Entre « Restriction » alimentaire et découverte « Spirituelle »

Pourquoi mange-t-on ?

La question paraît simple et personne n’hésitera à répondre que nous nous alimentons parce que notre corps a besoin de nourriture pour fonctionner. Pour être plus précis, il lui faut, d’une part, du carburant énergétique (hydrates de carbone et graisses) qui permet l’activité physique et maintient la température corporelle et, d’autre part, des matériaux de construction et de réparation (protéines et minéraux) pour faire face à la croissance et à l’usure des organes. La réponse semble d’autant plus évidente que nous sommes tous conscients que nous ne pouvons pas ne pas manger, puisque notre corps ne renferme pas la totalité des énergies dont il a besoin au cours de sa vie. Des apports extérieurs sont donc indispensables.

Dans l’esprit de beaucoup de gens, ne rien manger, jeûner, conduit à la mort en quelques jours. Bien que cela soit faux et qu’il faille plusieurs semaines, ou même plusieurs mois, pour que survienne la mort par inanition, il n’en reste pas moins vrai que la nutrition de notre organisme est une fonction essentielle. Nous mangeons pour permettre à notre corps de fonctionner et de subsister.

Mais est-ce la seule raison ?

En examinant les différentes manières de s’alimenter et tous les régimes qui se distinguent du mode d’alimentation traditionnel, nous pouvons aisément constater que nous mangeons aussi pour beaucoup d’autres raisons et que l’alimentation peut également être utilisée pour atteindre des buts autres que la seule nutrition. Par exemple, l’alimentation peut avoir un but thérapeutique.

«Que les aliments soient tes seuls médicaments»
recommandait Hippocrate, le père de la médecine.

Effectivement, de nombreux aliments sont couramment utilisés pour leurs vertus curatives: les épinards et les œufs contre l’anémie, le riz en cas d’hypertension et de problèmes de reins, les pruneaux en cas de constipation, les produits laitiers pour éviter la décalcification, le jus de pomme de terre pour soigner les gastrites et les ulcères, etc.

Non seulement les aliments choisis dans ces régimes nourrissent l’organisme, mais ils ont aussi une action thérapeutique puisqu’ils soutiennent, soulagent ou renforcent l’action des différents organes.

Parallèlement à son rôle dans la nutrition, l’alimentation peut être utilisée dans le domaine de la prévention.

De nombreuses maladies sont aggravées par une alimentation inadaptée : il en est ainsi du diabète en cas de surconsommation de sucre, des problèmes de foie par excès de corps gras, etc…

D’autres maladies, elles, sont directement provoquées par une alimentation inadéquate : l’artériosclérose par excès de corps gras, certains rhumatismes par surcharge en acides, et certaines déficiences immunitaires par carence en vitamines. En choisissant judicieusement les aliments, c’est-à-dire en diminuant ou en supprimant ceux qui sont responsables des troubles ou en ajoutant ceux qui manquent, il est possible de faire de la prévention active uniquement par le biais de l’alimentation.

La nourriture peut également être utilisée dans des but bien diverses tel que l’esthétique, etc…

 

La purification de l’esprit par celle de l’organisme

L’alimentation n’a pas toujours des buts matériels comme ceux que nous venons de voir. Elle peut aussi avoir un but spirituel. Dans ce cas, l’objectif des régimes n’est pas tant d’avoir une influence sur le corps et sur son fonctionnement mais aussi sur l’esprit. Toutes les grandes religions monothéistes ont préconisé des périodes d’abstinence plus ou moins sévères pour atteindre un but spirituel. Les chrétiens ont le carême, période de 46 jours d’abstinence et de privations qui s’étend du Mardi gras au jour de Pâques. Le ramadan est le mois pendant lequel les musulmans s’astreignent à un jeûne entre le lever et le coucher du soleil.

Dans l’antiquité, le jeûne était pratiqué pour des raisons religieuses par les Phéniciens, les Assyriens, les Grecs et les Romains. En Égypte, les candidats aux mystères d’Isis et d’Osiris se préparaient par un jeûne pouvant durer de 7 à 42 jours. En Grèce, les participants aux mystères d’Éleusis jeûnaient de 7 à 9 jours.

Il est par ailleurs bien connu en médecine que les jeûnes et les régimes très restrictifs ont un effet purificateur.

Voici ce que nous enseigne notre Noble Prophète :

« Jeûnez et vous acquerrez la santé. Il est un repos qu’on assigne à l’appareil digestif, il débarrasse le corps de parasites, assainit les intestins… »

Physiquement, cette purification s’opère de la manière suivante : lorsqu’un organisme ne reçoit plus de l’extérieur les substances nutritives dont il a besoin, il les puise dans ses propres tissus par autolyse. L’autolyse est un processus interne de digestion des chairs réalisé par les enzymes du corps lui-même. Littéralement, autolyse signifie: digestion (lyse) de soi-même (auto).

Heureusement, la sagesse qui gouverne les phénomènes naturels fait que cette autolyse des tissus se déroule de façon intelligente. Les tissus sont en effet auto lysés en raison inverse de leur utilité. Ce sont avant tout les déchets et les résidus des métabolismes (toxines) et les tissus malades (kystes, dépôts graisseux, tumeurs) qui sont auto lysés en premier. Quant aux tissus sains et aux organes, ils ne le sont que dans un deuxième temps. Le coeur et le cerveau en tant qu’organes essentiels ne sont pratiquement pas touchés par l’autolyse, même en cas de mort par inanition.

Étant donné que l’autolyse «brûle» les toxines et les tissus malades, il en résulte un nettoyage de l’organisme. Le sang est purifié et les organes débarrassés des déchets qui les encombraient, ce qui a pour conséquence la guérison de nombreux troubles causés ou entretenus par cette accumulation indésirable de toxines.

Parallèlement à l’épuration de l’organisme, une épuration de l’esprit semble aussi avoir lieu. On dit que les jeûnes et les diètes sévères élargissent la perception que nous avons de notre environnement, en modifiant l’acuité de nos cinq sens. Ceux qui pratiquent des jeûnes d’une à plusieurs semaines disent souvent que leurs pensées se clarifient et qu’elles acquièrent une force qu’elles n’ont jamais eue en dehors des jeûnes. Le jugement s’affine lui aussi, et l’esprit s’ouvre à des intuitions et à des prémonitions fulgurantes et justes. De spectaculaires améliorations ou guérisons de dépressions, d’obsessions, et même des cas d’aliénation mentale ont été signalés.

Ces effets positifs sur l’esprit étaient certainement aussi ceux que recherchent les différentes religions.

La purification du corps conduit à une sorte de purification de l’esprit en le rendant plus réceptif et plus ouvert à la fête religieuse à venir. En se dégageant de l’emprise du corps, des désirs et des besoins de la chair, il se tourne vers le haut, si bien que le contact avec les forces supérieures s’établit plus facilement.

« La vie terrestre est une des étapes du voyage vers Dieu. Et le corps en est le véhicule. En tant que tel, il incombe au voyageur de maintenir le corps en un état optimum pour que le malaise et la douleur ne détournent l’attention de la concentration vers le but. (Dieu) » Conseil Soufi.

« La restriction et le jeûne est un acte secret et intérieur que les créatures ne peuvent voir, de ce fait il est à l’abri de la duplicité. » Al-ghazali

En effet, si une courte période d’abstinence pouvait agir de manière positive sur l’esprit, une restriction moins sévère, mais suivie sur une longue période, voire toute la vie durant, sous forme d’un régime alimentaire particulier, aura à plus forte raison d’heureux effets.

 

L’équilibre entre « Consommation » et « Restriction »

Il est maintenant prouvé qu’une forte consommation de viande augmente effectivement l’instinct sexuel et agit comme un stimulant sur l’être humain. Elle le rend plus actif et excitable, ou même agressif et violent. A l’opposé, il est bien connu qu’un régime sans viande relâche fortement les liens entre l’esprit et le corps. L’intérêt pour les choses matérielles est généralement moins fort et les passions physiques s’atténuent. La personne qui suit un régime de ce genre devient moins âpre au gain, moins ambitieux et moins combatif. Elle se désintéresse des buts et des biens matériels.

Le contrôle de soi, de même que la maîtrise des désirs et des pulsions, est facilité. Une certaine ouverture vers les choses plus élevées se trouve ainsi favorisée.

Ces effets s’accentuent, mais de façon maladive, lorsque le régime devient encore plus restrictif et que non seulement la viande mais aussi d’autres aliments sont supprimés. Cela peut se produire avec le régime végétalien dans lequel seuls les végétaux (fruits, légumes, céréales et légumineuses) sont autorisés – contrairement au régime végétarien qui comprend encore les sous-produits animaux tels que les oeufs et les laitages – ou avec le régime fruitarien dans lequel les fruits frais, secs et gras forment la base de l’alimentation.

Dans ces cas extrêmes, la personne qui suit une cure de ce genre peut se désintéresser complètement des choses matérielles et perdre contact avec la réalité.

Son entourage dira d’elle « qu’elle n’a plus les pieds sur terre », « qu’elle est toujours dans la lune » ou « qu’elle est dans les nuages ».

Elle-même affirmera d’ailleurs « s’être libérée de la matière et ne plus se sentir vraiment là ! ».

L’islam apporte un équilibre réel face à ces exagérations, par la parole de notre Prophète :
« Moi, je dors, je me lève, je jeûne, je mange »

Ibn Mas`ûd, par exemple, jeûnait peu et disait : « Lorsque je jeûne, je faiblis devant la prière, or je préfère la prière au jeûne. D’autres se relâchaient dans la récitation du Coran lorsqu’ils jeûnaient. C’est pourquoi ils ne jeûnaient pas beaucoup pour pouvoir assurer la récitation. C’est dire que chaque homme connaît mieux son état et ce qui lui convient. » Al-ghazali

 

Conclusion

De nos jours, de plus en plus de gens suivent des régimes alimentaires qui s’écartent des traditions ; ils n’agissent pas à l’origine dans un but spirituel, mais par souci de leur santé. Les bouleversements qui s’opèrent en eux les amènent ensuite à prendre également conscience des effets de l’alimentation sur leur esprit. Chez de nombreuses personnes, la recherche de la santé, qui était leur motivation première, se transforme en une recherche de développement de la personnalité à travers … l’alimentation.

Il n’est pas rare d’entendre ces gens parler de tous les progrès spirituels qu’ils ont accomplis depuis qu’ils ont changé leur alimentation.

Depuis toujours, l’alimentation a été utilisée dans un but spirituel et non seulement pour nourrir l’organisme.

On peut cependant se demander si cette action sur l’esprit est réelle ou si elle n’est qu’une illusion dont se bercent ceux qui suivent de tels régimes. La question mérite d’être posée, car personne n’a pu expliquer jusqu’à présent comment l’alimentation agit sur l’esprit, ni pourquoi la purification du corps entraîne la purification de l’esprit.

Nous nous y attacherons lors d’une prochaine étude…

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