Donner un sens à sa vie (2/2)

Nous sommes face à un problème de déshumanisation de la société, une société à la dérive avec des catastrophes probables. Ainsi la solution pourrait venir du retour de la valeur humaine dans le sens révélé du terme.

 

De la nécessité d’une prise de conscience : Se connaître pour se comprendre

NOTION DU REPÈRE

Dans ce monde sans repère ni direction, l’Islam a sûrement des propositions à faire sur la voie à suivre pour retrouver la sérénité et le bonheur dans cette vie sans oublier la Vie dernière. Les partisans du système en vigueur et adversaires du changement ont d’ailleurs bien compris que l’Islam est l’alternative[1] à l’état actuel du monde. D’où l’utilisation des instruments tels que le terrorisme, la sharia, la situation de la femme… pour faire soumettre et discréditer l’Islam. Nous ne devrions pas sous-estimer le comportement de certains musulmans qui accrédite cette démarche. Cependant, il est de la responsabilité de chacun de chercher à comprendre la situation et de refuser de sous-traiter sa pensée à des marchands de la peur.

La compréhension et la connaissance de l’autre sont au début de tout, les pré-requis à la fraternité. Connaître l’autre est connaître sa référence. En effet, si chacun reste dans son camp, le dialogue sera très difficile voire impossible. Il est bien connu que « un plus un ne fait pas toujours deux » ; ceci dépend justement du repère, du système, binaire ou décimal. La référence absolue en Islam est Dieu, le Créateur ; l’humain est au centre de la préoccupation du musulman. L’origine de notre repère, par extrapolation, est la révélation et non pas l’inspiration. Cette précision est importante car beaucoup ignore cette spécificité du Coran. Ils traitent alors « de mensonge ce qu’ils ne peuvent embrasser de leur savoir »[2]. C’est par ce Coran que « Dieu guide aux chemins du salut ceux qui cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa grâce. Et Il les guides vers un chemin droit »[3]. L’autre volet de notre référence est le modèle, et il y a « dans le Messager de Dieu un excellent modèle [à suivre], pour quiconque espère en Dieu et au Jour dernier et invoque Dieu fréquemment »[4].

Les versets suivants donnent également des éléments complémentaires sur la nature de la référence musulmane :

« Et Nous ne t’avons envoyé [Ô Mohammad] qu’en tant qu’annonciateur et avertisseur pour toute l’humanité. Mais la plupart des gens ne savent pas »[5]

« Nous n’avons envoyé de Messager que pour qu’il soit obéi par la permission de Dieu »[6].

« Et Nous ne t’avons envoyé [Ô Mohammad] qu’en miséricorde pour l’univers »[7]

« Dis (Ô Mohammad) : Si vous aimez vraiment Dieu, suivez-moi, Dieu vous aimera alors et vous pardonnera vos péchés. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux »[8]

Maintenant, on devrait comprendre (même si on ne le partage pas) l’attachement des musulmans à des valeurs qui pourraient alors paraître comme dinosauriens, voire moyenâgeuse ou ancestrale aux yeux de certains, surtout si on a une vision euro-centrique du monde. Cette connaissance de la référence permettra de pénétrer la pensée de l’autre afin de comprendre son comportement, donc l’accepter et non le tolérer.

Participer et aider au réveil de cœur chez l’autrui pour retrouver le chemin de la foi pourrait tomber sur le coup de la loi dans une référence donnée, on appellera cela le prosélytisme. En islam, ne pas jouer ce rôle (comme l’a accompli notre crabe vert[9]) est synonyme du non assistance à une personne en danger. Comme ce qui était une certitude pour le crabe vert n’était pas du tout une évidence pour quelques poissons, les adversaires de l’Islam pourraient avoir des difficultés de compréhension d’une référence où la finalité de l’Homme est l’essentielle, sans pour autant évacuer l’humain de sa préoccupation quotidien.

Nous entendons alors, en refrain, l’incompatibilité de l’Islam avec la culture européenne qui soi-disant serait judéo-chrétienne, ce que des historiens rejettent d’ailleurs en signalant que le seul endroit où les juifs et les chrétiens ont paisiblement vécu ensemble était en Espagne, sous l’autorité des musulmans. C’est cette paix qui a existé entre les différentes confessions et cultures en Espagne, voire ailleurs en Europe et dans le monde, que des personnalités comme le Prince Charles appellent à retrouver en disant qu’ « en cette ère moderne, c’est important pour nous en occident de nous rappeler que de cas notables de paix et d’harmonie ont eu lieu, par exemple, dans le cas de l’Espagne avant le Reconquista où, pendant presque huit siècles, chrétiens, juifs et musulmans ont vécu dans la paix remarquable »[10].

Les ténors du système en vigueur estiment que l’occident n’a pas de bons souvenirs de la religion, d’où la méfiance. Ceci se résume parfaitement par la phrase du genre « autrefois, les religieux utilisaient la faiblesse pour prendre le pouvoir ». Par conséquence, il faut un pouvoir fort et intransigeance envers les religieux pour les empêcher de « reprendre le pouvoir » (gardons les guillemets). C’est probablement pour cette raison que tous les faits et gestes des musulmans sont considérés comme des revendications politiques, des actes ostentatoires, une communauté contestataire… Par rapport à notre référence, nos œuvres visibles (donc publiques) et invisibles (donc privées) ont pour un seul objectif : plaire à Dieu, source de sérénité et de vie paisible. Dans cette vision, donner l’amour et l’amitié à tous les êtres humains devient essentiel. Ce n’est pas un slogan, c’est du vécu. A propos de la notion de communauté, la communauté musulmane (ummah pour reprendre le terme coranique) est ouverte, indépendante du temps, de l’espace, de l’origine, du statut social ; une communauté où l’Homme n’est pas auto-suffisant mais a besoin de la guidance divine (hidâya) pour vivre en harmonie avec son environnement.

Cette ignorance de l’Islam (volontaire ou involontaire d’ailleurs) qu’ont fait preuve quelques individus, amène alors à donner des interprétations erronées de quelques concepts de l’Islam. Ainsi : 

Shariah : est souvent dressé comme un épouvantail pour effrayer les gens et les éloigner du message de l’Islam alors que ce mot, de la manière la plus simple, représente un principe pour préserver la religion, la vie, la raison, le bien et la famille (la progéniture ou l’affiliation). Excepté la religion qui pourrait avoir un sens équivoque selon le repère de chacun, qui pourrait contester le bien fondé de cet objectif de shariah ?

Jihad : est souvent présenté comme la guerre sainte pour coller au mieux à l’horreur des guerres de religions ayant lieu en occident alors que ceci dénote tout effort (individuel et collectif) entamé pour plaire à Dieu et pour être au service de Ses créatures. Quoique la notion de guerre soit présente en Islam, il n’y pas de guerre sainte. Il y a la guerre tout court, c’est le qitâl et fait partie des efforts du jihad. Cette guerre est alors semblable à l’effort qu’aurait fourni le crabe vert pour lever tout obstacle qui pourrait l’empêcher de venir à la rescousse des poissons. Elle sert aussi à protéger et à défendre les faibles. C’est ce que certains auraient appelé une guerre juste dans d’autres repères, reste à voir ce que le mot « juste » signifie dans les différentes références.

Khilâfah (Califa) : est souvent présenté comme un système de gouvernance hégémonique et de conquête, du style d’Alexandre le Grand par exemple, alors que ce mot résume un état où la justice, l’équité, l’impartialité, l’humain, … vont de paire et ont pour socle la présence à Dieu. A première vu, beaucoup revendiquent ces qualités, très peu arrivent à les mettre en œuvre. Il est bien connu que « ce n’est pas l’arme qui compte, ce sont les hommes qui l’utilisent » ; phrase attribuée à un général anglais, le général Smith. Ceci explique pourquoi le dirigeant doit être choisi avec minutie en Islam.

D’autres aspects  de l’enseignement de l’Islam tels que le système d’héritage, la condition de la femme,… sont utilisés comme moyens pour discréditer l’Islam. Nous reviendrons, si Dieu le veut, sur ces points dans d’autres articles.

On peut soulever le fait qu’il y a quand même des événements qui accréditent les thèses des détracteurs de l’Islam. Oui, cela dépend du niveau de la compréhension, de la connaissance et de la pratique de l’Islam[11]. Ce n’est pas parce que quelqu’un se réclame de l’Islam que ses actes sont islamiques, méfions-nous de l’apparence. La vérité est que chacun doit se faire ses propres idées sur l’Islam sans s’attarder sur les obstacles qui forment (ou plutôt) déforment l’image de l’Islam.

En guise de conclusion, nous affirmons qu’il ne faut pas imaginer des solutions politiques ou scientifiques à certains problèmes. Nous sommes face à un problème de déshumanisation de la société, une société à la dérive avec des catastrophes probables. Ainsi la solution pourrait venir du retour de la valeur humaine dans le sens révélé du terme.

 


[1] Murad Wilfried Hofmann – Docteur en droit et philosophie (Harvard), ancien diplômât allemande au Maroc.  « Islam: The Alternative » Garnet Publishing, Reading, 1993

[2] Coran : Jonas, verset 39

[3] Coran : La table servie, verset 16.

[4] Coran : Les coalisés, verset 21

[5] Coran : Saba’, verset 28

[6] Coran : les femmes, verset 64

[7] Coran : Les prophètes, verset 107

[8] Coran : La famille d’Imran, verset 31

[9] Voir l’article « Donner un sens à sa vie partie 1 », paragraphe : Avoir foi en l’invisible

[10] “In this modern era, it is important for us in the West to be reminded of such notable instances of peace and harmony as occurred, for example, in the case of Spain before the Reconquista where, during almost eight centuries, Christians, Jews and Muslims lived in remarkable peace – for this is what we must all have the vision, understanding and tolerance to strive for.”

Extrait du discours : “Prince Charles, A Tribute by the Prince of Wales”. King Hussein’s Memorial Service – St. Paul’s Cathedral, London. July 5, 1999.

[11] Ces différents niveaux feront l’objet d’un prochain article « Ceci est notre voie »


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