L’éducation spirituelle : principes et moyens

Le souci de la spiritualité se manifeste de plus en plus chez les acteurs musulmans soucieux d’évoluer dans leur travail et lui octroyer une authenticité islamique. C’est un bienfait de Dieu que de toucher le caractère indispensable de la spiritualité musulmane pour passer d’un travail islamique qui observe simplement les limites juridiques de l’Islam à un travail de fidèle, une bonne œuvre, qui comptabilise les effets purificateurs ou non du travail sur le cœur de ses acteurs.

Désormais on ne veut plus seulement parler de spiritualité mais on veut la vivre. On pose des questions de plus en plus pertinentes sur l’amour de Dieu et de Son Messager, sur la sincérité, sur la douceur de la foi et sur la purification du cœur.

A cette occasion, il semble important de se poser la question suivante : « Donne-t-on à la spiritualité son vrai statut par rapport à son œuvre sur terre, à son action et à son projet ? » C’est à dire : « La spiritualité, représente-t-elle l’identité, l’essence même, de son travail, ou en est-elle simplement une composante ? » Puis la question suivante : « Se donne-t-on les moyens nécessaires pour entrer de plein cœur dans la spiritualité ? »

En guise d’introduction, nous nous proposons dans ce texte de donner une vue générale sur l’éducation spirituelle, mettre en évidence certains principes fondamentaux de celle-ci, puis faire le tour de quelques moyens qui nous semblent essentiels.

“Éduquer son cœur”

Deux règles peuvent être facilement tirées d’une lecture attentive des versets du Coran et des paroles prophétiques.

La première est que le foyer de la foi est le cœur. Il ne s’agit pas de ce muscle qui fait circuler le sang dans le corps, mais du for intérieur illuminé par la certitude en la vérité de Dieu.

La deuxième règle est que cette foi n’est jamais dans un état stable. Elle augmente et s’améliore par les actes d’adoration et diminue et s’affaiblit par l’insouciance et la désobéissance à Dieu.

Ainsi, le cœur, qui est la demeure de la foi, doit être l’objet de nos plus grands soins. Puisque la foi est instable, la vigilance doit être de rigueur pour que notre capital spirituel ne diminue pas en deçà du seuil de danger. Or ceci n’est possible que par un effort permanent. Nous ne disposons pas d’assez d’espace dans ce texte pour passer en revue les centaines de passages coraniques et paroles prophétiques qui nous invitent à considérer l’éducation spirituelle comme notre principale préoccupation, voire le projet essentiel de notre vie tout entière.

On se contentera ici de rappeler quelques vérités ô ! combien importantes :

C’est selon l’état de notre cœur que notre sort définitif sera fixé devant Dieu.

C’est également l’état de ce cœur qui définit notre attitude, nos gestes et tout notre comportement dans ce bas monde.

Conformité au modèle prophétique

Il est important de prendre connaissance des qualités qui caractérisent la spiritualité en islam d’autant plus que ce terme est intensivement utilisé dans d’autres cultures. Ces qualités se regroupent sous deux principes : La conformité d’une part, la globalité et l’équilibre d’autre part.

Il est primordial, lorsqu’on parle de l’éducation spirituelle, d’affirmer et de réaffirmer que toute démarche dans ce sens doit être en totale conformité avec le modèle du Prophète. Le Messager de Dieu est l’homme le plus parfait et le plus complet moralement et spirituellement. Il est le meilleur guide sur le chemin de Dieu.

Le lecteur peut avoir l’impression qu’on est entrain d’affirmer des évidences. Cette affirmation est quand même nécessaire essentiellement pour deux raisons :

Dans les générations précédentes, il y a eu des gens qui ont conservé l’essentiel en sauvegardant la méthode éducative de purification de l’ego. Historiquement, ces gens ont porté le nom de soufis. Malgré le respect que nous leur devons pour la noble tâche qu’ils ont accompli, il y a deux remarques essentielles qui nous empêchent de voir dans une certaine forme de soufisme le reflet parfait du modèle prophétique.

D’abord, une certaine tradition soufie se transforme facilement en moralisme débile chez les bonnes âmes bien nourries et en charlatanisme aux mains des faussaires. De plus, certains groupes soufis ont abdiqué devant le combat contre l’injustice. Ils ont choisi de chercher le salut individuel à la marge de la société.

La deuxième raison est l’amalgame provoqué, d’une part, par les égarements de certains adeptes du soufisme, et d’autre part, par des études orientalistes menées souvent avec des arrières pensées, et qui arrivent à la conclusion que finalement le mysticisme musulman se rapproche, voire s’inspire, des sagesses orientales.

Ces deux raisons nous imposent d’affirmer que le seul point de ressourcement pour une véritable éducation spirituelle reste le modèle prophétique, à la condition que nous nous approchions de ce modèle en tant que seul chemin que nous empruntons pour un changement global et profond.

Globalité et équilibre

Nous venons de souligner le caractère limité de la méthode qui cantonne l’éducation spirituelle dans la retraite à la marge de la communauté. Le modèle prophétique nous enseigne que si le principal fruit de l’éducation est un grand changement intérieur, ses prolongements naturels doivent être les changements au niveau de toutes les dimensions de l’être humain. Le mot « at-Tarbiya » en arabe est synonyme de développement. Le développement spirituel du croyant doit d’abord le propulser vers les hauts degrés de la foi et de la présence avec son Seigneur ; puis l’encourager à nourrir régulièrement son intellect par des connaissances et des compétences utiles pour sa communauté. Enfin, ce même développement organisera son action pour que sa participation et ses qualités relationnelles soient dignes d’un croyant qui cherche la satisfaction de Dieu.

L’équilibre entre ces trois dimensions ainsi que les moyens pour l’obtenir sont à la charge du groupe des croyants ou, plus précisément, de la méthode d’organisation du groupe et de conception de son projet.

Quels moyens ?

Une conférence, un livre, une activité culturelle, une exhortation éloquente, répondront-ils aux besoins de l’éducation spirituelle. Voilà une question pertinente que chacun de nous doit se poser. Bien que les moyens que nous venons de citer sont des outils nécessaires, jamais nos cœurs ne seront rassasiés par une simple émotion passagère, un cumul de connaissance ou une dynamique superficielle non fondée sur une conviction intime et profonde.

L’éducation spirituelle est une entreprise de longue haleine. Tel un agriculteur actif, le croyant doit retrousser ses manches pour travailler “la terre de son cœur” sa vie durant. Dieu, Exalté soit-Il, a mis à notre disposition tous les moyens pour que cette entreprise réussisse. Nous pouvons réunir ces moyens en quatre entités principales.

Le repentir

Le Coran, la tradition du Prophète et l’unanimité des savants nous enseignent tous que le point de départ sur le chemin de Dieu est un repentir sincère. Il s’agit de cette volonté de quitter la terre de l’insouciance vers celle de la présence à Dieu. C’est avec cette volonté que le musulman fera face aux facteurs qui tirent vers le bas : la paresse, les péchés, l’égoïsme, la passion pour ce bas monde…L’élan de ce repentir permet de percer tous les voiles pour entamer le grand voyage. Seules les âmes prédisposées réussissent à entendre l’appel du Tout Puissant qui nous invitent à faire ce grand repentir. Ce dernier est autre chose que le sentiment de remords éprouvé lors d’un péché. Les âmes renfermées dans l’orgueil sont indignes d’entendre cet appel, par conséquent elles ne sont pas concernées par l’éducation spirituelle.

Le groupe

On entend souvent des discours qui insistent sur l’importance du groupe et les dangers de s’éloigner de celui ci. Cette insistance est sans doute importante, mais il faut d’abord mettre en relief les caractéristiques qui font de ce groupe un navire de salut.

Dieu a dit à son Prophète : « Fais taire ton impatience (en restant) avec ceux qui, voulant la Face de leur Seigneur, l’implorent matin et soir. Et que ton regard ne s’en détourne point recherchant le brillant de la vie ici bas » (S 18, V 28 ). Le premier des soucis doit être la recherche de la face de Dieu c’est à dire sa satisfaction et son agrément, puis il y a cette imploration sans lassitude, matin et soir et tous les jours. Enfin, la présence du Prophète est venue pour compléter ce dispositif et faire de ce groupe une véritable planche de salut.

Aussi, avant d’être un moyen qui organise notre mouvement sur terre, le groupe doit-il être un creuset qui soigne les maladies de nos cœurs et un tremplin pour notre ascension vers les plus hauts degrés de la piété. Pour ce faire, il faut établir l’échelle des priorités dès le départ. Sans cette échelle, le groupe même réuni sous la bannière d’un projet islamique risque d’être un simple agglomérat d’égoïsmes et de conflits pour le pouvoir et la notoriété ; il éclatera à la première épreuve.

Le modèle

Les grands changements constatés dans la première génération bénie des compagnons du Prophète, puisse Dieu prier en sa faveur et le saluer, étaient le fruit, d’abord de la guidance de Dieu, puis de l’amour qu’avaient ces hommes pour l’Envoyé de Dieu. Leur proximité physique du Prophète et leur attachement à sa noble personne leurs ont permis d’évoluer vers la complétude morale et spirituelle. Ils observaient consciencieusement les gestes, les actes et le comportement du Prophète et les imitaient sympathiquement. Le terme Sohba, qui veut dire compagnonnage, est consacré dans l’histoire de l’islam parce qu’il était un élément moteur dans les changements auxquels on a fait allusion au début de ce paragraphe.

Est-il logique que cet élément ait disparu avec la disparition du Prophète ? Le Messager de Dieu nous a parlé de ses héritiers qui ne sont pas de simples colporteurs de ses paroles. Il s’agit d’hommes et de femmes de Dieu qui, par leur savoir, leur sincérité et leur comportement exemplaire, vont revivifier la tradition du Prophète c’est à dire sa voie dans son intégralité. Seuls des hommes et des femmes de cette trempe sont capables d’instiguer le projet et le mener à bien.

La vie au quotidien

Le quotidien du musulman est déjà jalonné par cinq prières, cependant de multiples versets du Coran et de hadiths du Prophète invitent le cheminant vers Dieu à renforcer ces moments de recueillement par des actes spirituels : lecture du Coran, invocations et rappel matin et soir, veiller la nuit puis par un comportement exemplaire dans la vie familiale, sociale et professionnelle.

Le fruit attendu est que la vie se transforme en une invocation continue même lorsque le croyant accomplit des tâches terrestres et prend des moments de détente légitime.

Conclusion

Peut-on après tout cela laisser la question de l’éducation spirituelle au hasard des occasions qui ne se présenteront peut être jamais ? Grande sera notre perte si nous faisons l’impasse sur une question dont dépend notre sort définitif et notre vie éternelle. La décision nous appartient et l’appel de notre Seigneur est toujours là pour nous aider à la prendre.

 

4 commentaires

  1. salamo alaykoum
    vous avez bien raison; il s’agit bien d’une question plus qu’indispensable et incontournable; retroussons donc nos manches
    jazakoumoullaho koulla kheir

  2. Assalam aleycoum.
    J’ai bu vos paroles et vous en remercie…mais je dois avouer que c’est un peu du canada dry dans le sens où on dirait du soufisme,que ça a la couleur du soufisme,que ça a l’odeur du soufisme,etc..mais ce n’est pas du soufisme?!?
    Je fréquente une tariqa,la naqshbandiya,et peut vous assurer que tous les points soulevés font partie intégrante de notre enseignement,notre cheminement spirituel.Il st bon de rappeler que le tasawuf(soufisme) n’est pas satellite à l’islam mais bien une composante intégrante ,le coeur même, qui existe depuis toujours sans que l’on ne le nomme. Le terme tasawuf vient en effet des ahl el sawf.

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