Que dit l’islam sur la PMA, la GPA, le don de spermes et la congélation des ovocytes ?

De la procréation médicalement assistée (PMA) à la gestation pour autrui (GPA) en passant par les dons de spermes et la congélation des ovocytes : Azzedine Gaci, recteur de la mosquée Othmane de Villeurbanne (Rhône), fait le point sur la position de l’islam sur ces questions de bioéthique, à l’heure où le débat est aujourd’hui relancé en France quant à l’autorisation ou non de la PMA et de la GPA.

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a présenté, mardi 27 juin, son point de vue « sur les demandes sociétales de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP) ». Il s’est prononcé en faveur de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes

Il s’est montré en revanche très hostile à l’autoconservation ovocytaire. La question de la pratique des mères porteuses ou la gestation pour autrui (GPA) a aussi fait l’objet d’un avis négatif par le CCNE.

À cette occasion, nous rappelons ici, la position de l’islam à ces sujets.

De l’absence d’une autorité religieuse incontestable

Il n’existe pas en France une autorité religieuse qui s’exprime au nom de tous les musulmans sur les questions de bioéthique. Cela constitue un problème qui se fait de plus en plus sentir en France ou les musulmans se tiennent relativement éloignés des débats de sociétécomme s’ils n’étaient pas directement concernés par les décisions qui seront prises.

Pour trouver des réponses à ces demandes sociétales, les musulmans s’appuient généralement sur les décisions du Conseil de l’académie islamique du fiqh, une instance consultative sur le droit musulman basée en Arabie Saoudite, ou encore le Conseil européen de la recherche et la fatwa (CEFR) basé en Irlande.

Le respect absolu de la filiation

La position de l’islam est formulée essentiellement par le respect absolu de la filiation (1) (Al-Nasl), c’est-à-dire le rattachement de l’enfant à son père et sa mère. Dans ses divers cas de figure, l’assistance médicale à la procréation (AMP) doit respecter ce principe de filiation paternelle et maternelle dans ce qui doit rester un projet parental.

Aussi, deux filiations maternelles ou paternelles ne peuvent se cumuler et sont donc inenvisageables en islam. Toute assistance médicale à la procréation qui respecte ces principes est non seulement autorisée mais encouragée.

Que dit l’islam sur la PMA ?

Elle est autorisée en islam mais uniquement chez les couples hétérosexuels mariés. Par ailleurs, le spermatozoïde et l’ovocyte doivent appartenir exclusivement aux deux conjoints.

En cas de divorce ou si le mari est décédé, l’utilisation du spermatozoïde conservé du mari n’est plus possible. L’adoption est fortement recommandée en cas de stérilité irréversible.

Qu’en est-il des dons de spermes ou d’ovocytes ?

Le recours aux dons de spermes et d’ovocytes qui fait intervenir une tierce personne est radicalement interdit en islam, que les donneurs soient connus ou anonymes.

En effet, le fait que l’enfant ne soit pas issu du sperme du mari ou de l’ovocyte de l’épouse crée un « un mélange des filiations » tout à fait paradoxal en islam. Les dons d’embryons sont également interdits.

Que dit l’islam sur la GPA ?

La pratique de la mère porteuse est également interdite en islam, qui rejette toute maternité de substitution et tout contrat portant sur ce type de grossesse.

L’islam considère que la véritable mère de l’enfant conçu par procréation médicalement assistée est celle qui l’a enfanté et non la génitrice : « Ne sont leurs mères que celles qui les ont enfantés… » (Coran : 58/2)

Qu’en est-il de la congélation des ovocytes ?

Cette technique consiste à prélever des ovules chez une jeune femme et à les congeler pour une grossesse ultérieure. En 2014, Facebook et Apple ont proposé à leur employées en âge de procréer de financer la congélation de leurs ovocytes. Ainsi, elles pourront faire des enfants quand elles le veulent pour concilier maternité et évolution professionnelle.

La congélation des ovocytes n’est autorisée en islam qu’en cas de nécessité absolue. C’est le cas par exemple d’une femme atteinte d’un cancer qui doit faire l’objet d’une chimiothérapie qui la rendrait stérile. Cette femme est autorisée dans ce cas à congeler ses ovocytes avant d’entamer la chimiothérapie.

Encourager les recherches scientifiques dans la limite du sacré

Les nouvelles techniques biomédicales ouvrent un large champ de possibilités. Toutes ces pratiques inédites amènent les juristes musulmans à émettre des fatwas, des avis juridiques circonstanciés, en puisant leurs réponses dans l’esprit des textes du droit musulman, qui se situe lui-même dans une dynamique pragmatique et évolutive permanente.

Tout en encourageant les recherches scientifiques, l’islam pose un cadre et établit des limites afin de préserver la vie, la filiation et la dignité de l’être humain. Cette stricte réglementation est dictée à la fois par le souci de relever les défis posés par les acquis nouveaux de la science et de la technologie et par celui de répondre aux exigences d’une foi et d’une éthique ouvertes par principe aux voies de l’ijtihad (effort intellectuel).

(1) C’est pour éviter les conflits de filiation paternelle concernant les enfants que le délai de viduité a été institué en islam pour les femmes veuves ou divorcées : trois périodes menstruelles si la femme n’est pas enceinte et est réglée, l’accouchement si la femme est enceinte au moment du divorce.

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Azzedine Gaci est recteur de la mosquée Othmane à Villeurbanne (Rhône).

 

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