Combattre la bête (1/2)

La marchandise est au centre de nos vies. Jamais l’Homme n’a été aussi envahi par autant d’objets, jamais il n’est arrivé à en produire aussi massivement et jamais il n’en a été aussi dépendant.

Dès leur fabrication, ces marchandises sont l’objet de toutes nos attentions. Puis durant leurs utilisations quotidiennes, elles sont au centre de toutes nos préoccupations.

Bien que d’apparitions récentes, on a du mal à seulement s’imaginer pouvoir vivre sans son téléphone portable, sans son automobile, sans sa télévision. S’en séparer, pour beaucoup, serait un calvaire.

Et d’années en années, la liste de ces marchandises, dont on ne peut plus se défaire, s’allonge.

C’est la vie moderne nous dit-on. Cette vie où ces objets, qui devaient nous permettre d’acquérir plus de temps ou de liberté, nous font perdre notre autonomie et nous aliènent.

Pourtant, tous ces objets si choyés sont très vite jetés, sans aucune considération, pour être aussitôt remplacés par d’autres. Et ils finissent tous, par s’entasser dans nos innombrables décharges polluantes.

Le fétichisme de la marchandise

On a du mal à comprendre cette fascination débordante que nous portons sur toutes ces marchandises. On sait qu’elles finissent toujours par nous rendre dépendants, on sait que leur production est souvent à l’origine du déséquilibre écologique. On le sait mais rien n’y fait. Ce désir de les posséder est bien plus fort.

 En fait, ce n’est pas la marchandise en elle-même qui est l’objet de notre admiration. C’est ce que qu’on croit qu’elle porte. Ce sont toutes ces promesses de joies, de plaisirs, de sentiments d’éternité, d’épanouissements individuels et de reconnaissances qu’elles sont censées procurer.

 Le martèlement incessant des messages publicitaires est là pour nous en persuader, si certains osent encore en douter. Et on sait qu’il suffit de le répéter pour finir par en faire une vérité.

 Croire qu’un simple objet possède le pouvoir de répondre à ces besoins existentiels et sécurisants qui donnerait un sens à notre vie, c’est ce qu’on appelle le fétichisme de la marchandise.

 Car, aujourd’hui, nous ne sommes plus dans de banals actes de consommation mais bien dans une adoration aliénante qui donne à ces marchandises que nous fabriquons des pouvoirs surnaturels et irrationnels.

Répondre à un besoin existentiel

 Le sens étymologique de « al-imâne » (qu’on traduit usuellement par « la foi ») est « ce qui sécurise ».  Ainsi « Âmanu bi-l-Llah » ne devrait pas être traduit par « J’ai la foi en Dieu » mais plutôt par « Je me sécurise en Dieu ».

 La définition de la foi en Islam est totalement liée à cette notion de sécurité et de paix véritable qu’on ne peut retrouver qu’en Dieu.

Car face aux défis et aux craintes de cette vie ici-bas ou aux enjeux et aux angoisses liés à celle de la vie dernière, l’Homme n’aspire qu’à une seule chose : ressentir la sécurité d’un cœur apaisé.

Quand on retire à l’Homme sa capacité de retrouver ce sentiment à travers la proximité divine, il va nécessairement le rechercher ailleurs, à travers la possession d’objets : dans cette automobile qui l’isole mais le protège ou dans toutes ces innombrables marchandises dont ils s’entourent pour se rassurer même artificiellement, même temporairement.

Toujours plus…

Et si ces marchandises ne lui permettent pas d’obtenir ce qu’il souhaitait, d’autres marchandises toujours plus puissantes, toujours plus performantes ne le décevront plus, espère-t-il.

 Le mensonge publicitaire crée le désir. La désillusion, après l’achat, engendre cette frustration qui nous entraîne vers plus d’achats nécessitant plus d’argent donc plus de travail ou plus d’endettement, etc.

 Chez  l’homme en perte de référence spirituelle, ce sentiment de frustration est nécessaire pour faire tourner à plein régime cette machine à produire le profit :

 De l’argent pour créer de la marchandise qui, vendue, produit plus d’argent ; pour produire encore plus de marchandises ; pour générer encore plus d’argent.

 C’est ce qu’ils appellent la « croissance » qui est devenue le veau d’or de nos sociétés modernes. C’est la bête immonde qui mérite tous ces sacrifices humains, sociaux ou écologiques, sous peine – prétendent-ils – de voir s’écrouler tout notre monde. Et consommation, croissance, concurrence, production, rentabilité … sont les nouveaux termes sacrés de la liturgie marchande.

Il faut donc travailler et consommer en permanence, même au-delà de nos besoins. C’est la grande nouveauté de nos sociétés modernes. L’Homme ne travaille plus et ne consomment plus pour ses besoins, il le fait aussi et d’abord pour les besoins de cette machine à créer le profit. L’homme n’est devenu qu’un moyen.

C’est lorsque l’on comprend cela qu’on peut comprendre les aberrations apparentes de notre système : le gaspillage, des appareils à durée de vie limité même si on a la capacité technologique de faire autrement, des terres mises en jachère ou des productions agricoles détruites alors qu’on souffre encore de la faim à quelques centaines de kilomètres des lieux de culture.

Une marchandise dont la vente n’est plus rentable, il faut la détruire même si d’autres en ont un besoin vital. Une marchandise qui crée de nouvelles dépendances, il faut la promouvoir car elle va permettre la vente de nouvelles marchandises même si cela aliène l’autonomie du consommateur, même si cela nuit à sa santé morale ou physique.

Quand la bête domine…

Cette méga-machine, en étant à l’origine des fulgurantes avancées technologiques, a tout d’abord permis à une minorité d’atteindre l’aisance matérielle. Dorénavant ce système, mondialisé et totalisant, œuvre contre les intérêts des êtres humains et pour la seule logique du profit, de l’argent pour plus d’argent.

Et plus personne ne contrôle la logique dévastatrice de cette bête immonde. Les marxistes se trompent en pensant que les plus puissants (qui détiennent le Capital) contrôlent le système.  Ils en profitent largement et ils font tout pour faire perdurer leur domination, c’est une évidence.

Mais comme le salarié qui vend sa force de travail au plus offrant jusqu’à s’épuiser, comme le consommateur qui use de son pouvoir d’achat pour espérer les meilleurs prix jusqu’à ruiner les producteurs locaux,  le capitaliste vend aussi son argent (son pouvoir d’investissement) aux plus offrants, là où il espère en tirer le meilleur profit, même s’il faut délocaliser.  Et tous, nous sommes soumis à cette règle « sacro-sainte » de la concurrence : le salarié, le consommateur, l’entrepreneur ou le financier. Chacun a conscience qu’il doit faire mieux que l’autre pour vivre, faire disparaitre l’autre sinon disparaître. 

Il faut donc croitre, croitre, croitre ou mourir… 

C’est cette règle qui donne sens à ce système, qui le rend aussi « dynamique » et « productif ».  Et cette règle doit être « libre » ; il faut comprendre, bien sûr, que la concurrence doit être « sans limite » et  « sans éthique » pour établir le règne exclusif des lois de la productivité et de la rentabilité économique. 

Dans le libéralisme économique, quand on revendique plus de libertés, c’est principalement pour dénoncer l’imposition de limites ou de règles morales. 

Car quand la concurrence considère qu’un travail n’est plus rentable, le travailleur est « jeté », sans aucune considération, comme les marchandises qu’ils fabriquent. Il n’est d’ailleurs qu’une marchandise. Il faut avoir cette « liberté » de pouvoir « jeter » tous ce qui n’est plus rentable, homme ou choses. 

Et lorsque, sans emploi, le « rejeté » n’a plus ce pouvoir d’achat, le seul pouvoir qui se respecte, il est alors classé parmi ces « surplus » d’êtres humains, ces gens « en trop », ces classes dangereuses qu’on doit surveiller, isoler, regrouper dans ces banlieues pauvres des villes du Nord ou derrière les frontières fortifiées nous séparant des peuples du Sud.

A suivre …

Source : http://globislam.over-blog.com/combattre-la-b%C3%AAte

 

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