Ceci est notre voie : La pratique de la foi (2/2)

Après la définition et le fondement, passons en revue l’aspect méthode et pratique du dine. Ceci est la confirmation par la pratique du fondement cité dans la première partie de cet article[1]. La manière de pratiquer est établie par Dieu comme nous l’avons déjà indiqué. En effet, dans le hadith « Dis : j’ai foi en Dieu ; ensuite, agis en toute rectitude »[2], la première partie découle du fondement, la deuxième partie implique la pratique.

 

Cette pratique se résume en trois étapes en référence au hadith de Gabriel[3], à savoir :

Islam: science de fiqh qui contient les discussions de l’aspect extérieur du dine

Imân : science de tawhid qui contient les discussions des dogmes inclus dans usul-ud-dine

Ihsân : science de tarbiya (éducation) et de tazkiya (purification de l’âme) qui contient les discussions de l’aspect intérieur ou spirituel du dine.

Comment peut-on situer l’Islam par rapport au dine ?

Il faut se rappeler que le concept de dine tel qu’il est présenté ci-dessus peut être dirigé vers Dieu ou vers autre que Dieu, d’où l’affirmation « A vous votre dine, et à moi mon dine »[4]. Par contre, le fait que le dine soit pluriel ne signifie pas que tous soient similaires. Le verset « Désirent-ils un autre dine que celui de Dieu alors que tout ce qui existe dans les cieux et sur terre se soumet à Lui, bon gré, mal gré, et que c’est vers Lui qu’ils seront ramenés ? »[5] est très clair sur ce point. Le dine de Dieu mentionné dans ce verset est nommé à travers le verset « J’ai parachevé pour vous votre dine, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme dine pour vous »[6]. Ainsi, l’Islam est le parachèvement de tous les messages des prophètes. C’est pour cette raison que Dieu nous informe et nous avertit par les paroles suivantes : « Certes, le dine accepté de Dieu, c’est l’Islam »[7]; « Et quiconque désire un dine autre que l’Islam, ne sera point agréé, et il sera dans la vie dernière, parmi les perdants »[8]

En référence au hadith de Gabriel, l’Islam est ainsi le dine dans le sens global du terme mais également la première étape de dine, c’est la partie et le tout. Il est le point de départ d’un long voyage qui a pour finalité la proximité avec Dieu.

Les étapes de dine

Islam – Science de fiqh

Dans le hadith de Gabriel, l’Islam est présenté sous la forme de ses cinq piliers. Cette étape est l’aspect extérieur de dine. La personne qui se contente de ce niveau est dans la catégorie des a’arabu (littéralement les bédouins) qui « sont plus endurcis dans leur impiété et dans leur hypocrisie, et les plus enclins à méconnaître les préceptes que Dieu a révélés à Son Messager »[9]. Puisse Dieu nous préserver, âmine. Chaque personne responsable doit en apprendre autant qu’il doit pratiquer.

Imân(la foi) – Science de Tawhid

Dans la suite de ce même hadith, les bases de Imān sont au nombre de six. Cependant, l’ Imân représente 70 et quelques branches ou affluents selon Ahmed et 60 et quelques branches selon al-Bukhâri. Chaque personne responsable doit en apprendre assez pour raffermir sa foi.

Ihsân (le bel-agir, la bienfaisance, l’excellence)  – Science de Tarbiya et Tazkiya

L’ Ihsân dans ce hadith, « c’est adorer Dieu comme si tu le voyais, car si tu ne le vois pas, certes Lui te voit » nous apprenait le Prophète, paix et salut soient sur lui. C’est le plus haut degré de dine. Chaque personne responsable doit apprendre assez de cette science pour lui faire acquérir des qualités louables, c’est le sens de tarbiya (éducation), et le protéger des qualités blâmables, c’est le sens de tazkiya (purification). Parmi les vertus de l’éducation, citons tawba (se détourner avec regret de tous les actes de rébellion), zuhd (se passer dans ce monde et préparer pour la vie dernière), taqwa (amour et crainte de Dieu), tawakkul (se fier à et avoir confiance en Dieu), rida’ (contentement avec le décret de Dieu), khawf et raja’ (crainte et espoir), etc. D’autre part, il faut purifier le cœur des vices telles que ‘ujb (vanité, suffisance), kibr (fierté), amal (faux espoir), ghadab (se mettre en colère sans fondement), hasad (envie), riya’ (l’ostentation),…

Connaître ces différents niveaux est essentiel comme l’illustre le conseil du Prophète, paix et salut sur lui, aux compagnons avant chaque expédition « Appelez-les à l’Islam et s’ils sont d’accord, acceptez-le d’eux et détournez-vous d’eux. Appelez-les alors à quitter leur région et rejoindre les régions où résident les Muhâjirines[10] (pour leur bonne compagnie). Annoncez-leur que s’ils le font, ils auront les droits, aussi bien que, les devoirs du Muhâjirine. S’ils refusent et décident de rester dans leur région, annoncez leur qu’ils seront comme les a’arabu musulmans (les bédouins) et que la loi de Dieu s’applique à eux de la même manière que ceux qui ont la foi.»[11]

Ainsi, la condition nécessaire pour entamer notre évolution de l’Islam vers l’Ihsân est la bonne compagnie (as sohba) ou le compagnonnage, présentée dans le terme de rejoindre les muhâjirine (les meilleurs de la communauté).

C’est ce point que Sidi Abdessalam Yassine[12] nous rappelle en s’exprimant ainsi :

« L’islam est ascension, l’islam n’est pas un état stationnaire. Le premier échelon est celui du musulman pratiquant et soucieux de remplir ses obligations que la Loi prescrit à tout musulman. Le deuxième échelon est celui de l’Imân, degré élevé ou l’adoration et la droiture morale vont de pair. Troisième degré l’Ihsân, qui est le tremplin et l’espace infini du grand voyage spirituel. Au degré suprême, un guide spirituel est nécessaire car le cheminement est long et la route pleine d’embûches. Il faut un guide spirituel, un tuteur jusqu’à ce que le plant de l’être spirituel prenne racine et développe vigueur »[13].

Les conditions pour une véritable éducation spirituelle méritent d’être revisitées pour bien faire la distinction entre ‘Usul-ud-dine et Imân. En effet, beaucoup de musulmans pensent qu’ils sont déjà au niveau de Imân voire Ihsân, alors qu’en réalité ils ne possèdent que les caractéristiques de ‘Usul-ud-dine. Le verset « Les a’arâbu ont dit : Nous avons la foi. Dis : Vous n’avez pas encore la foi. Dites plutôt : Nous sommes simplement soumis, car la foi n’a pas encore pénétré dans vos cœurs »[14]le montre clairement clairement.

En vue de ces détails, a’arâbu signifie toute personne qui n’entreprend pas l’acte de cheminer avec tous les pré requis. Ainsi, on peut parler de tawhid (l’unicité) ou ‘aquida (le credo) alors qu’on fait du surplace au niveau de l’Islam. C’est le comportement qui dévoilera cette catégorie de gens.

Des idées reçues…erronées !

On nous fait souvent remarquer que l’Islam aurait négligé la notion d’amour au profit des actes. Surtout de la part de nos interlocuteurs de confession chrétienne où ce concept est central jusqu’à oublier que l’évangile recommande d’œuvrer également. Nous confirmons que l’amour occupe une place importante dans l’enseignement de l’Islam. D’ailleurs, nous pourrions imaginer conjuguer le dine avec le verbe « aimer ». Islam serait alors l’amour de soi ; Imân, aimer son prochain autant que soi-même ; Ihsân, aimer son prochain plus que soi-même. Ceci ne sont pas que des discours, des faits historiques ont appuyé la pratique et la réalisation de ce degré d’amour. Il est possible d‘atteindre un niveau de récompense avec l’amour en Dieu plus que ce que nos œuvres pourraient nous rapporter. Beaucoup de hadiths attestent ceci. Cependant, nous insistons sur le fait que ce sont les actes qui confirment la foi.

L’Islam se serait répandu par l’épée, un non-sens. Des pays d’Asie du Sud-est comme la Malaisie et l’Indonésie montrent le contraire.

Aussi des concepts comme le communautarisme qui symbolise d’une manière réductrice la haine de l’autre; et l’islamisme qui est présentée comme l’Islam politique, toujours dans le sens d’exclusion, sont étrangers à notre voie. Le sens de « communauté » est donné par ce verset « Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux. Dieu est certes Omniscient et Grand Connaisseur »[15]

Quand à la politique dans son sens simpliste, elle est synonyme de d’équité, de justice et d’adoration de Dieu. Il n’y a pas de place pour les préjugés ou l’intolérance qui seraient basées sur la couleur de peau, l’ethnie ou la nationalité en Islam. Les règles dans notre référence sont l’acceptabilité, le respect et la coopération sans chercher à l’imposer aux autres car « nulle contrainte en religion ! Car le bon chemin s’est distingué de l’égarement »[16]

Concernant le terrorisme qui se nourrirait de l’Islam, c’est du fantasme. Michaël Privot[17] répondant à une question sur ce sujet a noté que d’après les rapports publiés par Euro Pol sur la menace terroristes depuis 2006, 10 sur à peu près 2.150 attentats en Europe ont été commis par des Musulmans extrémistes. Il ajoutait que 50% des moyens du contre-terrorisme en Europe ont été utilisés juste pour ces 0,5% de terrorisme dit “islamique”. Pour nous, 10 attentats, c’est déjà beaucoup. Néanmoins, il ne faut pas faire passer le message que l’Islam serait violent. Les gens en manque d’éducation se trouvent partout.

Notre rôle est de contribuer à l’avènement « des gens vertueux qui interdissent la corruption sur terre ! … alors que les injustes persistaient dans le luxe (exagéré) dans lequel ils vivaient, et ils étaient des criminels »[18].

Voilà notre chemin, loin des idées préconçues de nos détracteurs.

 


[1] Voir l’article : Ceci est notre voie : les fondements de la foi

[2]Hadith rapporté par Abû ‘Amr ou ‘Amrah Sufyân ibn ‘Abdullâh et recueilli par Muslim

[3] « C’est Gabriel (Jibrîl) qui est venu vous enseigner votre dine » dit le Prophète, paix et salut sur lui, dans un hadith dit « hadith Jibrîl » rapporté par ‘Umar ibn Al Khattab et recueilli par Muslim. Ce hadith qui présente les différentes étapes de dine (Islam, Imân et Ihsân)

[4] Coran : Sûrat Al-Kâfirûn (Les infidèles) ,verset 6

[5] Coran : Al-‘Imrân (La famille d’Imran), verset 83

[6] Coran : Sûrat Al-Mâ’idah (La table servie), verset 3

[7] Coran : Sûrat Al-‘Imrân (La famille d’Imran), verset 19

[8] Coran : Sûrat Al-‘Imrân (La famille d’Imran), verset 85

[9] Coran : Sûrat At-Tawbah (Le repentir), verset 97

[10] Muhajirins sont les premiers musulmans qui ont émigrés avec le Prophète, paix et salut sur lui, de La Mecque à Médine

[11] Hadith rapporté par Buraydah bin Al-Hasib Al-Aslami, recueilli par Muslim et Ahmad

[12] Abdessalam Yassine,  Guide et éducateur spirituel contemporain. Pédagogue, ancien inspecteur de l’enseignement secondaire et directeur du centre de formation des instituteurs. Auteur de plusieurs ouvrages.

[13] « Islamiser la modernité ». Al Ofok impressions – 1998. Page 224.

[14] Coran : Sûrat Al-Hujurât (Les appartements), verset 14) éclaircit ce propos.

[15] Coran : Sûrat Al-Hujurât (Les appartements), verset 13)

[16] Coran : Sûrat Al-Baqarah (La vache), verset 256

[17] Michaël Privot : Directeur de l’ENAR, le Réseau européen contre le racisme, dans « Utalk » du 6 janvier 2012 sur Euronews : http://fr.euronews.com/2012/01/06/l-europe-doit-elle-craindre-les-extremistes-islamistes/

[18] Coran : Sûrat Hûd, verset 116

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