« Ils se sont satisfaits du bas-monde »

« Chaque communauté subit une épreuve et l’épreuve de ma communauté est l’argent. »[1].

Comme l’annonce notre Prophète, paix et bénédiction sur lui, l’argent constitue la principale épreuve du croyant. L’on peut constater aujourd’hui à quel point le statut de l’argent est magnifié, devenu une marchandise qu’on peut acheter aux banques comme pour le cas des prêts à intérêt. Il est passé du statut de moyen de transaction à celui de produit. Les nations s’entretuent en vue d’en obtenir toujours plus et se trahissent. L’argent est l’appât autour duquel les hommes se jettent au risque d’y perdre leur vie et leurs proches.

Il est la source de nombreux problèmes, que ce soit conjugal, familial avec notamment la question des héritages et professionnel où l’on exploite la force de certains pour tirer un maximum de profit. Bien que l’on sache que l’argent ne constitue pas une fin en soi, l’on peut considérer tout de même l’intérêt à en tirer. C’est cet intérêt qui peut être parfois l’ennemi de la foi.

En réalité, la particularité de l’argent est qu’il peut prendre un nombre infini de valeurs. La valeur qu’il prendra sera celle qu’on voudra bien lui donner. Il sera pour certains un moyen d’obtenir ou de jouir des biens matériels de ce bas-monde. Pour d’autres, il sera un moyen d’obtenir des honneurs par le biais de l’ostentation et de la prodigalité. Enfin, pour certains c’est un moyen de dissuasion voire un pouvoir comme en politique où il gouverne. C’est donc l’intérêt que l’on trouve à avoir de l’argent qui déterminera sa valeur à nos yeux.

Il faut donc redonner la valeur initiale de l’argent qui n’est qu’un moyen de faciliter le commerce et d’obtenir l’agrément de Dieu. Toutefois, l’amour de ce bas-monde est à même de nous pousser à thésauriser constamment de l’argent. Plus l’on désire les biens d’ici-bas, plus le besoins d’argent se fait sentir. Il est donc le moyen d’accès à ce monde et si l’amour de ce bas-monde nous gagne, l’on peut être parfois prêt à tout pour l’obtenir. Al-Hassan al Basrî, que Dieu lui fasse miséricorde, disait : « Par Dieu, l’amour de ce monde a conduit les Enfants d’Israël à adorer des Idoles après avoir adoré le Miséricordieux. »

L’amour de ce monde d’ici-bas n’a pas pour seule conséquence de nous nuire et de nous détourner de Dieu, il est notamment à l’origine des dissensions entre les hommes et entre les croyants car ce monde nous fait oublier la mort et la vie dernière. Il nous détourne des préceptes divins qui nous ordonnent la justice et l’abandon de nos désirs passionnels. C’est une illusion qui s’est interposée à notre regard et qui nous cache la Vérité. Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, a dit : « Toute faute prend sa source dans l’amour de ce bas-monde. »[2]

Pourtant, il est difficile de percevoir à quel point ce monde peut être laid dans son essence car nous ne percevons que la forme que Dieu a « embellie ». Il est donc important de s’accrocher au Coran et à la tradition du Prophète afin d’être constamment mis en éveil sur cette tromperie dans laquelle nous berce « le Trompeur »[3]

Le Prophète, paix et bénédiction sur lui, a dit: « Certes, ce monde est maudit, comme tout ce qu’il contient, à l’exception du rappel de Dieu (dhikr), de ce qui s’y rapporte, du savant et de celui qui étudie. [4]

Ce que l’on peut retenir de ce hadith est l’impératif d’œuvrer exclusivement pour Dieu car la science est notamment un attribut de Dieu. L’on peut parfois avoir l’impression de devoir sacrifier une vie (d’ici-bas) pour une autre (la vie dernière) et de devoir faire preuve d’ascétisme face à cette vie afin de mériter le bonheur de la vie future. Pourtant, l’on trouve dans le Coran un recueil d’exhortations qui vise à donner aux hommes une éthique parfaite et ce, dans le but d’obtenir ici-bas un ordre social à l’image de l’ordre naturel établi par Dieu.

Le projet divin destiné aux hommes n’est donc pas d’agir pour soi en s’éloignant d’autrui afin d’accéder au Paradis mais d’agir conformément aux préceptes divins afin d’être utile aux autres et ainsi obtenir l’agrément de Dieu. La finalité de l’éthique est qu’elle sert l’intérêt d’autrui et pas uniquement le sien. Dès lors, tout ce qui se rapporte de ce monde tel que le Prophète le dit, est maudit au sens où il n’est pas une provision pour la vie dernière. L’on n’emportera pas sa maison, ni même son argent, il convient donc de s’en détacher matériellement pour ce qui est possible et spirituellement pour ce qui constituerait un besoin nécessaire.

Mais plus encore, ce bas-monde est maudit parce qu’il empêche d’établir un ordre social tandis que le rappel de Dieu et la science redonnent aux hommes toute leur raison et leur dignité. Ceux qui œuvrent pour ce monde se concurrencent dans les biens et sont adversaires les uns des autres. Tandis que ceux qui se tournent vers Dieu et tendent à appliquer Ses Lois morales, cherchent un ordre et une paix universelle.

« Au jour de la Résurrection, on fera venir ce bas-monde dans la forme d’une vieille femme aux cheveux blancs, les yeux bleus, le visage défiguré et avec de longues canines. On demandera aux créatures : « La connaissez-vous ? » Elles répondront : « Non, que Dieu nous préserve de la connaître ! » On leur dira : « Voici la vie que vous vous disputiez violemment, pour laquelle vous avez rompu avec vos parents et vos proches, vous vous êtes jalousés, haïs, et dont vous vous flattiez. » Elle sera alors jetée en enfer pendant qu’elle hurlera : « Seigneur, où sont mes disciples et mes courtisans ? » Dieu dira alors : « Faites-la suivre par ses disciples et ses courtisans. »[5]

Source : l’Imam Al-Ghazâlî (1058-1111), Revivification des sciences de la religion, « Réprouver ce bas-monde » (« Kitâb dhamm al-dunyâ »).

 


[1] Hadith rapporté par Ka’b ibn ‘Iyad

[2] Hadith rapporté par par Ibn Abi Dunya et Bayhaqi

[3] Coran, sourate Loqman, verset 33 : « Que la vie présente ne vous trompe donc pas, et que le Trompeur (Satan) ne vous induise pas en erreur sur Dieu ! »

[4] Hadith rapporté par Tirmidhi, selon Abu Hurayra

[5] Hadith rapporté par Al-Fudayl b. ‘Iyad, selon Ibn ‘Abbas

Un commentaire

  1. UNE VÉRITÉ QUE PERSONNE NE VEUT ENTENDRE VOIR MÊME EN COMPRENDRE LE SENS. L’ARGENT UN MOYEN DE SE RAPPROCHER COMME TOUTE LES FORMES DES BIENFAITS DE DIEU
    UN MOYEN PAR LA RECONNAISSANCE D’AGIR ET D’ŒUVRE

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page