Des tempêtes d’amour

L’humanité est en quête, à n’en pas douter. Elle croit parfois trouver ses réponses dans le dernier magazine déco sur les secrets d’une ambiance « zen » à la maison, les SPAS aux promesses d’ailleurs pour enfin s’accorder « un petit moment à soi » ou encore, pour les plus téméraires, une initiation au bouddhisme, cette philosophie du dieu intérieur…

Tout est bon dans cette spiritualité vide. Vide de foi car coupée de Dieu. Des plaisirs illusoires et éphémères, dont l’humanité déchante aussi vite qu’elle s’y est attachée. Elle se réveille, aux lendemains de ces soirs de fête, en proie aux mêmes vides, aux mêmes doutes, aux mêmes angoisses. Que me manque-t-il pour être heureuse, pour être complète ?

Il y a dans cette vie de grandes tempêtes, celles qui secouent l’être jusqu’aux tréfonds de lui-même, celles qui le font douter, qui ébranlent ses certitudes. Qu’elles soient intérieures ou que le vent souffle fort à l’extérieur, elles sont ce qu’il y a de plus salutaire pour l’homme. Elles sont le chemin vers Dieu. Dans la sou, Dieu nous annonce avoir fait de ce bas-monde un lieu parsemé d’épreuves : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits » [1].

Il nous apprend, au travers de Ses paroles et de nos modèles prophétiques, paix et bénédictions sur eux, que la foi et la sincérité du croyant s’éprouvent : « Pensez-vous entrer au Paradis sans que Dieu ait jamais mis à l’épreuve la sincérité et l’endurance de ceux d’entre vous qui ont combattu pour Lui ? » [2]

Par les épreuves, Dieu nous rappelle qu’Il n’est que Lui et que tout le reste est vain. C’est dans la tourmente que nous revenons à Lui, que nous nous réfugions dans Son Amour, que nous implorons Sa Miséricorde. C’est dans ces moments que nous nous sentons, bien souvent, le plus rapprochés de Dieu.

« Ô les croyants ! Cherchez secours dans l’endurance et la prière. Car Dieu est avec ceux qui sont endurants » [3]. Dans ce verset, Dieu nous invite à la prière, c’est-à-dire à détourner son attention de soi et de l’épreuve pour se tourner vers Lui. Car c’est bien lorsque notre ego s’affaisse devant Dieu que nous pouvons effleurer du cœur Sa Proximité.

L’épreuve est une station de pardon telle qu’exprimée par le Prophète, paix et salut sur lui, dans ce hadith, rapporté par Abu Hurayra : « Les croyants et les croyantes ne cesseront d’être éprouvés dans leurs personnes, leurs enfants et leurs biens jusqu’à ce qu’ils rencontrent Dieu le Très-Haut, absous de tout péché » [4]

Elle est le moyen par lequel Dieu nous élève car « toute difficulté que Dieu octroie à Son serviteur sert à lui pardonner son péché et à l’élever à un rang supérieur » [5]

En fait, Dieu fait de l’épreuve envers Son Serviteur un acte d’Amour. Le Prophète Mohamed, paix et salut sur lui, dit à cet égard : « Lorsque Dieu a prédestiné un rang à Son serviteur et que ce dernier ne peut y accéder par ses propres actions, Dieu lui envoie quelques épreuves et tribulations. Puis Il lui accorde la patience de sorte qu’il puisse atteindre ce rang. Près de Dieu, ce serviteur possède une position qu’il ne peut atteindre par la seule adoration. Jusqu’à ce que cette position soit atteinte, Dieu envoie à Son serviteur des choses qu’il ne désire pas » [6]

Mais la vie d’ici-bas, ses plaisirs et tentations nous distraient de la Présence à Dieu. Et nous continuons à courir éperdument dans cette vie et après elle, en dépit de Ses mises en garde : « Je t’ai créé pour Moi et J’ai créé les choses pour toi. Ne corromps donc pas ce que J’ai créé pour Moi par ce que J’ai créé pour toi. »

Qu’en serait-il de notre attachement à ce bas-monde s’il n’y avait aucune épreuve pour nous en rappeler la futilité ? Ainsi, Il « a créé la mort et la vie afin de [nous] éprouver (et de savoir) qui de [nous] est le meilleur en œuvres » [7]. Il a fait de cette vie un temps déterminé où nul ne supportera d’épreuve au-delà de ses capacités. Et Dieu est plus proche de nous que notre veine jugulaire, selon l’expression coranique.

Les épreuves que nous vivons sont parfois des ouragans terribles dans lesquels les cœurs peu amarrés à Dieu peuvent chavirer. Pourquoi ? Et pourquoi moi ? Qu’ai-je fait pour mériter cela ?

Il est normal que ces pensées nous viennent en temps d’épreuve mais la conscience croyante ne peut s’y arrêter. Lorsque, parfois, le monde s’assombrit en nous, il s’agit de nous tourner vers Celui qui est à la source de toute chose. Ainsi, nous trouvons en l’attitude du Prophète Salomon, sur lui la paix, le juste modèle. Dans l’épreuve, il se rappelle le Bienfait de Son Seigneur : C’est un effet de la Grâce de mon Seigneur qui veut m’éprouver : Serai-je reconnaissant ou ingrat ? « Celui qui est reconnaissant, l’est à son avantage ; quant à celui qui est ingrat, qu’il sache que mon Seigneur se suffit à Lui-même et qu’Il est Généreux.» [8]

Certains pensent être punis par Dieu de leurs péchés. C’est une manière de voir et de comprendre. Pour autant, Dieu nous enseigne, dans Son Infinie Bonté : « Je suis selon l’opinion que Mon Serviteur a de Moi. » Il nous appartient donc de placer un immense espoir en Sa Miséricorde afin de Le trouver ainsi, au Jour où il n’y aura d’Ombre que la Sienne.

L’épreuve est un examen que nous passons sous le Regard de Dieu et dont la réussite dépend du degré de patience (as-sabr) dont nous faisons preuve.  As sabr est une vertu, qui comprend, dans ses différentes acceptions, l’idée de patience, de persévérance, d’endurance, de douceur, de constance et de détermination. Elle est « une lumière » [9] et représente « la moitié de la foi » [10].  Al-Hassan ibn Ali ibn Talib, que Dieu l’agrée, nous dit également que « La patience est un des trésors du bien que Dieu n’accorde qu’à un serviteur digne à Ses yeux. »

Nul  n’a su la porter mieux que les Prophètes, paix et salut sur eux, car de tous les hommes, ce sont eux les plus éprouvés : Job (Ayoub, sur lui la paix) vécut une grande maladie, Noé (Nuh, sur lui la paix) pleura trois cents ans durant, Abraham (Ibrahim, sur lui la paix) fut jeté au feu et il lui fut demandé de sacrifier ce qu’il avait de plus cher, Moise (Moussa, sur lui la paix) défia un tyran, Joseph (Yusuf, sur lui la paix) fut trahi par ses frères, Jésus (Issa, sur lui la paix) fut humilié et tourmenté par son peuple, Mohamed, paix et salut sur lui, fit face à tant d’épreuves avec patience et vit mourir son oncle, qu’il aimait tant, sans qu’il ait cru en lui. Un homme demanda un jour au Prophète, paix et salut sur lui : « Quels sont les hommes les plus éprouvés? Et il a répondu : « Les Prophètes puis les hommes exemplaires et ainsi de suite… Les hommes sont éprouvés en fonction de l’ampleur de leur Foi. Ainsi, celui qui a une Foi ferme aura des épreuves plus dures, et celui qui a une foi faible aura des épreuves plus légères … » [11]

Ce monde a tellement besoin du Message, de ce Message lumineux que nous portons, pas toujours très dignement mais que nous aspirons, pour beaucoup, à transmettre.

Les mots manquent parfois, souvent. Et pourtant, nous avons ce trésor entre les mains, ce trésor de religion qu’est l’Islam. La lumière du Coran et son incarnation prophétique sont des repères étincelants pour qui veut les voir…

On raconte que l’Ange Gabriel (Jibrîl : sur lui la paix) a dit : « Si j’avais appartenu à la communauté de ce monde, j’aurais préféré les trois choses suivantes : guider ceux qui ont perdu leur chemin, aimer ceux qui pratiquent l’adoration alors qu’ils sont dans le besoin, et aider les nécessiteux qui ont à s’occuper de nombreux enfants. » Un geste, une parole, un sourire, une présence parfois suffisent. Ce sont toutes ces attentions dont le monde a besoin, pas de longs prêches stériles. Donner à sa famille, ses voisins, ses amis, ses collègues de son temps, de son énergie, de son amour ! Il n’en faut guère plus pour conquérir les cœurs, sur les pas de notre Prophète bien-aimé, paix et salut sur lui.

En ces temps de grands bouleversements mondiaux, politiques et économiques, il semble que la terre se rétrécisse pour une grande partie de l’humanité. Les signes de la fin des temps saisissent ceux qui savent et Dieu laisse peut-être les ténèbres de ce monde s’abattre sur Ses Serviteurs afin de nous réveiller de notre torpeur. Mais c’est au bout des nuits les plus sombres que jaillissent les plus éclatantes aurores. Là est la promesse de Dieu, immense.

« Notre Seigneur ! Répands sur nous la patience ; rappelle-nous, soumis à Toi ! » [12] [1] Sourate 2, verset 155

[2] Sourate 3, verset 142 

[3] Sourate 2, verset 153

[4] Hadith rapporté par Tirmidhi

[5] Musnad Ahmad

[6] Musnad Abû Ya‘lâ, Sahih ibn Hibbân

[7] Sourate 6, verset 2

[8] Sourate 27, verset 40 

[9] Hadith rapporté par Muslim

[10] Hadith rapporté par Abu Nuaîm et al-Khatib

[11] Hadith rapporté par Ibn Hibban

[12] Sourate 7 – verset 126

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