Marche de la Dignité – 31 octobre 2015

L’accoutumance et le consentement à la discrimination et au racisme gagnent chaque jour du terrain.

Cette discrimination procède par l’invocation d’idéaux inattaquables pour être des plus légitimes : République, laïcité, liberté de la femme… Tout un discours faussement drapé de principes universels qui rend l’auditeur captif et prompt au consentement à la discrimination. La discrimination s’argumente par la crise économique, la paix sociale, le vivre ensemble, le droit à la sécurité, les valeurs républicaines.

Face à la grandeur des principes invoqués, force est de constater la bassesse des pratiques. Exclure et intégrer vont de pair. Il y a les «eux» et les «nous» mais parmi les «eux» il y a les «comme-nous» et les «pas-comme-nous» !

L’islamophobie sous-jacente, permet d’encoder le racisme pour le rendre imperceptible, donc socialement acceptable.  L’accoutumance et le consentement à la discrimination sont synonymes de lâchetés qui ont, par le passé, conduit aux désastres que l’on connaît : esclavage, colonisation, génocides, épurations ethniques.

Nous n’avons jamais été dupes et nous continuerons de refuser que les crispations identitaires et l’abandon des classes populaires ne se poursuivent en se drapant, cette fois, des oripeaux d’une République défendant des valeurs abstraites tout en continuant des politiques concrètes accentuant les inégalités sociales et les désertions politiques.

Ce qui se joue est surtout une nouvelle manière de regarder la pauvreté urbaine et d’y réfléchir, qui, paradoxalement, tout en insistant sur la gravité du « problème », a pour caractéristique principale de laisser dans l’ombre l’origine de la domination sociale, économique et raciste des populations éternellement dites « issues de », et des quartiers populaires.

Désigner des habitants non plus en référence au statut social, mais en fonction de leurs « origines », nationales, culturelles ou « ethniques » permet de présenter les origines dites « ethniques » comme des problèmes – voire des menaces – pour la société, et non pas comme des problèmes pour les personnes subissant le racisme.

Cela conduit à la dépolitisation des problèmes sociaux vs leur racialisation, ethnicisation, confessionnalisation pour mieux aboutir à la dévalorisation  des revendications trop « politiques » transformées en demandes communautaristes.

Nous sommes LA dignité

J’ai participé tout naturellement à cette marche parce que ma généalogie, familiale et spirituelle, m’a inscrite dans un chemin de résistance à l’injustice et à l’oppression. Nous femmes de la Mafed, et vous tou-te-s ici présents, ensemble, nous produisons un espoir face à tous les fabricants de désespoir. Nous sommes le changement de trajectoire amorcé par nos ancien-ne-s et nos aîné-e-s. Nous choisissons le chemin de la dignité parce qu’on ne mendie pas, on ne quémande pas ses droits.

Notre dignité c’est résister à un système qui veut la tuer en nous confisquant notre parole de sujet ; qui espère en nous terrorisant, en nous méprisant, en nous humiliant, en nous invisibilisant… nous empêcher de dire notre réalité, notre aspiration, notre engagement pour un ordre du monde plus juste, plus fraternel plus solidaire… en nous assignant au silence et à l’oubli.

Une étape inévitable dans la réaffirmation de notre dignité bafouée par l’écrasement du racisme d’Etat.

L’expérience vécue

C’est à nous que revient la tâche de documenter les effets du racisme : à celles et ceux qui, parce qu’elles et ils ont été la cible des mots, des regards et de la discrimination, peuvent donner des compte rendus de première main de ce que signifie vivre comme « autres » stigmatisé(e)s.

A nous aussi de dire que les femmes ne sont pas écrasées par le racisme au point de ne pas pouvoir se défendre. Au contraire, nous sommes debout, combatives et habitées par une conscience critique inspirant la résistance et le changement.

Une idéologie vertueuse parée de grands principes pour discriminer pour notre bien

Il faut sans cesse le répéter, l’islamophobie n’est pas une opinion, c’est un délit ; un racisme plein et entier défini comme l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance réelle ou supposée à l’islam et qui sont légitimés par des idéologies et des discours incitant à l’hostilité, à la haine et au rejet des musulmans.

Un fantasme déshumanisant

L’image négative et inquiétante du musulman et de la musulmane, de la présence musulmane, décrite comme arriérée, sournoise, dangereuse, jugée incompatible avec « nos » valeurs, la République, la laïcité, l’égalité hommes/femmes et j’en passe…mène à quelque chose qui relève du fantasme et qui permet la déshumanisation des victimes de l’islamophobie.

Ces pratiques touchent une nouvelle fois prioritairement et  majoritairement les femmes musulmanes qui portant un signe visible et qui, pour cette raison, sont condamnées à une véritable mort sociale.

Que ce soit l’interdiction d’accès  à l’école, au travail, que ce soit la proposition de loi visant à interdire l’accès à l’Université aux femmes voilées,  ou l’interdiction faite aux femmes portant foulard d’accompagner les sorties scolaires,  que ce soit la proposition de loi afin de légiférer sur la question des assistantes maternelles … dans tous ces domaines, et particulièrement l’éducation, ce sont les vecteurs d’émancipation des femmes qui sont visés. Et parler de mort sociale n’est pas un vain mot ni un mot creux.

Racisme d’Etat ?

A tous les échelons de la vie sociale de ces femmes, on a à faire à la production d’une législation d’exception.

Alors que l’on refuse aux mamans d’accompagner les enfants lors des sorties scolaires, on accepte que ces mêmes mamans fassent des gâteaux pour la fête de l’école, comme si  le rôle de ces femmes racisées, était bien de rester dans leur cuisine et de cuisiner pour les autres !

Dans le lot inépuisable de ces discriminations, si certaines sont légales, d’autres sont totalement illégales comme l’interdiction d’accès aux services publics, dans les banques, les bowlings, les restaurants …et récemment dans des espaces de loisirs et des salles de sport. Des lois, des circulaires, des propositions de loi… Premières visées, toujours des femmes.

Harcèlement et persécutions des collégiennes et lycéennes pour leurs bandeaux trop larges, jupes et robes trop longues…

Une islamophobie d’en haut, une islamophobie d’Etat, ce qui en fait une véritable exception française. Toutes les propositions de loi émanent de nos politiques. Et l’islamophobie est l’idéologie raciste la mieux partagée. En France, un consensus transcende les clivages politiques et l’on trouve des islamophobes, des discours et une rhétorique islamophobes de l’extrême gauche à l’extrême droite.

A droite, ce qui structure l’islamophobie, ce sont les questions identitaires et sécuritaires ; à gauche, c’est l’évocation de nobles principes  qui toutefois ne s’appliquent plus  à ce « corps d’exception » que constituent les musulmans réels ou supposés.

Un mot de fin 

« En France, il n’y a pas de problème musulman, il n’y a pas de problème rom, il n’y a pas de problème noir, il n’y a pas de problème arabe, il y a un problème français ! »

 

D’autres photos de la marche ici

 

 

 

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