers Dieu, Il le sera envers toi. Sois attentif envers Dieu, tu Le trouveras devant toi. Si tu demandes, adresse-toi à Dieu. Lorsque tu sollicites une aide, sollicite-la de Dieu. Sache que si la communauté toute entière conjuguait ses efforts pour te faire profiter d’une chose, tu n’en profiteras que si Dieu l’a inscrite comme telle pour toi. Par contre, si elle conjuguait ses efforts pour te nuire, elle ne pourrait le faire que si Dieu l’avait décrété ainsi à ton encontre. Désormais les plumes sont rangées et l’encre des pages séchée. » Ce compagnon avait alors aux alentours de 9 ans.

Le deuxième moyen à mettre en œuvre serait, en s’intéressant à qui est l’enfant, de réaliser qu’il est porteur de l’innéité, la fitra, cette flamme qui brûle en chacun de nous et qui nous permet de connaître Dieu instinctivement. Nous pouvons partager avec les enfants notre goût de la vérité, du beau, de la gentillesse, de la construction, de la patience, des bonnes œuvres, de la miséricorde, du pardon… Cela alimentera, si Dieu le veut cette flamme innée qui fait pencher chaque être humain vers la voie de la vérité. Le prophète Mohammed (BSL) a d’ailleurs déclaré que Dieu est Beau et aime la beauté, Propre et aime la propreté, Généreux et aime la générosité…

Bien évidemment, là encore, l’important est la sincérité. Il s’agit de partager, donc de transmettre ce que l’on ressent véritablement soi-même. Sans cela, la communication est biaisée et les enfants ne retiennent que l’incohérence entre le « faites ce que je vous dis » et le « mais pas ce que je fais ou ce que je pense». Or, un éducateur est d’abord un modèle, et les enfants apprennent par l’exemple plus que par la parole. Le message est transmis à un enfant de cœur en cœur et non de bouche à oreille.

Dieu dit, versets 2 et 3 de la sourate Le Rang  : « Ô vous qui avez cru ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? C’est une grande abomination auprès de Dieu que de dire ce que vous ne faites pas. » Cela ne signifie pas qu’il est nécessaire d’être parfait pour convaincre un enfant qu’il est positif d’être juste, patient…. Reconnaître ses erreurs quand on en a commises et qu’on en prend conscience, c’est montrer aux enfants que ces belles choses exigent souvent un effort, et qu’on peut ne pas y parvenir et le regretter. Savoir qu’il n’est pas le seul soumis à un effort, que les adultes eux-mêmes s’appliquent à se discipliner aide l’enfant à apprendre la maîtrise de soi.

Par ailleurs, les éducateurs doivent exercer les enfants à une certaine discipline. Si l’on veut que cette discipline permette aux enfants de s’épanouir et de développer une énergie pour poursuivre leurs efforts, on utilisera principalement les félicitations et les récompenses quand ils accomplissent quelque chose de bien, et secondairement les punitions quand ils font des erreurs.

Ainsi, Anas, qui a servi le prophète (BSL) durant dix années, a dit de lui :  « Jamais il ne m’a dit ‘ouf’ , jamais il ne m’a dit pour quelque chose que j’avais faite ‘Pourquoi l’as-tu faite ?’ ni pour quelque chose que je n’ai pas faite ‘Pourquoi ne l’as-tu pas faite ?’ ».

Par ailleurs ; enseigner l’omniprésence de Dieu est un facteur essentiel de réussite de l’éducation spirituelle. Quand on a conscience que Dieu est là, il n’est plus important d’être surveillé par les autres ; chacun devient son propre arbitre et est attentif à lui-même. Avoir conscience de Dieu, de Son unicité, de Sa grandeur et de Son omniprésence, ainsi que de la haute importance du respect à  accorder à ses parents sont les conseils du sage Loqman à son fils, dont les paroles sont rapportées dans la sourate Loqman.

Cela correspond tout à fait à une histoire rapportée par l’imam Ghazali. Il s’agit d’un homme qui s’appelait Saad ibn Abd, racontant que lorsqu’il avait trois ans, il avait un oncle qui se levait la nuit pour prier. Lui qui avait trois ans l’observait. Son oncle lui dit : « Pourquoi ne fais-tu pas le rappel de Dieu, Celui qui t’a créé ? » Le petit garçon lui demanda : « Comment veux-tu que je fasse ? » Son oncle lui dit : « Tu dis dans ton cœur, sans bouger ta langue : Dieu est avec moi, Dieu me voit et Dieu témoigne sur moi. » Le petit garçon dit cela pendant un an, puis son oncle lui demanda de le dire sept fois. Au bout de deux ans, il lui dit de continuer, car tout le bonheur de ce bas-monde et de l’autre se trouvait dans ces paroles. Il continua de dire ces paroles jusqu’à ce qu’il ressentit dans son cœur une douceur. Puis un jour, son oncle lui dit : « Ô Saad ! Celui avec qui Dieu est toujours, Dieu le voit, Il témoigne sur lui, et voit si il Lui désobéit. Alors je te mets en garde contre la désobéissance de Dieu ».

Quelqu’un qui aime les vertus et s’efforce de les posséder sera sans doute aimé de Dieu et apprécié des gens. Le complément de l’affection et du respect apportés à l’enfant est donc la discipline et l’apprentissage de l’autodiscipline. Parallèlement, un soin tout particulier doit être apporté à l’instruction des enfants. Car c’est également par le biais de l’instruction qu’ils pourront réfléchir avec discernement et développer leur sens critique.

Puis arrive le troisième moyen ; la troisième étape pourrait-on dire. Il s’agit alors de faire pleinement confiance aux enfants, et de les laisser faire leurs choix et prendre leurs responsabilités. Leur cœur aura été nourri du mieux possible, et leurs habitudes seront ancrées. Leur conviction guidera alors leurs gestes.

Malgré cette relative prise de distance, il faut néanmoins poursuivre l’accompagnement. Il consistera principalement à conseiller les adolescents, notamment en ce qui concerne les compagnons de route qu’ils choisiront. En effet, le prophète Mohammed (BSL) a dit : « Chacun a la même intensité de foi que son ami le plus intime, choisissez vos amis avec soin ».

Encore une fois, si l’on fait preuve d’une grande tendresse et d’un grand respect à l’égard des enfants, qu’on leur rappelle l’existence et l’omniprésence de Dieu, qu’on leur donne goût aux vertus, à l’effort et à la science, puis qu’on les conseille et qu’on s’intéresse à ce qu’ils s’entourent de personnes saines ; on peut en toute sérénité leur faire confiance et les laisser s’envoler vers la prise de responsabilité en tant qu’adultes. Par cette confiance, on aura l’espoir fondé que ces enfants seront des hommes et des femmes conscients de leur place vis-à-vis de Dieu et de leur place dans le monde qui les entoure.

Et à tout âge, rappelons-nous que les enfants ont besoin que nous invoquions Dieu pour eux.

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